Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 6 mai 1992 et le 7 septembre 1992, présentés pour M. Daniel X..., demeurant ... ; M. X..., agissant en exécution d'un jugement du tribunal d'instance de Coutances en date du 28 février 1992, demande que le Conseil d'Etat déclare illégal l'arrêté interministériel du 27 novembre 1987 portant extension des règles édictées par le comité économique agricole "fruits et légumes" de Basse-Normandie ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
Vu le code rural ;
Vu le règlement (CEE) 1035/72 du 18 mai 1972, modifié par le règlement (CEE) n° 3284/83 du 14 novembre 1983 ;
Vu le règlement (CEE) n° 3285/83 du 14 novembre 1983 ;
Vu la loi n° 62-933 du 8 août 1962 modifiée complémentaire à la loi d'orientation agricole ;
Vu le décret n° 62-1376 du 22 novembre 1962 modifié par le décret n° 81-226 du 10 mars 1981 ;
Vu le décret n° 87-763 du 14 septembre 1987 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Labarre, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Ryziger, avocat de M. Daniel X...,
- les conclusions de M. Toutée, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par un jugement du 28 février 1992, le tribunal d'instance de Coutances a sursis à statuer sur un litige pendant entre M. X... et le comité économique agricole fruits et légumes de Basse-Normandie jusqu'à ce que le juge administratif compétent se soit prononcé sur la validité d'un arrêté du 27 novembre 1987 par lequel le ministre d'Etat, ministre de l'économie et des finances et de la privatisation et le ministre de l'agriculture ont étendu certaines des règles édictées par le comité économique agricole fruits et légumes de Basse-Normandie à l'ensemble des producteurs et sur la totalité de la circonscription du comité pour les poireaux ; que la requête de M. X... tend à ce que le Conseil d'Etat déclare que l'arrêté mentionné est entaché d'illégalité ;
Considérant que la disposition du 1 de l'article 15 ter qui a été inséré dans le règlement (CEE) n° 1035/72 portant organisation commune des marchés dans le secteur des fruits et légumes par l'article 4 du règlement (CEE) n° 3284/83 du conseil du 14 novembre 1983 prévoyait dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté ministériel contesté que, dans le cas où une organisation de producteurs ou une association d'organisations de producteurs ayant adopté les mêmes règles, opérant dans une circonscription économique déterminée est considérée pour un produit donné, comme représentative de la production et des producteurs de cette circonscription, l'Etat membre peut, à la demande de cette organisation ou association et, au cours des trois premières années d'application, après consultation des producteurs de la circonscription, rendre obligatoires pour les producteurs établis dans la circonscription et non adhérents à l'une des organisations précitées, les règles qui sont énoncées au a), b), c) et d) de la même disposition ; qu'aux termes de l'article 4 du règlement (CEE) n° 3285/83 du conseil du 14 novembre 1983 établissant les règles générales relatives à l'extension de certaines règles édictées par les organisations de producteurs de fruits et légumes : "Pendant la période prévue à l 'article 3 premier tiret, les règles visées à l'article 15 ter du règlement (CEE) n° 1035/72 ne peuvent être rendues obligatoires si, dans le cadre de la consultation prévue au paragraphe 1 dudit article, au moins un tiers des producteurs de la circonscription ont fait connaître leur opposition" ;
Considérant que les dispositions communautaires ci-dessus rappelées dont les termes sont clairs, ne comportaient pas l'obligation pour l'administration de chaque Etat membre d'organiser une consultation individuelle des producteurs par la voie d'un scrutin, mais ont laissé à chaque Etat membre le soin de définir les modalités d'une consultation permettant à tout producteur concerné de faire connaître son point de vue sur une demande d'extension des règles édictées par un comité économique agricole ;
Considérant que l'arrêté ministériel contesté a été pris après une enquête publique prescrite par arrêté du préfet de la Manche en date du 19 mai 1987 par application de l'article 45 du décret du 10 mars 1981 qui, étant relatif à l'extension des règles édictées par les comités économiques agricole agréés dispose que : "La consultation des producteurs est conduite dans les formes prescrites pour l'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique. Les dispositions des articles R. 11-4 à R. 11-12 et R. 11-14 du code de l'expropriation sont applicables à l'exception de celles du deuxième alinéa de l'article R. 11-8 et de celles du premier alinéa de l'article R. 11-14. En outre : 1° L'arrêté préfectoral prévu à l'article R. 11-14 du code de l'expropriation comporte, outre les prescriptions prévues audit article, l'indication selon laquelle les producteurs sont invités, en formulant leurs observations, à préciser, selon les critères définis par l'arrêté ministériel prévu à l'article 44 ci-dessus, la production commercialisée par eux ; 2° Sans préjudice de la publication de l'avis au public prescrit à l'article R. 11-4, cet arrêté est inséré, aux frais du comité économique agricole, en caractères apparents, dans un des journaux publiés dans le département ; 3° Lorsque l'opération doit être réalisée sur le territoire de plusieurs départements, l'enquête s'ouvre à la préfecture du département dans lequel le comité économique agricole a son siège" ;
Considérant que si la consultation des producteurs sous la forme de l'enquête publique prévue par les dispositions précitées du décret du 10 mars 1981 satisfaisait, compte tenu des règles de procédure dont elle impose le respect aux exigences des règlements communautaires susmentionnés, il résulte des pièces du dossier que l'avis d'ouverture de l'enquête a été publié huit jours avant le début de l'enquête, puis rappelé dans les huit jours de celle-ci dans un seul journal diffusé dans la région ; que cette publicité ne satisfaisait pas aux prescriptions de l'article R. 11-4 du code de l'expropriation d'après lequel "un avis au public faisant connaître l'ouverture de l'enquête est, par les soins du commissaire de la République, publié en caractère apparents huit jours au moins avant le début de l'enquête et rappelé dans les huit jours de celle-ci dans deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans tout le département ou tous les départements intéressés ..." ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'arrêté ministériel contesté du 27 novembre 1987 est intervenu à la suite d'une procédure irrégulière ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, M. X... est fondé à soutenir qu'il est entaché d'illégalité ;
Article 1er : Il est déclaré que l'arrêté du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de la privatisation et du ministre de l'agriculture en date du 27 novembre 1987 est entaché d'illégalité.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Daniel X..., au ministre de l'économie et au ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation.