Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 1er octobre 1990 et 1er février 1991 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jacques X..., demeurant 7, Place du Marché à Saint-Maixent-l'Ecole (79400) ; M. Jacques X... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule l'arrêt du 2 juillet 1990 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation du jugement du 4 juin 1986 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et des pénalités auxquelles il a été assujetti au titre des années 1978 à 1982 ;
2°) règle l'affaire au fond, annule le jugement du 4 juin 1986 du tribunal administratif de Poitiers, et lui accorde la décharge des impositions litigieuses ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Le Roy, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Guiguet, Bachellier, de la Varde, avocat de M. Jacques X...,
- les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi :
Considérant qu'aux termes de l'article 1649 quinquies B du code général des impôts, repris à l'article L.64 du livre des procédures fiscales, dans sa réaction alors en vigueur : "Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes dissimulant la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses : ... b ... qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus ; L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse. Si elle s'est abstenue de prendre l'avis du comité consultatif pour la répression des abus de droits ou ne s'est pas rangée à l'avis de ce comité, il lui appartient d'apporter la preuve du bien-fondé du redressement" ; que lorsque l'administration use des pouvoirs qu'elle tient de ce texte dans des conditions telles que la charge de la preuve lui incombe, elle doit, pour écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, établir que ces actes ont un caractère fictif ou, à défaut, qu'ils n'ont pu être inspirés par aucun motif autre que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées eu égard à sa situation et à ses activités réelles ;
Considérant que l'administration a écarté les actes qui ont, d'une part, transmis à M. Jacques X..., par l'effet d'une donation de sa grand-mère puis d'une donation-partage de sa mère, la nue propriété d'un immeuble d'habitation sis à Aveilles, et d'autre part, par baux consentis à sa mère par sa grand-mère puis à lui-même par sa mère demeurées successivement usufruitières de ce bien, conférant à ces dernières la qualité de locataires dudit immeuble, au motif que ces actes, qui ont été concomitants, ont été passés peu de temps avant la réalisation par M. Jacques X... de grosses réparations sur ledit immeuble, lesquelles ont engendré au cours des années 1978 à 1982 des déficits fonciers dont la déduction de son revenu global conformément aux dispositions de l'article 156-I-30 du code général des impôts n'a pas été admise par l'administration ; qu'en se bornant à relever, pour estimer que l'administration apportait la preuve de l'existence d'un abus de droit, que ces actes ont eu pour "principal effet" de permettre à M. Jacques X... de procéder aux déductions contestées, sans rechercher s'ils avaient été exclusivement inspirés par le motif d'éluder ou d'atténuer la charge fiscale du contribuable, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit ; qu'il suit de là que M. Jacques X... est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Article 1er : L'arrêt susvisé de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Jacques X..., au ministre du budget et à la cour administrative d'appel de Bordeaux.