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27/01/1995 | FRANCE | N°131631

France | France, Conseil d'État, 1 / 4 ssr, 27 janvier 1995, 131631


Vu la requête et le mémoire complémentaire enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 14 novembre et 23 décembre 1991, présentés par l'ASSOCIATION ILE-DE-FRANCE ENVIRONNEMENT, dont le siège est ..., représentée par son président ; l'ASSOCIATION ILE-DE-FRANCE ENVIRONNEMENT demande l'annulation pour excès de pouvoir du décret n° 91-918 du 11 septembre 1991 modifiant le schéma directeur de la région d'Ile-de-France dans les villes nouvelles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code rural ;
Vu la loi n° 79-587

du 11 juillet 1979 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décre...

Vu la requête et le mémoire complémentaire enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 14 novembre et 23 décembre 1991, présentés par l'ASSOCIATION ILE-DE-FRANCE ENVIRONNEMENT, dont le siège est ..., représentée par son président ; l'ASSOCIATION ILE-DE-FRANCE ENVIRONNEMENT demande l'annulation pour excès de pouvoir du décret n° 91-918 du 11 septembre 1991 modifiant le schéma directeur de la région d'Ile-de-France dans les villes nouvelles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code rural ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Roul, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Bonichot, Commissaire du gouvernement ;

Sur l'intervention de l'association Les amis du Breuil :
Considérant que l'association Les amis du Breuil a intérêt à l'annulation du décret attaqué ; qu'ainsi son intervention est recevable ;
Sur la légalité du décret attaqué :
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L.141-1 du code de l'urbanisme : "Le schéma directeur portant sur l'ensemble de la région d'Ile-de-France ... est approuvé après avis du conseil régional de la région d'Ile de France et des conseils généraux des départements intéressés. Cet avis est réputé favorable s'il n'intervient pas dans un délai de trois mois." et qu'aux termes du second alinéa du même article : "Le schéma directeur de la région d'Ile-de-France ne peut être approuvé que par décret en Conseil d'Etat lorsqu'un ou plusieurs conseils généraux représentant un quart au moins de la population totale du territoire concerné, ou le conseil régional de la région d'Ile-de-France font connaître leur avis défavorable." ; que ces dispositions, ainsi que celles des articles R.141-1 et R.141-2 du même code prises pour leur application, sont applicables tant à l'élaboration qu'à la modification du schéma directeur de la région d'Ile-de-France ;
Sur le moyen tiré de ce que le décret attaqué aurait dû être pris en Conseil d'Etat :
En ce qui concerne l'avis du conseil régional :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le conseil régional n'a pas fait connaître son avis sur le projet de modification du schéma directeur de la région d'Ile-deFrance dans les villes nouvelles dans le délai de trois mois fixé par les dispositions précitées du premier alinéa de l'article L.141-1 du code de l'urbanisme ; qu'en vertu de ces dispositions, cet avis doit dès lors être réputé favorable ;
En ce qui concerne l'avis des conseils généraux :
Considérant que le "territoire concerné" au sens des dispositions précitées du second alinéa de l'article L. 141-1 du code de l'urbanisme est dans tous les cas celui de la région d'Ile-de-France, même lorsqu'est approuvée une modification partielle du schéma directeur de la région et quel que soit le nombre des départements dont le territoire est directement affecté par cette modification ;
Considérant qu'il est constant que des avis favorables au projet ont été émis, de façon expresse par le conseil de Paris et le conseil général du Val d'Oise et de façon implicite, en vertu des dispositions précitées du premier alinéa de l'article L.141-1 du code de l'urbanisme, par les conseils généraux des Hauts-de-Seine et du Val-de-Marne ;
Considérant que, si le conseil général de Seine-Saint-Denis a émis son avis sous forme d'observations par lesquelles il a formulé diverses demandes, notamment en matière de protection de l'environnement, ces demandes, compte tenu de leur caractère général et peuprécis, ne sauraient avoir pour effet de donner un caractère défavorable à l'avis ainsi émis ;

Considérant que, si l'avis expressément favorable émis par le conseil général de Seine-et-Marne est assorti de diverses observations, le conseil général n'a formulé aucune réserve précise dont il aurait expressément indiqué que l'absence de prise en compte modifierait le sens favorable de son avis ; que, dans ces conditions, ces observations n'affectent pas le caractère favorable de l'avis ainsi émis ;
Considérant que, si les avis des deux autres conseils généraux des départements qui composent la région, ceux des Yvelines et de l'Essonne, sont défavorables au projet, il est constant que ces deux départements regroupaient moins du quart de la population totale de la région d'Ile-de-France ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les modifications du schéma directeur de la région d'Ile-de-France dans les villes nouvelles sur lesquelles ont été consultés la région et les départements d'Ile-de-France n'avaient pas à être approuvées par le décret en Conseil d'Etat prévu par les dispositions précitées du second alinéa de l'article L.141-1 du code de l'urbanisme ; que l'ASSOCIATION ILE-DE-FRANCE ENVIRONNEMENT n'est dès lors pas fondée à soutenir que le décret du 11 septembre 1991 approuvant ces modifications, qui n'a pas été pris en Conseil d'Etat, serait entaché d'incompétence ;
Sur les moyens relatifs au caractère partiel et à la fréquence des modifications :
Considérant que, si les dispositions précitées de l'article L. 141-1 du code de l'urbanisme imposent que le schéma directeur de la région d'Ile de France couvre la totalité du territoire de cette région, elles n'ont pas pour effet d'interdire que des modifications partielles de ce document n'affectent qu'une partie de ce territoire ; que la circonstance qu'était en cours d'instruction un projet de modification générale du schéma directeur de la région d'Ile-de-France lorsqu'a été élaborée et adoptée par le décret attaqué une modification partielle de ce document n'affectant que le territoire des villes nouvelles de Marne-la-Vallée, Melun-Sénart, SaintQuentin-en-Yvelines et Cergy-Pontoise n'avait pas pour effet d'interdire cette modification partielle.
Considérant qu'aucune disposition ni aucun principe n'impose qu'une durée minimale sépare les modifications successives du schéma directeur de la région d'Ile-de-France ; que, dès lors, la fréquence des modifications de ce document est sans influence sur la légalité du décret attaqué ;
Sur les moyens relatifs aux conditions dans lesquelles les documents graphiques ont été annexés au décret attaqué :
Considérant que l'erreur purement matérielle affectant l'énumération des annexes contenue dans le décret attaqué n'est pas de nature à entacher d'illégalité ledit décret dès lors qu'elle n'entraîne, en l'espèce, aucune incertitude quant au nombre et à l'identification de ces huit annexes constituées par des documents graphiques modifiant, pour chacune des villes nouvelles de Cergy-Pontoise, Marne-la-Vallée, Melun-Sénart et Saint-Quentin-en-Yvelines, les cartes n° 1 "destination générale des sols" et n°5 "trame verte" du schéma directeur de la région d'Ilede-France ;

Considérant qu'en signant le décret attaqué, le Premier ministre en exercice à la date de la signature a par là-même adopté les documents graphiques tels qu'ils avaient étépréalablement préparés pour être joints à la minute dudit décret ; que, dès lors, la circonstance qu'est mentionné sur les exemplaires de ces documents graphiques, dont l'association requérante a eu communication, le nom d'un Premier ministre qui n'était plus en exercice à la date du décret est sans influence sur la légalité de celui-ci ;
Sur les moyens relatifs aux procédures de consultation et d'information :
Considérant, d'une part, qu'aucun texte ne prévoyait la consultation des établissements publics chargés de l'aménagement des villes nouvelles concernées préalablement au décret attaqué et, d'autre part, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier et qu'il n'est d'ailleurs pas allégué que ces avis auraient été sollicités ; qu'il en résulte que la circonstance, d'ailleurs non établie, que les modifications du schéma directeur décidées par le décret attaqué auraient été demandées par les directeurs de ces établissements publics qui n'y auraient pas été autorisés par les conseils d'administration ou les présidents de ceux-ci est, en tout état de cause, sans influence sur la légalité de ce décret ;
Considérant que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, l'avis du conseil régional d'Ilede-France a été sollicité dans les conditions prévues par les dispositions précitées du premier alinéa de l'article L.141-1 du code de l'urbanisme, seules applicables à cette consultation ;
Sur le moyen relatif à la motivation du décret attaqué :
Considérant que le décret attaqué, qui ne constitue pas une décision individuelle, n'avait pas à être motivé sur le fondement de l'article 1er de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Sur la légalité interne du décret attaqué :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le décret attaqué a créé en bordure des forêts de Ferrières et d'Armainvilliers une "zone d'intérêt récréatif et/ou paysager et/ou écologique" qui, selon le rapport du schéma directeur, est une "zone à protéger et à mettre en valeur, où la construction sera strictement limitée" ; que l'association requérante n'est dès lors pas fondée à soutenir qu'il existerait, entre les documents graphiques annexés au décret attaqué et les mentions du rapport du schéma directeur relatives à la protection des lisières des forêts, une incohérence de nature à entacher d'illégalité ledit décret ; que, par ailleurs, la circonstance que les documents graphiques adoptés par le décret attaqué seraient en contradiction avec des mentions du rapport au Premier ministre relatives à la protection des lisières des forêts est sans influence sur la légalité dudit décret, dès lors que ce rapport n'est pas annexé au décret ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, si le décret attaqué prévoit l'extension de la ville nouvelle de Melun-Sénart sur une rive d'une boucle de l'Yerres, les terrains bordant cette rivière demeurent, pour leur plus grande partie, classés en "zone d'intérêt récréatif et/ou paysager et/ou écologique" ou en "espace rural" ; que, dans ces conditions, les associations requérante et intervenante ne sont fondées à soutenir, ni qu'il existerait, entre les documents graphiques annexés au décret attaqué et les mentions du rapport du schéma directeur relatives à la protection de la vallée de l'Yerres, une incohérence de nature à entacher d'illégalité ledit décret, ni que le nouveau classement serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; qu'enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une erreur manifeste d'appréciation aurait été commise dans la possibilité de réaliser le parti d'aménagement ainsi retenu ;
Considérant que la circonstance que les classements opérés par le décret attaqué, notamment de terrains situés à Emerainville, n'auraient pas tenu compte d'opérations réalisées surces terrains est, par elle-même, sans influence sur la légalité dudit décret ;
Considérant que les auteurs du décret attaqué n'étaient pas liés par les délimitations des zones naturelles d'intérêt écologique, faunistique et floristique effectuées par les services du ministère de l'environnement ; qu'ainsi, ils ont pu, sans erreur de droit, supprimer le classement en "bois et forêts" de deux de ces zones situées sur le territoire de la commune de Croissy-Beaubourg ; que l'association requérante ne produit aucun élément de nature à faire regarder comme entaché d'erreur manifeste d'appréciation le nouveau classement de ces terrains décidé par le décret attaqué ;
Considérant que l'association requérante ne produit pas d'éléments suffisants permettant de regarder comme entachées d'erreur manifeste diverses modifications de classement de terrains situés à proximité d'immeubles classés ou inscrits en application des dispositions protégeant les monuments historiques et les sites ;
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les partis d'aménagement adoptés par le décret attaqué en ce qui concerne l'extension des villes nouvelles de Marne-la-Vallée, Melun-Sénart, Saint-Quentin-en-Yvelines et Cergy-Pontoise et les mesures prises pour limiter les effets négatifs de cette extension sur les espaces naturels, notamment les forêts, soient entachés d'erreur manifeste d'appréciation au regard des objectifs définis par les dispositions des articles L. 110 et L. 121-10 du code de l'urbanisme, seuls applicables à l'exclusion de celles, à caractère général, de l'article L. 200-1 du code rural où est codifié l'article 1er de la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 ;

Considérant que, si l'association requérante soutient que le décret modifie certaines options du schéma directeur de la région d'Ile-de-France avec lesquelles des opérations ou documents d'urbanisme, notamment la zone d'aménagement concerté de la Haute Maison à Champs-sur-Marne, ou le plan d'occupation des sols de la commune de Croissy-Beaubourg, étaient incompatibles et ont fait l'objet pour ce motif d'annulations prononcées par la juridiction administrative, cette circonstance n'entache pas de détournement de pouvoir ledit décret, lequel a été pris pour un motif d'intérêt général d'aménagement tenant notamment aux besoins d'extension des terrains constructibles dans les villes nouvelles de la région d'Ile-de-France ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'ASSOCIATION ILE-DE-FRANCE ENVIRONNEMENT n'est pas fondée à demander l'annulation du décret du 11 septembre 1991 ;
Article 1er : L'intervention de l'association Les amis du Breuil est admise.
Article 2 : La requête de l'ASSOCIATION ILE-DE-FRANCE ENVIRONNEMENT est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'ASSOCIATION ILE-DE-FRANCE ENVIRONNEMENT, à l'association Les amis du Breuil, au Premier ministre, au ministre de l'équipement, des transports et du tourisme et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.


Synthèse
Formation : 1 / 4 ssr
Numéro d'arrêt : 131631
Date de la décision : 27/01/1995
Type d'affaire : Administrative

Analyses

68-001-01-02-05 URBANISME ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE - REGLES GENERALES D'UTILISATION DU SOL - REGLES GENERALES DE L'URBANISME - PRESCRIPTIONS D'AMENAGEMENT ET D'URBANISME - SCHEMA DIRECTEUR DE LA REGION ILE-DE-FRANCE


Références :

Code de l'urbanisme L141-1, R141-1, R141-2, L110, L121-10
Code rural L200-1
Décret 91-918 du 11 septembre 1991 décision attaquée confirmation
Loi 76-629 du 10 juillet 1976 art. 1
Loi 79-587 du 11 juillet 1979 art. 1


Publications
Proposition de citation : CE, 27 jan. 1995, n° 131631
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Roul
Rapporteur public ?: M. Bonichot

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1995:131631.19950127
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