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08/04/1994 | FRANCE | N°142334

France | France, Conseil d'État, Le president de la section du contentieux, 08 avril 1994, 142334


Vu la requête enregistrée le 30 octobre 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. et Mme Sadik Y..., demeurant ... à Rive de Gier (42800) ; M. et Mme Y... demandent au président de la section du Contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 3 octobre 1992 par lequel le vice-président délégué par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande dirigée contre l'arrêté du 8 septembre 1992, par lequel le préfet de la Loire a décidé la reconduite à la frontière de M. Y... ;
2°) d'annuler pour excès de p

ouvoir cet arrêté ;
3°) de décider qu'il sera sursis à l'exécution dudit arr...

Vu la requête enregistrée le 30 octobre 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. et Mme Sadik Y..., demeurant ... à Rive de Gier (42800) ; M. et Mme Y... demandent au président de la section du Contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 3 octobre 1992 par lequel le vice-président délégué par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande dirigée contre l'arrêté du 8 septembre 1992, par lequel le préfet de la Loire a décidé la reconduite à la frontière de M. Y... ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;
3°) de décider qu'il sera sursis à l'exécution dudit arrêté ;
4°) de condamner l'Etat à leur verser la somme de 3 000 F au titre des frais irrépétibles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée, notamment par la loi du 2 août 1989, la loi du 10 janvier 1990 et la loi du 26 février 1992 ;
Vu la convention européenne des droits de l'homme ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- les conclusions de M. du Marais, Commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement :
Considérant que si M. Y... avance qu'il n'a pas été régulièrement convoqué à l'audience, il ressort des mentions du jugement attaqué, qui font foi jusqu'à preuve du contraire, que les parties ont été dûment convoquées à l'audience ; que cette preuve n'est pas rapportée par M. Y... dont l'avocat était d'ailleurs présent à l'audience ;
Considérant que la circonstance que l'expédition du jugement du tribunal administratif de Lyon du 3 octobre 1992 délivré à M. Y... ne porterait ni la signature du magistrat délégué, ni celle du greffier, à la supposer établie, est sans incidence sur la régularité de ce jugement ;
Considérant que M. Y... ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui ne sont pas applicables au contentieux de la reconduite à la frontière ; que le jugement attaqué n'est pas irrégulier en la forme ;
Considérant toutefois qu'il ressort des pièces du dossier que Mme Y... par un mémoire enregistré au tribunal administratif de Lyon le 2 octobre 1992 s'est associée en qualité d'intervenante au recours tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral décidant la reconduite à la frontière de son mari ; que le jugement susvisé du 30 octobre 1992 doit être annulé en tant qu'il s'est abstenu de statuer sur l'intervention présentée par Mme Y... ;
Considérant que Mme Y... a intérêt à l'annulation de l'arrêté attaqué ; que, par suite, sont intervention était recevable ;
Sur la légalité externe de l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant qu'il ressort de l'instruction que M. X..., chef du bureau des étrangers à la préfecture de la Loire, qui a signé l'arrêté de reconduite contesté, bénéficiait d'une délégation de signature du préfet de la Loire en date du 29 avril 1992 à l'effet notamment de signer les arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière ; que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté attaqué ne peut donc être accueilli ;
Considérant que l'arrêté préfectoral attaqué, qui expose les éléments de droit et de fait qui sont le fondement de la mesure de reconduite, est suffisamment motivé ;
Considérant que les conditions de notification de l'arrêté de reconduite contesté sont sans incidence sur la régularité de cet arrêté ;
Sur la légalité interne de l'arrêté de reconduite à la frontière :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Y..., à qui la qualité de réfugié politique a été refusée par une décision de l'office français de protection des réfugiéset apatrides en date du 25 mai 1990, confirmée par la commission de recours des réfugiés le 21 décembre 1990, s'est maintenu sur le territoire pendant plus d'un mois à compter de la notification qui lui a été faite le 14 janvier 1992 de la décision de refus de séjour et d'admission est exceptionnelle au séjour prise par le préfet de la Loire le 31 octobre 1991 ; que, par suite, il se trouvait dans le cas prévu à l'article 22-I-3° de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Considérant qu'en admettant même que le requérant soit recevable à exciper de la légalité de la décision lui refusant la régularisation de sa situation, il ne peut utilement se prévaloir des dispositions de la circulaire du 23 juillet 1991, relative à l'admission exceptionnelle au séjour des demandeurs d'asile déboutés, qui sont dépourvues de valeur réglementaire ;
Considérant que M. Y..., qui n'apporte aucune justification au soutien de ses allégations selon lesquelles il aurait été père d'un enfant français à la date de la décision attaquée, n'est pas fondé à invoquer les dispositions des articles 15-3° et 25-5° de l'ordonnance du 2 novembre précitée ;
Considérant que si M. Y... fait valoir qu'il vit en France avec son épouse, qui selon un certificat médical postérieur à l'arrêté attaqué aurait été enceinte et s'il déclare ne plus avoir aucune attache en Turquie, l'arrêté dont il a fait l'objet n'a pas, compte-tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de la durée et des conditions de son séjour et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, porté au droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'ainsi les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme auraient été méconnues ;
Sur la légalité de la décision complémentaire fixant le pays vers lequel M. Y... doit être reconduit :
Considérant qu'il ressort de la rédaction de l'arrêté litigieux que celui-ci doit être regardé comme prévoyant la reconduite de M. Y... dans son pays d'origine, la Turquie ;

Considérant que si les requérants font valoir que M. Y..., qui est d'origine kurde, a fait l'objet d'une condamnation en Turquie et redoute des persécutions à caractère politique en cas de retour dans ce pays, il ne produit aucun document probant susceptible d'établir la réalité des risques auxquels il serait exposé personnellement, risques dont l'office français de protection des réfugiés et apatrides et la commission des recours des réfugiés n'ont pas retenu l'existence ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. Y... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête ;
Considérant que les conclusions de M. et Mme Y... demandant la condamnation de l'Etat à leur verser la somme de 3 000 F au titre des frais irrépétibles doivent être regardées comme tendant à l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ; que lesdites dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné au versement de ladite somme ;
Article 1er : Le jugement susvisé du 3 octobre 1992 est annulé entant qu'il omet de statuer sur l'intervention de Mme Y... ;
Article 2 : L'intervention de Mme Y... devant le tribunal administratif de Lyon est admise.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et MmeYALGIN est rejetée.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme Y..., au préfet de la Loire et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.


Synthèse
Formation : Le president de la section du contentieux
Numéro d'arrêt : 142334
Date de la décision : 08/04/1994
Type d'affaire : Administrative

Analyses

26-05-01-04 DROITS CIVILS ET INDIVIDUELS - ETRANGERS, REFUGIES, APATRIDES - ETRANGERS - QUESTIONS COMMUNES - RECONDUITE A LA FRONTIERE


Références :

Circulaire du 23 juillet 1991
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 22, art. 15, art. 25


Publications
Proposition de citation : CE, 08 avr. 1994, n° 142334
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Combarnous
Rapporteur public ?: du Marais

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1994:142334.19940408
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