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02/02/1996 | FRANCE | N°126800

France | France, Conseil d'État, 9 / 8 ssr, 02 février 1996, 126800


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du Contentieux les 17 juin et 17 octobre 1991, présentés pour Mme Marie-Louise Y..., demeurant à Burelles (Aisne) ; Mme Y... demande que le Conseil d'Etat annule l'arrêt du 2 avril 1991 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation du jugement du 27 janvier 1987 du tribunal administratif d'Amiens rejetant sa demande en décharge des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels elle a été assujettie au titre des années 1974 à 1978 et que le Conseil d'Eta

t la décharge des impositions litigieuses ;
Vu les autres pièces...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du Contentieux les 17 juin et 17 octobre 1991, présentés pour Mme Marie-Louise Y..., demeurant à Burelles (Aisne) ; Mme Y... demande que le Conseil d'Etat annule l'arrêt du 2 avril 1991 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation du jugement du 27 janvier 1987 du tribunal administratif d'Amiens rejetant sa demande en décharge des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels elle a été assujettie au titre des années 1974 à 1978 et que le Conseil d'Etat la décharge des impositions litigieuses ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Verclytte, Auditeur,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de Mme Marie-Louise Y...,
- les conclusions de M. Loloum, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, lors du décès, le 4 juin 1978, de M. Y..., aviculteur à Burelles (Aisne), la totalité du capital restant dû des emprunts qu'il avait contractés pour les besoins de son exploitation auprès de la Caisse régionale de Crédit Agricole de l'Aisne a été remboursé à cette dernière en exécution du contrat d'assurance-décès qu'il avait souscrit en garantie d'un tel remboursement ; que le profit ayant résulté pour l'entreprise de M.
Y...
de l'extinction de sa dette d'emprunt du fait de l'indemnisation de la Caisse régionale de Crédit Agricole par la compagnie d'assurances a été imposé au nom de la succession de M. Y..., l'administration ayant toutefois admis que, s'agissant d'un revenu exceptionnel, au sens de l'article 163, alors en vigueur, du code général des impôts, il fasse l'objet, pour son imposition de l'étalement prévu par ce texte ; que Mme Y... se pourvoit contre l'arrêt par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté sa demande en décharge ou, subsidiairement, en réduction des suppléments d'impôt sur le revenu ainsi mis en recouvrement au titre des années 1974 à 1978 ; que les moyens qu'elle invoque, ont trait, à titre principal, à l'existence même d'un profit imposable et, à titre subsidiaire, à la régularité de la procédure et au bien-fondé des modalités, selon lesquelles le revenu imposé a donné lieu à l'étalement prévu par l'article 163 du code général des impôts ;
En ce qui concerne l'existence même d'un profit imposable :
Considérant qu'aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts : "Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt, diminué des suppléments d'apport et augmenté des prélèvements effectués au cours de la même période" ;

Considérant que Mme Y... a soutenu devant la cour administrative d'appel que le contrat d'assurance-décès souscrit par son mari faisait partie du patrimoine privé de celui-ci, dès lors que les primes de cette assurance n'avaient pas été incluses dans les charges de son entreprise, de sorte que l'indemnité due par la compagnie d'assurances en raison du décès de M. Y... avait d'abord bénéficié aux héritiers de ce dernier et que, ceux-ci en ayant fait apport au patrimoine professionnel du défunt en vue de permettre à l'entreprise de rembourser sa dette à la Caisse régionale de Crédit Agricole, l'accroissement d'actif net né de l'extinction de cette dette avait été compensé, à due concurrence, par cet apport ; qu'en réponse à ce moyen, la cour administrative d'appel a relevé que, par une décision de gestion qui lui était opposable, M. Y... avait inscrit au bilan de son entreprise les emprunts réalisés pour les besoins de son exploitation et que l'assurance qu'il avait souscrite avait eu pour objet de garantir ces emprunts et non de l'assurer personnellement ; qu'elle en a déduit que l'indemnité d'assurance affectée au remboursement des emprunts avait bien eu pour effet, en éteignant la dette correspondante de l'entreprise, de constituer pour celle-ci un profit d'égal montant devant être compris dans ses résultats et imposé conformément aux dispositions précitées de l'article 38 du code général des impôts, dans la catégorie des bénéfices agricoles ; qu'en statuant ainsi, la Cour n'a, ni dénaturé les termes du contrat d'assurance souscrit par M. X..., ni entaché son arrêt d'erreur de droit ;
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant que la procédure de redressement contradictoire instituée parl'article L. 55 du livre des procédures fiscales ne s'applique que "lorsque l'administration constate une insuffisance, une omission ou une dissimulation dans les éléments servant aux bases de calcul des impôts" ; que l'étalement d'un revenu exceptionnel sur l'année de l'imposition et sur les années antérieures non couvertes par la prescription ne constitue pas un redressement au sens de l'article L. 55 et n'est donc pas soumis aux règles de la procédure contradictoire ; que la cour administrative d'appel n'a, par suite, pas méconnu les dispositions de cet article en jugeant qu'il ne faisait pas obligation à l'administration de mettre en oeuvre une nouvelle procédure de redressement pour chacune des années concernées par l'étalement d'un revenu exceptionnel ayant fait l'objet, comme en l'espèce, d'un premier redressement ;

En ce qui concerne les modalités d'étalement du revenu exceptionnel imposé :
Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article 163 du code général des impôts, applicable en l'espèce : "En aucun cas, les revenus visés au présent article ne peuvent être répartis sur la période antérieure à leur échéance normale ou à la date à laquelle le contribuable a acquis les biens ou exploitations ou a entrepris l'exercice de la profession générateurs desdits revenus" ; que, lorsque, comme en l'espèce, une entreprise a souscrit, sur la tête de son dirigeant, un contrat d'assurance visant à garantir le remboursement d'un emprunt contracté pour les besoins de son exploitation, le profit résultant de l'annulation de sa dette du fait de l'indemnisation du prêteur par la compagnie d'assurances ne peut être regardé comme ayant pour fait générateur l'un ou l'autre des faits visés par le dernier alinéa précité de l'article 163 du code général des impôts ; que le contribuable peut donc demander que ce profit, s'il présente le caractère d'un revenu exceptionnel, au sens de cet article, soit réparti, pour l'établissement de l'impôt sur le revenu, sur la période constituée par l'année d'imposition et par la totalité des années antérieures non couvertes par la prescription ; qu'ainsi, en jugeant que l'administration avait pu, à bon droit, répartir le profit né du remboursement par la compagnie d'assurances de ceux des emprunts souscrits par l'entreprise de M.
Y...
qui n'avaient été inscrits au bilan de celle-ci qu'après le début des années non couvertes par la prescription sur une période ne comprenant pas la totalité de ces années, la cour administrative d'appel a fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article 163 du code général des impôts ; que Mme Y... est fondée, pour ce motif, à demander l'nanulation de l'arrêt attaqué,en tant qu'il n'a pas fait droit à ses conclusions subsidiaires aux fins de réduction des impositions qu'elle conteste ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1987, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond ;
Considérant qu'il ressort de ce qui vient d'être dit que Mme Y... est fondée à demander la réformation du jugement du tribunal administratif d'Amiens du 27 janvier 1987 en tant qu'il ne lui a pas accordé la réduction d'imposition correspondant à l'étalement de la totalité du profit exceptionnel de 807 845 F, à raison duquel la succession de son mari a été imposée, sur l'année 1978 et sur les années 1977, 1976, 1975 et 1974 ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy en date du 2 avril 1991 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions subsidiaires de la requête de Mme Y... tendant à la réduction des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels la succession de son mari a été assujettie au titre des années 1974 à 1978.
Article 2 : La succession de M. Y... est déchargée de la différence entre les impositions auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1974 à 1978 et celles qui résultent del'étalement prévu par l'article 163 du code général des impôts de la totalité du profit exceptionnel de 807 845 F réalisé par M. Y... au cours de l'année 1978 sur cette année d'imposition et sur les quatre années antérieures.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 27 janvier 1987 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par Mme Y... tant devant le Conseil d'Etat que devant la cour administrative d'appel de Nancy est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme Marie-Louise Y... et au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : 9 / 8 ssr
Numéro d'arrêt : 126800
Date de la décision : 02/02/1996
Sens de l'arrêt : Annulation partielle réduction
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-01-02-03-03 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REGLES GENERALES - IMPOT SUR LE REVENU - DETERMINATION DU REVENU IMPOSABLE - ETALEMENT DES REVENUS -Etalement du revenu exceptionnel résultant pour une entreprise du remboursement par une compagnie d'assurances des emprunts contractés pour les besoins de son exploitation - Applicabilité du dernier alinéa de l'article 163 du code général des impôts - Absence.

19-04-01-02-03-03 Lorsqu'une entreprise a souscrit sur la tête de son dirigeant un contrat d'assurance visant à garantir le remboursement d'un emprunt contracté pour les besoins de son exploitation, le profit résultant de l'annulation de sa dette du fait de l'indemnisation du prêteur par la compagnie d'assurances à la suite du décès du dirigeant ne peut être regardé comme ayant pour fait générateur l'un ou l'autre des faits visés par le dernier alinéa de l'article 163 du code général des impôts avant son abrogation par la loi du 31 décembre 1992. Le contribuable peut donc demander que ce profit, s'il présente le caractère d'un revenu exceptionnel au sens de cet article, soit réparti, pour l'établissement de l'impôt sur le revenu, sur la période constituée par l'année d'imposition et par la totalité des années antérieures non couvertes par la prescription.


Références :

CGI 163, 38
CGI Livre des procédures fiscales L55
Loi 87-1127 du 31 décembre 1987 art. 11

1. SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, av.


Publications
Proposition de citation : CE, 02 fév. 1996, n° 126800
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Groux
Rapporteur ?: M. Verclytte
Rapporteur public ?: M. Loloum

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1996:126800.19960202
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