Vu la requête enregistrée le 11 février 1993 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. ABDELRHALI X... demeurant ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement en date du 10 décembre 1992 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande dirigée contre les arrêtés en date du 18 novembre 1991 lui enjoignant de quitter le territoire français et l'assignant à résidence dans le département du Pas-de-Calais jusqu'au moment où il aura la possibilité de déférer à cette décision d'expulsion ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir ces décisions ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme ; Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Touraine-Reveyrand, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. du Marais, Commissaire du gouvernement ;
Sur la légalité de l'arrêté d'expulsion en date du 18 novembre 1991 :
Considérant que l'article 26 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté attaqué, dispose que : "En cas d'urgence absolue et par dérogation aux articles 23 à 25, l'expulsion peut être prononcée lorsqu'elle constitue une nécessité impérieuse pour la sécurité de l'Etat ou pour la sécurité publique" ;
Considérant que si M. X..., ressortissant algérien vivant en France depuis sa naissance en 1961, s'est rendu coupable de faits de détention et de trafic de haschich et a été condamné pour ce motif par un jugement rendu le 10 mai 1990 à une peine d'emprisonnement de trois ans, il a dès le 18 août 1990 été admis au bénéfice de la libération conditionnelle ; que, dans cette situation, il n'a commis aucun manquement à l'ordre public et s'est engagé dans la vie associative en oeuvrant en faveur de l'insertion des jeunes en difficulté ; que, dans ces conditions, à la date de la décision attaquée, son expulsion ne constituait pas une nécessité impérieuse pour la sécurité de l'Etat ou pour la sécurité publique ; qu'il ne pouvait dès lors faire l'objet d'une mesure d'expulsion suivant la procédure d'urgence absolue instituée par l'article 26 de l'ordonnance précitée ; que l'arrêté du ministre de l'intérieur du 18 novembre 1991 est par suite entaché d'excès de pouvoir ;
Sur la légalité de l'arrêté d'assignation à résidence en date du 18 novembre 1991 :
Considérant que l'arrêté d'assignation à résidence de M. X... pris par le ministre de l'intérieur est justifié par la mesure d'expulsion intervenue le même jour à l'encontre de l'intéressé ; qu'il résulte de ce qui précède que cet arrêté se trouve du fait de l'annulation de la décision d'expulsion dépourvu de fondement légal ; Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le requérant est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes dirigées contre les arrêtés d'expulsion et d'assignation à résidence le concernant ;
Article 1er : Les arrêtés du ministre de l'intérieur en date du 18 novembre 1991 et le jugement du tribunal administratif de Lille rendu le 10 décembre 1992 sont annulés.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. ABDELRHALI X... et au ministre de l'intérieur.