Vu la requête enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 5 février 1993, présentée par Mme Ling Yun Y..., demeurant chez M. Tang Qu X..., ... ; Mme Y... demande au président de la section du Contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 3 septembre 1992 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 12 août 1992, par lequel le préfet de police de Paris a décidé sa reconduite à la frontière ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'home et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée, notamment par la loi du 2 août 1989, la loi du 10 janvier 1990 et la loi du 26 février 1992 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- les conclusions de M. Bonichot, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que Mme Y..., ressortissante chinoise entrée en France le 7 octobre 1989 et à qui la qualité de réfugié politique a été refusée par une décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides du 9 février 1990, confirmée le 28 septembre 1990 par la commission des recours des réfugiés, s'est maintenue sur le territoire pendant plus d'un mois à compter de la notification le 22 avril 1992 de la décision par laquelle le préfet de police de Paris lui a refusé la délivrance d'une carte de résident et l'a invitée à quitter le territoire ; que, par suite, elle se trouvait dans le cas prévu à l'article 22-I-3° de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant toutefois qu'il ressort des pièces du dossier que Mme Y... vit maritalement en France depuis février 1990 avec un ressortissant chinois titulaire d'une carte de séjour depuis 1983 et avec son propre fils né en Chine en 1984 et que, depuis son entrée sur le territoire français elle a travaillé comme salariée déclarée, notamment d'une société à responsabilité limitée qu'elle a contribué à créer ; que, dans ces conditions, eu égard au fait que la décision de reconduite à la frontière dont elle a fait l'objet n'a été prise que le 12 août 1992, cette décision doit être regardée comme entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences que cette mesure comportait sur la situation personnelle de l'intéressée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme Y... est fondée à demander l'annulation du jugement et de l'arrêté attaqués ;
Article 1er : Le jugement du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris en date du 3 septembre 1992 et l'arrêté du préfet de police de Paris en date du 12 août 1992 décidant la reconduite à la frontière de Mme Ling Yun Y... sont annulés.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme Ling Yun Y... au préfet de police de Paris et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.