Vu, enregistré le 11 janvier 1994 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le jugement du 7 janvier 1994 par lequel le président du tribunal administratif de Paris, avant de statuer sur la demande de Z... Zoubida Ahmed Y..., épouse X..., tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 décembre 1993 par lequel le préfet du Val-de-Marne a ordonné sa reconduite à la frontière, a décidé, par application des dispositions de l'article 12 de la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 portant réforme du contentieux administratif, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen les questions suivantes :
1°) les dispositions de l'article 10, modifié, de la loi du 30 décembre 1977 et celles de l'article 1089 B du code général des impôts, soumettant à un droit de timbre de 100 F les requêtes présentées devant les tribunaux administratifs, sont-elles susceptibles de s'appliquer au recours en annulation dirigés contre les arrêtés préfectoraux ordonnant la reconduite à la frontière des ressortissants étrangers, eu égard à la spécificité de la procédure instituée par l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 et, notamment, à la brièveté du délai imparti au requérant pour saisir le tribunal administratif ?
2°) dans l'éventualité où une réponse affirmative serait apportée à la question qui précède, une requête qui tend à l'annulation d'un arrêté préfectoral décidant la reconduite à la frontière de son auteur et qui n'est pas revêtue du timbre prévu par les dispositions susmentionnées, doit-elle être regardée comme irrecevable et cette irrecevabilité doit-elle être soulevée d'office ?
3°) si tel est le cas, le président du tribunal administratif, ou son délégué, peuvent-ils opposer cette fin de non-recevoir sans que l'intéressé ait été préalablement invité à régulariser sa requête en la timbrant ?
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu la loi n° 77-1468 du 30 décembre 1977 ;
Vu la loi n° 93-1352 du 30 décembre 1993, notamment son article 44 ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987, notamment son article 12 ;
Vu les articles 57-11 à 57-13 ajoutés au décret n° 63-766 du 30 juillet 1963 modifié par le décret n° 88-905 du 2 septembre 1988 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Chauvaux, Auditeur,
- les conclusions de M. Abraham, Commissaire du gouvernement ;
Aux termes de l'article 10 de la loi du 30 décembre 1977 susvisée et de l'article 1089 B du code général des impôts dans leur rédaction antérieure à la loi de finances pour 1994 : "Les actes des secrétariats des juridictions judiciaires et administratives ne sont pas soumis au droit de timbre ni à toute autre taxe prévue par le code général des impôts" ; l'article 44-I de la loi de finances pour 1994 (loi n° 93-1352 du 30 décembre 1993) a complété ces articles par les mots : "à l'exception d'un droit de timbre de 100 F par requête enregistrée auprès des tribunaux administratifs, des cours administratives d'appel et du Conseil d'Etat". Il ressort de ces dispositions nouvelles, éclairées par les travaux préparatoires de la loi de finances, qu'en créant un droit de timbre sur les requêtes présentées devant les tribunaux administratifs, les cours administratives d'appel et le Conseil d'Etat le législateur a entendu en prescrire le paiement à peine d'irrecevabilité des requêtes. Il appartient donc au juge, lorsqu'une requête n'est pas exonérée du droit de timbre, de rejeter cette requête comme irrecevable si son auteur n'a pas acquitté ce droit après une demande de régularisation restée sans effet.
Toutefois il résulte de l'ensemble des dispositions de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relatives à la reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière, et notamment de celles des articles 22 et 22 bis qui ouvrent un recours suspensif devant le juge administratif, organisent les garanties dont bénéficie l'étranger pour pouvoir exercer utilement ledit recours et imposent pour la présentation et le jugement de ce recours des délais fixés respectivement à 24 heures et 48 heures, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse applicables en la matière. Dans ces conditions, les dispositions précitées de la loi de finances pour 1994, n'ont pu, dès lors qu'elles ne l'ont pas expressément prévu, rendre applicable aux requêtes présentées devant les tribunaux administratifs et dirigées contre les arrêtés de reconduite à la frontière le droit de timbre qu'elles ont institué.
Le présent avis sera notifié au président du tribunal administratif de Paris, à Mme Zoubida X... et au préfet du Val-de-Marne, et publié au Journal officiel de la République française.