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10/10/1994 | FRANCE | N°121257

France | France, Conseil d'État, 7 / 10 ssr, 10 octobre 1994, 121257


Vu, enregistrée le 23 novembre 1990, la requête présentée pour la COMMUNE DE BEZIERS (Hérault), représentée par son maire en exercice ; la commune demande au Conseil d'Etat :
1° d'annuler le jugement en date du 30 mars 1990 du tribunal administratif de Montpellier en tant qu'il a, à la demande de M. Y..., architecte, annulé la délibération du conseil municipal de Béziers en date du 28 février 1987 décidant d'attribuer à M. Z..., architecte, le marché de maîtrise d'oeuvre de la construction d'un stade de grands jeux à Béziers, déclaré la commune responsable des préjud

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Vu, enregistrée le 23 novembre 1990, la requête présentée pour la COMMUNE DE BEZIERS (Hérault), représentée par son maire en exercice ; la commune demande au Conseil d'Etat :
1° d'annuler le jugement en date du 30 mars 1990 du tribunal administratif de Montpellier en tant qu'il a, à la demande de M. Y..., architecte, annulé la délibération du conseil municipal de Béziers en date du 28 février 1987 décidant d'attribuer à M. Z..., architecte, le marché de maîtrise d'oeuvre de la construction d'un stade de grands jeux à Béziers, déclaré la commune responsable des préjudices subis par M. Y... du fait de son éviction illégale du marché et ordonné une expertise avant dire droit sur le montant de l'indemnité demandée par M. Y... ;
2° de rejeter les demandes présentées par M. Y... devant le tribunal administratif de Montpellier ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987.
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Ménéménis, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Le Prado, avocat de la COMMUNE DE BEZIERS et de Me Parmentier, avocat de M. Y...,
- les conclusions de M. Fratacci, Commissaire du gouvernement ;

Sur la légalité de la délibération du conseil municipal de Béziers en date du 28 janvier 1987 :
Considérant qu'aux termes de l'article 314 ter du code des marchés publics, applicable au concours d'architecture ouvert par la COMMUNE DE BEZIERS (Hérault) en vue de la construction d'un stade de "grands jeux" dans cette ville, le jury de concours "comporte ... un tiers au moins de maîtres d'oeuvre compétents eu égard à l'ouvrage à réaliser et à la nature des prestations à fournir au titre du marché de maîtrise d'oeuvre" ; que le jury de concours désigné par le conseil municipal de Béziers, qui était composé de treize membres, devait ainsi comporter au moins cinq maîtres d'oeuvre au sens de ces dispositions ;
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que M. X..., M. C... et Mlle A..., architectes, le directeur général des services techniques municipaux et le directeur départemental de l'équipement, qui étaient membres du jury, devaient, en raison de leur formation ou de leur expérience, être regardés comme maîtres d'oeuvre compétents eu égard à l'ouvrage à réaliser et à la nature des prestations à fournir ; que le moyen tiré de ce que le directeur départemental de l'équipement ne saurait être compté parmi les "maîtres d'oeuvre compétents" au motif qu'il aurait siégé au sein du jury en qualité de représentant de l'administration ne saurait être retenu, dès lors que ni les dispositions de l'article 314 ter du code des marchés publics, ni celles du règlement du concours n'imposent la présence d'un représentant de l'administration au sein du jury ; que la COMMUNE DE BEZIERS est donc fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier a jugé que la composition du jury de concours n'était pas conforme à la condition fixée par le code des marchés publics en ce qui concerne la participation des maîtres d'oeuvre ;
Considérant qu'aux termes de l'article 314 ter du code des marchés publics : "l'attribution du marché de maîtrise d'oeuvre est prononcée par l'assemblée délibérante de la collectivité ou de l'établissement contractant après avis du jury" ; que l'article VIII du règlement du concours organisé par la COMMUNE DE BEZIERS dispose : "le jury proposera éventuellement un lauréat au maître de l'ouvrage qui conserve la responsabilité du choix final. Si le maître de l'ouvrage ne suit pas l'avis du jury, il rendra public les motifs de sa désignation" ; qu'il résulte de ces dispositions que le conseil municipal de Béziers n'était pas tenu de suivre l'avis émis par le jury du concours et qu'il pouvait, notamment, porter son choix sur un candidat ayant participé au concours autre que celui classé premier par le jury, à la condition de rendre publics les motifs de ce choix ;

Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que le jury du concours organisé par la COMMUNE DE BEZIERS a retenu trois candidats sur les quatre qui avaient été présélectionnés, classant premier M. Y... et deuxième ex aequo MM. Z... et D... ;qu'après avoir pris connaissance de cet avis, le conseil municipal de Béziers a décidé de confier à M. Z..., architecte, la maîtrise d'oeuvre de la construction d'un stade de grands jeux ; qu'il résulte des termes mêmes de la délibération qu'il a adoptée à ce sujet le 28 janvier 1987, que son choix a reposé, d'une part, sur un examen du coût prévisible des travaux de terrassements et de VRD liés à chacun des trois projets, qui l'a conduit à écarter le projet de M. D..., et d'autre part sur le fait que le projet retenu offrait, par rapport à celui de M. Y..., une meilleure protection contre les vents et un meilleur placement du public ; que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Montpellier, le conseil municipal, en procédant de la sorte, n'a méconnu ni les dispositions de l'article 314 ter du code des marchés publics, ni celles du règlement du concours ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier s'est fondé sur les moyens susévoqués pour annuler la délibération du 28 janvier 1987 du conseil municipal de Béziers ;
Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. Y... devant le tribunal administratif de Montpellier ;
Considérant que M. Y... ne peut utilement soutenir que la lettre du 10 février 1987 qui lui notifie la délibération attaquée serait insuffisamment motivée ;
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que M. B..., représentant du directeur départemental de la concurrence et de la consommation, a assisté aux délibérations du jury du concours ; qu'ainsi le moyen tiré de la méconnaissance de la prescription de l'article 314 ter du code des marchés publics selon laquelle un représentant du directeur départemental de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes assiste aux délibérations du jury et peut formuler des avis, manque en fait ;
Considérant que le maire de Béziers a fait état devant le conseil municipal, le 28 janvier 1987, de l'avis, qu'il avait sollicité, du comité directeur de l'association sportive biterroise de rugby sur les projets établis par les participants au concours ; qu'il appartient au maire et au conseil municipal de recueillir, avant d'arrêter une décision sur le choix du maître d'oeuvre du projet de construction d'un stade de grands jeux, tous les éléments d'information qui leur paraissent utiles ; que, par suite, la circonstance que le conseil municipal ait recueilli l'avis de l'association sportive avant de prendre sa décision n'est pas de nature à entacher d'illégalité cette décision, dès lors qu'il ne résulte pas des pièces du dossier que le conseil municipal se soit cru lié par cet avis et ait ainsi méconnu sa propre compétence ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la COMMUNE DE BEZIERS est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a annulé la délibération en date du 28 janvier 1987 de son conseil municipal ;
Sur les conclusions à fin d'indemnité :
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNE DE BEZIERS n'a pas commis d'illégalité en décidant de ne pas retenir la candidature de M. Y... pour la maîtrise d'oeuvre de la construction d'un stade de grands jeux ; que sa responsabilité n'est ainsi pas engagée ; que la commune est dès lors fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier l'a déclarée responsable de préjudices subis parM. Y... du fait de son éviction illégale du marché ;
Sur les conclusions de M. Y... tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que la COMMUNE DE BEZIERS, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à payer à M. Y... la somme qu'il demande au titre des sommes exposées par lui et non comprises dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier en date du 30 mars 1990 est annulé en tant qu'il annule la délibération du conseil municipal de Béziers en date du 28 janvier 1987 et qu'il déclare COMMUNE DE BEZIERS responsable des préjudices subis par M. Y... du fait de son éviction illégale du marché de maîtrise d'oeuvre du projet de construction d'un stade de grand jeux.
Article 2 : Les demandes présentées par M. Y... devant le tribunal administratif de Montpellier, ensemble les conclusions qu'il a présentées devant le Conseil d'Etat en vue de l'application des dispositions de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE BEZIERS, à M. Y... et au ministre de l'équipement, des transports et du tourisme.


Synthèse
Formation : 7 / 10 ssr
Numéro d'arrêt : 121257
Date de la décision : 10/10/1994
Type d'affaire : Administrative

Analyses

39-06 MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE, L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE.


Références :

Code des marchés publics 314 ter
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75


Publications
Proposition de citation : CE, 10 oct. 1994, n° 121257
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Ménéménis
Rapporteur public ?: M. Fratacci

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1994:121257.19941010
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