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20/06/1994 | FRANCE | N°94468

France | France, Conseil d'État, 3 / 5 ssr, 20 juin 1994, 94468


Vu la requête, enregistrée le 20 janvier 1988 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la REGION NORD-PAS-DE-CALAIS, représentée par son président en exercice à ce dûment habilité ; la région demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 18 novembre 1987 par lequel le tribunal administratif de Lille a, sur déféré du préfet de la REGION NORD-PAS-DE-CALAIS, préfet du Nord, annulé la délibération du 23 janvier 1987 de son conseil régional portant statuts particuliers des emplois de catégorie A et B de la région ;
2°) de rejeter l

e déféré du préfet du Nord présenté devant le tribunal administratif de Lille ...

Vu la requête, enregistrée le 20 janvier 1988 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la REGION NORD-PAS-DE-CALAIS, représentée par son président en exercice à ce dûment habilité ; la région demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 18 novembre 1987 par lequel le tribunal administratif de Lille a, sur déféré du préfet de la REGION NORD-PAS-DE-CALAIS, préfet du Nord, annulé la délibération du 23 janvier 1987 de son conseil régional portant statuts particuliers des emplois de catégorie A et B de la région ;
2°) de rejeter le déféré du préfet du Nord présenté devant le tribunal administratif de Lille ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 72-619 du 5 juillet 1972 modifiée ;
Vu la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 ;
Vu la loi n° 8453 du 26 janvier 1984 modifiée ;
Vu le décret n° 86-227 du 18 février 1986 ; Vu le décret n° 86-479 du 15 mars 1986 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Gervasoni, Auditeur,
- les conclusions de M. Savoie, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par sa délibération du 23 janvier 1987, le conseil régional de la REGION NORD-PAS-DE-CALAIS a décidé de créer, selon les modalités de recrutement, de rémunération et de déroulement de carrière qui sont définies par les articles 1er à 56 de cette délibération, des emplois de fonctionnaires régionaux comportant, d'une part, dans la catégorie B, les emplois "d'aide-documentaliste ou aide-archiviste, de rédacteur, de rédacteur principal, de rédacteur chef, de technicien principal, de technicien supérieur et d'assistant de direction" et, d'autre part, dans la catégorie A, les emplois de "documentaliste ou archiviste, de chargé d'administration, de chargé d'études, d'attaché, d'attaché principal, d'administrateur, d'administrateur principal, de chef de service ou directeur-adjoint, de directeur, de directeur général adjoint et de directeur général des services" ; que la même délibération énonce dans ses autres dispositions des règles qui permettent à certains agents en fonction d'être intégrés dans les emplois ainsi créés ;
Considérant que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé la délibération susmentionnée pour le motif qu'elle serait intervenue en violation des articles 4 et 6 de la loi du 26 janvier 1984 qui donnent compétence à des décrets en Conseil d'Etat pour établir les statuts particuliers des cadres d'emplois qui régissent les fonctionnaires territoriaux ;
Considérant que, si la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale a prévu en ses articles 4 et 6 que les fonctionnaires territoriaux appartiennent à des cadres d'emplois régis par des statuts particuliers à caractère national qui sont établis par décret en Conseil d'Etat, la même loi a disposé en son article 114 que : "Les dispositions réglementaires portant statut des corps ou emplois en vigueur à la date de publication de la présente loi demeurent applicables jusqu'à l'intervention des statuts particuliers pris en application de la présente loi" ; qu'à la date de publication de la loi du 26 janvier 1984, la création des emplois de fonctionnaires régionaux était régie par les dispositions de l'article 16-3 qui a été inséré dans la loi du 5 juillet 1972 portant création et organisation des régions par celle du 2 mars 1982 et qui prévoyait que : " ... Jusqu'à l'entrée en vigueur d'une loi fixant le statut du personnel régional, tout engagement d'un fonctionnaire régional s'effectue selon les modalités de recrutement, de rémunération et de déroulement de carrière qui étaient appliquées dans le département dans lequel se trouve le chef-lieu de la région à la date du 15 juillet 1981, pour des emplois équivalents lorsque de tels emplois existaient. Dans le cas contraire, ces modalités doivent être fixées par référence aux emplois équivalents de l'Etat" ;

Considérant que, par une décision du 11 janvier 1993, le Conseil d'Etat statuant au Contentieux a annulé, d'une part, le décret du 13 mars 1986 portant statut particulier des administrateurs territoriaux et, d'autre part, le décret du 15 mars 1986 portant statut particulier des directeurs de service administratif, attachés principaux et attachés territoriaux et, qu'aprèsl'annulation desdits décrets qui sont réputés n'être jamais intervenus, aucun des emplois prévus par la délibération contestée du 23 janvier 1987 n'était, à la date de cette délibération, régi par un statut particulier pris en application des articles 4 et 6 de la loi du 26 janvier 1984 ; qu'il suit de là que ces dernières dispositions ne faisaient pas obstacle à ce que de tels emplois fussent créés par le conseil régional dans les conditions fixées par les dispositions précitées de l'article 16-3 de la loi du 5 juillet 1972, qui demeuraient en vigueur par l'effet de l'article 114 de la loi du 26 janvier 1984 ; que c'est, dès lors, à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé la délibération susmentionnée pour le motif qui a été précédemment analysé ;
Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens que le préfet du Nord avait exposés dans sa demande au tribunal administratif ;
Sur la légalité externe de la délibération attaquée :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 7-V de la loi du 5 juillet 1972, dans sa rédaction issue de la loi du 2 mars 1982 modifiée par la loi du 22 juillet 1982 : "Le représentant de l'Etat dans la région défère au tribunal administratif les actes (...) qu'il estime contraires à la légalité dans les deux mois suivant leur transmission" ; que le caractère incomplet de cette transmission, s'il a pour effet de priver les actes concernés de caractère exécutoire et de modifier les conditions de délai dans lesquelles le préfet peut exercer un déféré à leur encontre, est sans incidence sur la légalité desdits actes ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la délibération du 23 janvier 1987 du conseil régional du Nord-Pas-de-Calais n'aurait pas respecté les règles de forme permettant au préfet d'exercer le contrôle de légalité institué par la loi du 2 mars 1982 modifiée est inopérant ;

Considérant, d'autre part, que les dispositions des articles 5, 10, 16, 18-1°, 21, 26, 33, 38, 41 et 44 de la délibération litigieuse par lesquelles le conseil régional a renvoyé à des arrêtés de son président la définition des modalités d'organisation des concours de recrutement des agents des catégories A et B visés par la délibération n'ont eu ni pour objet, ni pour effet d'habiliter le président du conseil régional à définir d'autres modalités de recrutement que celles en vigueur pour les emplois équivalents du département ou, à défaut, pour les emplois équivalents de l'Etat ; que, dès lors, le préfet du Nord n'est pas fondé à soutenir que les dispositions précitées auraient violé le 1er alinéa de l'article 12 de la loi du 5 juillet 1972 dans sa rédaction issue de l'article 71-II de la loi du 2 mars 1982 fixant les conditions dans lesquelles le conseil régional peut déléguer certaines de ses attributions ;
Sur la légalité interne :
Considérant qu'aux termes de l'article 16-3 de la loi du 5 juillet 1972 dans sa rédaction issue du deuxième alinéa de l'article 75-II de la loi du 2 mars 1982 : "(...) jusqu'à la date d'entrée en vigueur d'une loi fixant le statut du personnel régional, tout engagement d'un fonctionnaire régional s'effectue selon les modalités de recrutement, de rémunération et de carrière qui étaient appliquées par le département dans lequel se trouve le chef-lieu de la région à la date du 15 juillet 1981, pour des emplois équivalents. Dans le cas contraire, ces modalités doivent être fixées par référence aux emplois de l'Etat équivalents" ;
En ce qui concerne les dispositions relatives aux emplois définis par équivalence aux emplois du département :

Considérant que le préfet du Nord ne précise pas en quoi les emplois de chargé d'étude, de chargé d'administration, d'assistant de direction et d'aide-documentaliste ne seraient pas équivalents aux emplois correspondants du département ;
En ce qui concerne les dispositions relatives aux emplois définis par équivalence aux emplois de l'Etat :
Considérant qu'en se référant aux emplois de l'Etat équivalents, l'article 16-3 précité de la loi du 5 juillet 1972 a entendu viser les agents du cadre national des préfectures et ceux des services extérieurs de l'Etat et non les emplois des administration centrales de l'Etat ; qu'ainsi, le préfet est fondé à demander l'annulation des articles 42 à 56 de la délibération attaquée qui ont retenu un principe d'équivalence des emplois supérieurs de la région à ceux des administrations centrales de l'Etat ;
Sur la légalité des dispositions relatives à la titularisation des agents non titulaires de la région :
Considérant qu'aux termes de l'article 126 de la loi du 26 janvier 1984 : "Les agents non titulaires qui occupent un emploi présentant les caractéristiques définies à l'article 3 du titre 1er du statut général ont vocation à être titularisés, sur leur demande, dans des emplois de même nature qui sont vacants ou qui seront créés par les organes délibérants des collectivités ou établissements concernés sous réserve : 1° d'être en fonctions à la date de publication de la présente loi (...) ; 2° d'avoir accompli, à la date du dépôt de leur candidature, des services effectifs d'une durée équivalente à deux ans au moins de services à temps complet dans un des emplois sus-indiqués ; 3° de remplir les conditions énumérées à l'article 5 du titre du 1er du statut général" ; qu'aux termes de l'article 46 de la loi du 12 juillet 1984 : "Les dispositions des articles 126 à 136 inclus de la loi du 26 janvier 1984 précitée sont applicables aux agents non titulaires, d'une ancienneté au moins égale à six mois, recrutés par les régions avant la publication de la présente loi" ; que le décret du 18 février 1986 relatif à la titularisation des agents des collectivités territoriales des catégories A et B, pris pour l'application des dispositions précitées, institue le recours à un système d'examen professionnel ou de liste d'aptitude comme modalités de titularisation obligatoires des agents concernés ;

Considérant que les articles 57 à 61 de la délibération attaquée, qui forment un ensemble indivisible, permettent à des agents d'être titularisés alors qu'il n'ont pris leurs fonctions au conseil régional que postérieurement à la date de publication de la loi du 12 juillet 1984 et méconnaissent les modalités de titularisation fixées par le décret du 18 février 1986 précité ; que, dès lors, le préfet du Nord est fondé à en demander l'annulation ;
Sur le moyen tiré d'un détournement de pouvoir :
Considérant que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le la REGION NORDPAS-DE-CALAIS est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a, sur déféré du préfet du Nord, annulé les articles 1er à 13, 20 à 41 et 62 à 63 de la délibération du 23 janvier 1987 de son conseil régional portant statuts particuliers des emplois des catégories A et B de la région ;
Article 1er : Le jugement en date du 18 novembre 1987 du tribunaladministratif de Lille est annulé en tant qu'il a annulé les articles1er à 13, 20 à 41 et 62 à 63 de la délibération du 23 janvier 1987 duconseil régional du Nord-Pas-de-Calais.
Article 2 : Les conclusions du déféré du préfet de la REGION NORD-PAS-DE-CALAIS dirigées contre les articles 1er à 13, 20 à 41 et 62 à 63 de la même délibération sont rejetées.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la REGIONNORD-PAS-DE-CALAIS est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la REGION NORD-PAS-DE-CALAIS et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.


Synthèse
Formation : 3 / 5 ssr
Numéro d'arrêt : 94468
Date de la décision : 20/06/1994
Type d'affaire : Administrative

Analyses

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - CADRES ET EMPLOIS - CREATION - TRANSFORMATION OU SUPPRESSION DE CORPS - GRADES ET EMPLOIS.

REGION - ORGANES DE LA REGION - CONSEIL REGIONAL - DELIBERATIONS.

REGION - AGENTS DE LA REGION.


Références :

Décret 86-227 du 18 février 1986
Décret 86-417 du 13 mars 1986
Décret 86-479 du 15 mars 1986
Loi 72-619 du 05 juillet 1972 art. 16-3, art. 7, art. 12
Loi 82-213 du 02 mars 1982 art. 71, art. 75
Loi 82-623 du 22 juillet 1982
Loi 84-53 du 26 janvier 1984 art. 4, art. 6, art. 114, art. 5, art. 126
Loi 84-594 du 12 juillet 1984 art. 46


Publications
Proposition de citation : CE, 20 jui. 1994, n° 94468
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Gervasoni
Rapporteur public ?: Savoie

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1994:94468.19940620
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