La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/07/1994 | FRANCE | N°145276

France | France, Conseil d'État, 6 / 2 ssr, 29 juillet 1994, 145276


Vu 1°) sous le numéro 145 276 la requête enregistrée le 12 février 1993 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Roger B... demeurant ... ; M. B... demande l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 31 décembre 1992 déclarant d'utilité publique les travaux de la rocade L 2 à Marseille entre la voie express S 8 et l'autoroute A 50 et lui conférant le statut autoroutier ;
Vu 2°) sous le numéro 145 670 la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 1er mars 1993 et 28 juin 1993 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Eta

t, présentés par la FEDERATION DES COMITES DES INTERETS DE QUARTIER DU 1...

Vu 1°) sous le numéro 145 276 la requête enregistrée le 12 février 1993 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Roger B... demeurant ... ; M. B... demande l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 31 décembre 1992 déclarant d'utilité publique les travaux de la rocade L 2 à Marseille entre la voie express S 8 et l'autoroute A 50 et lui conférant le statut autoroutier ;
Vu 2°) sous le numéro 145 670 la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 1er mars 1993 et 28 juin 1993 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par la FEDERATION DES COMITES DES INTERETS DE QUARTIER DU 12 EME ARRONDISSEMENT DE MARSEILLE contre les nuisances de la L 2 dont le siège est ... représentée par sa présidente en exercice ; la FEDERATION DES COMITES DES INTERETS DE QUARTIER DU 12 EME ARRONDISSEMENT DE MARSEILLE demande l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 31 décembre 1992 déclarant d'utilité publique les travaux de la rocade L 2 à Marseille entre la voie express S 8 et l'autoroute A 50 et conférant à cette voie le statut autoroutier ;
Vu 3°) sous le numéro 145 701 la requête sommaire et le mémoirecomplémentaire enregistrés les 1er mars 1993 et 7 juillet 1993 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pourl'ASSOCIATION COMITE DE DEFENSE DES MARSEILLAIS CONTRE LES NUISANCES DE LA L2 dont le siège est ... représentée par sa présidente en exercice, pour M. Camille A..., demeurant ..., M. Jean-Pierre C..., demeurant Parc Dussuard, bat F, ..., M. E... MAHE, demeurant ..., M. Vincent H..., demeurant ..., Les Nymphéas à Marseille (13012), M. Guy I..., demeurant ... ; les requérants demandent que le Conseil d'Etat :
1°) annule pour excès de pouvoir le décret du 31 décembre 1992 par lequel ont été déclarés d'utilité publique les travaux de la rocade L 2 à Marseille entre la voie expresse S 8 et l'autoroute A 50 et a été conféré à cette voie le statut autoroutier ;
2°) condamne l'Etat à leur verser une somme de 15 000 F au titre de l'article 75-I de la loi 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu 4°) sous le numéro 145 743 la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 2 mars 1993 et 28 juin 1993 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. GEORGES F..., demeurant ... ; M. F... demande l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 31 décembre 1992 déclarant d'utilité publique les travaux de la rocade L 2 à Marseille entre la voie express S 8 et l'autoroute A 50 et conférant à cette voie le statut autoroutier ;

Vu 5°) sous le numéro 145 744 la requête enregistrée le 2 mars 1993 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Pierre Z..., demeurant ... ; M. Z... demande l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 31 décembre 1992 ;
Vu 6°) sous le numéro 145 745 la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 2 mars 1993 et 28 juin 1993 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. Gilbert Y..., demeurant ... ; M. Y... demande l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 31 décembre 1992 ;
Vu 7°) sous le numéro 145 746 la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 2 mars 1993 et 28 juin 1993 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. Raymond G..., demeurant ... ; M. G... demande l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 31 décembre 1992 ;
Vu 8°) sous le numéro 145 799 la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 4 mars 1993 et 24 juin 1993 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. Jean X..., demeurant ... ; M. X... demande l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 31 décembre 1992 ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de la voirie routière ;
Vu la loi n° 80-502 du 4 juillet 1980 ;
Vu la loi n° 83-630 du 12 juillet 1983 ;
Vu la loi n° 92-1444 du 31 décembre 1992 ;
Vu le décret n° 84-617 du 17 juillet 1984 ;
Vu le décret n° 85-453 du 23 avril 1985 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Fougier, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Boré, Xavier, avocat de l'Association Comité de Défense des Marseillais contre les nuisances de la L 12 et autres,
- les conclusions de M. du Marais, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes susvisées sont dirigées contre un même décret ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'il soit statué par une même décision ;
Sur les moyens de légalité externe :
En ce qui concerne les modalités de l'enquête publique :Considérant que si deux avis d'ouverture d'enquête publiés dans deux quotidiens locaux portaient la mention erronée de mise à l'enquête d'une route express au lieu d'une autoroute, cette erreur a fait l'objet d'un rectificatif publié dans les mêmes quotidiens le 24 mai 1991 ; que la seconde publication de l'avis dans la presse, quinze jours après la première, mentionnait bien le statut autoroutier du projet ; qu'ainsi le public ne pouvait ignorer que l'enquête portait sur un projet autoroutier ;
Considérant qu'en fixant le siège de l'enquête à la mairie de Marseille (division foncière), le préfet des Bouches-du-Rhône a fait une exacte application des pouvoirs qu'il tient du 2° de l'article R 11-14-5 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
Considérant que la détermination des jours et heures de mise à la disposition du public du dossier d'enquête, décidée par le préfet sur le fondement du 3° de l'article R 1114-5 du code précité, a satisfait aux prescriptions de l'article 14 du décret n° 85-453 du 23 avril 1985 ;
En ce qui concerne la composition du dossier soumis à enquête :
Considérant que si le conseil municipal de Marseille avait la faculté de prendre une délibération relative au projet soumis à enquête, aucune disposition n'impose qu'une délibération de cette nature, si elle est prise, figure au dossier d'enquête ;

Considérant que la compatibilité entre un plan d'occupation des sols et une opération déclarée d'utilité publique, exigée par l'article L 123-8 du code de l'urbanisme s'apprécie à la date de l'acte déclaratif d'utilité publique ; qu'il ressort des pièces du dossier que le projet faisant l'objet du décret attaqué n'est pas incompatible avec le plan d'occupation des sols de la ville de Marseille ; que dès lors, le dossier soumis à enquête publique n'avait pas à comporter de modification dudit plan ;
Considérant que s'agissant d'une opération dont la maîtrise d'ouvrage relève de l'Etat, l'article 6 du décret n° 86-455 du 14 mars 1986 nécessitait que soit recueilli l'avis du directeur des services fiscaux sur le montant de l'estimation globale des biens dont l'acquisition est nécessaire et que cette estimation figure au dossier d'enquête ; que le moyen tiré de la violation de ces prescriptions manque en fait ;
Considérant que le projet soumis à enquête est au nombre des grands projets d'infrastructures définis par l'article 3 du décret du 17 juillet 1984 pris pour l'application de l'article 14 de la loi du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs ; que devait par suite figurer au dossier l'évaluation économique et sociale mentionnée à l'article 5 du décret du 17 juillet 1984 ; qu'il a été satisfait en l'espèce à cette exigence ;
Considérant que l'étude d'impact figurant au dossier d'enquête a été établie conformément aux prescriptions de l'article 2 du décret n° 77-1141 du 12 octobre 1977 ; qu'en particulier, elle comporte une analyse des effets de la réalisation de l'ouvrage sur la végétation des espaces naturels traversés ; que les renseignements fournis de ce chef tiennent compte du caractère largement urbain de la zone dans laquelle le projet sera réalisé ; que sont décrites les nuisances acoustiques et les risques de pollution liés au projet ainsi que les moyens à mettre en oeuvre pour y remédier ; que ces éléments d'information ont d'ailleurs conduit la commission d'enquête à subordonner son avis favorable au projet à la nécessité de diminuer ce type de nuisances ;

Considérant qu'il ressort clairement de l'article 189 du traité du 25 mars 1957 que si les directives lient les Etats membres "quant au résultat à atteindre" et si, pour atteindre le résultat qu'elles définissent, les autorités nationales sont tenues d'adapter la législation et la réglementation des Etats membres aux directives qui leur sont destinées, ces autorités restent seules compétentes pour décider de la forme à donner à l'exécution des directives et pour fixer elles-mêmes, sous le contrôle des juridictions nationales, les moyens propres à leur faire produire des effets en droit interne ; qu'ainsi, quelles que soient d'ailleurs les précisions qu'elles contiennent à l'intention des Etat membres, les directives ne sauraient être invoquées par les ressortissants de ces Etats à l'encontre d'un acte administratif non réglementaire ; qu'il suit de là que les requérants ne peuvent utilement soutenir que l'étude d'impact jointe au dossier d'enquête méconnaît les dispositions de la directive du 27 juin 1985 susvisée ;
Considérant que le dossier soumis à enquête comportait une évaluation du coût total du projet tel qu'il pouvait être raisonnablement apprécié à l'époque de l'enquête ; que la circonstance que le maître de l'ouvrage s'est, à la suite de l'avis de la commission d'enquête, engagé à réaliser des aménagements destinés à réduire les nuisances phoniques, ce qui majorera le coût de la réalisation sans en modifier l'économie générale, n'affecte en rien la régularité de l'enquête ;
En ce qui concerne la date d'intervention de la déclaration d'utilité publique :

Considérant qu'en vertu du I de l'article L 11-5 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, l'acte déclarant l'utilité publique doit intervenir au plus tard un an après la clôture de l'enquête préalable, ce délai étant toutefois majoré de six mois lorsque la déclaration d'utilité publique ne peut être prononcée que par décret en Conseil d'Etat ; que tel est le cas des travaux de création d'autoroutes visés au 1° de l'article R 11-2 du code précité, alors même que les conclusions de la commission d'enquête sont favorables ;
Considérant que le décret attaqué a été pris le 31 décembre 1992, soit moins de dix huit mois à compter de la clôture, le 19 juillet 1991, de l'enquête préalable ; qu'ainsi ce décret n'est ni intervenu à la suite d'une procédure irrégulière, ni entaché d'une incompétence ratione temporis ;
En ce qui concerne les autres moyens de légalité externe :
Considérant que si l'article 73 de la loi du 4 juillet 1980 d'orientation agricole prévoit que la chambre d'agriculture est consultée à l'occasion des études précédant les opérations susceptibles d'entraîner une "réduction grave de l'espace agricole ou d'affecter gravement l'économie agricole, de la zone concernée", le projet déclaré d'utilité publique ne comporte pas de conséquences de ce type ; qu'ainsi l'avis de la chambre d'agriculture n'avait pas à être recueilli ;
Considérant que l'absence de certaines mentions dans les visas tant de l'arrêté préfectoral prescrivant l'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique que du décret attaqué, est par elle-même sans effet sur la régularité de l'enquête comme sur la légalité dudit décret ;
Sur les moyens de légalité interne :
En ce qui concerne l'utilité publique :

Considérant qu'une opération ne peut être légalement déclarée d'utilité publiqueque si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et éventuellement les inconvénients d'ordre social ou l'atteinte à d'autres intérêts publics qu'elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le projet de rocade L 2 à Marseille entre la voie express S 8 et l'autoroute A 50 a pour objet de protéger le centre de la ville du trafic automobile de transit et de permettre une distribution de ce trafic entre les quartiers Nord et Est qui ne disposent pas de voie à grande capacité ; que ce projet revêt un caractère d'utilité publique ; qu'eu égard aux précautions prises, notamment en matière de réduction des nuisances sonores, les inconvénients que présente le projet ne peuvent être regardés comme excessifs par rapport à l'intérêt que l'opération présente ; que, dès lors, ni ces inconvénients, ni le coût de l'ouvrage ne sont de nature à lui retirer son caractère d'utilité publique ;
En ce qui concerne le moyen tiré de la violation de la loi du 31 décembre 1992 relative à la lutte contre le bruit :
Considérant que la légalité d'une décision administrative s'apprécie en fonction de la situation de droit et de fait existant à la date de son intervention ; qu'ainsi il ne saurait être fait grief au décret attaqué, pris le 31 décembre 1992, de méconnaître les dispositions de la loi n° 92-1444 du 31 décembre 1992 relative à la lutte contre le bruit, laquelle a été publiée au Journal Officiel de la République Française du 1er janvier 1993 ;

Considérant au demeurant que si une loi une fois promulguée devient exécutoire à partir du moment où sa promulgation est connue, son entrée en vigueur se trouve différée lorsque la loi contient des dispositions subordonnant expressément ou nécessairement son exécution à une condition déterminée ; que bien que l'article 12 de la loi du 31 décembre 1992 prévoie, en son premier alinéa, que la conception, l'étude et la réalisation des infrastructures de transports terrestres prennent en compte les nuisances sonores que leur réalisation ou leur utilisation provoquent à leurs abords, le même article spécifie que des décrets en Conseil d'Etat "précisent les prescriptions applicables ... aux infrastructures nouvelles" ; que l'intervention d'un tel décret est une condition nécessaire à l'application de l'article 12 de la loi précitée ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation du décret attaqué ;
Sur l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que l'Etat n'ayant pas la qualité de partie perdante à la présente instance, il ne saurait être condamné à verser aux auteurs de la requête n° 145 701 la somme qu'ils réclament au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Les requêtes susvisées sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B..., à la FEDERATION DES COMITES DU QUARTIER DU 12ème ARRONDISSEMENT DE MARSEILLE, à l'ASSOCIATION COMITE DE DEFENSE DES MARSEILLAIS CONTRE LES NUISANCES DE LA L 2, à MM. Camille A..., Jean-Pierre C..., E... MAHE, Vincent H..., Guy J..., D... MARTY, Pierre


Synthèse
Formation : 6 / 2 ssr
Numéro d'arrêt : 145276
Date de la décision : 29/07/1994
Type d'affaire : Administrative

Analyses

34-01-01-02-04-01 EXPROPRIATION POUR CAUSE D'UTILITE PUBLIQUE - NOTIONS GENERALES - NOTION D'UTILITE PUBLIQUE - EXISTENCE - INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT - VOIES ROUTIERES


Références :

CEE Directive 85-337 du 27 juin 1985 Conseil
Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique R11-14-5, L11-5, R11-2
Code de l'urbanisme L123-8
Décret 77-1141 du 12 octobre 1977 art. 2
Décret 84-617 du 17 juillet 1984 art. 3, art. 5
Décret 85-453 du 23 avril 1985 art. 14
Décret 86-455 du 14 mars 1986 art. 6
Loi 80-502 du 04 juillet 1980 art. 73
Loi 82-1153 du 30 décembre 1982 art. 14
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75
Loi 92-1444 du 31 décembre 1992 art. 12
Traité du 25 mars 1957 Rome art. 189


Publications
Proposition de citation : CE, 29 jui. 1994, n° 145276
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Fougier
Rapporteur public ?: du Marais

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1994:145276.19940729
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award