La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/06/1996 | FRANCE | N°160667

France | France, Conseil d'État, 4 / 1 ssr, 28 juin 1996, 160667


Vu la requête enregistrée le 4 août 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par l'ASSOCIATION DES COMMERCANTS ET ARTISANS DE FRONTIGNAN, représentée par sa présidente en exercice, dont le siège est ... et par Mme Suzanne X... demeurant ... ; elles demandent au Conseil d'Etat d'annuler la décision en date du 3 mai 1994 par laquelle la commission nationale d'équipement commercial (C.N.E.C.) a accordé à la société Sodifront l'autorisation de créer à Frontignan un centre commercial d'une surface de vente de 4 926 m2 ;
Vu les autres pièces du dossier ;


Vu le code de l'urbanisme ;
Vu la loi n° 73-1183 du 27 décembre 19...

Vu la requête enregistrée le 4 août 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par l'ASSOCIATION DES COMMERCANTS ET ARTISANS DE FRONTIGNAN, représentée par sa présidente en exercice, dont le siège est ... et par Mme Suzanne X... demeurant ... ; elles demandent au Conseil d'Etat d'annuler la décision en date du 3 mai 1994 par laquelle la commission nationale d'équipement commercial (C.N.E.C.) a accordé à la société Sodifront l'autorisation de créer à Frontignan un centre commercial d'une surface de vente de 4 926 m2 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu la loi n° 73-1183 du 27 décembre 1973, modifiée notamment par la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 ;
Vu le décret n° 93-306 du 9 mars 1993 ;
Vu l'arrêté du ministre du commerce et de l'artisanat du 11 mars 1993 fixant le contenu de la demande d'autorisation d'exploitation de certains magasins de commerce dedétail ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Lallemand, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Schwartz, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce et de l'artisanat à la requête susvisée en tant qu'elle est présentée par Mme X... :
Sur la légalité externe :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 18 du décret susvisé du 9 mars 1993 : "La demande d'autorisation prévue à l'article 29 de la loi du 27 décembre 1973 susvisée est présentée soit par le propriétaire de l'immeuble, soit par une personne justifiant d'un titre l'habilitant à construire sur le terrain ou à exploiter commercialement l'immeuble ( ...)" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'a été signé le 27 novembre 1992 entre le maire de la commune de Frontignan, dûment habilité à cet effet par délibération du conseil municipal du 24 septembre 1992 et M. René Y... un acte dénommé "protocole d'accord de vente sous condition suspensive" en vertu duquel ladite commune s'est engagée à céder à M. Y... trois parcelles de terrain situées au lieudit "La Torchère" d'une superficie totale de 63 348 m2 ; qu'aux termes des stipulations dudit acte M. Nivault agissait "avec la faculté de se substituer toute société de son choix, mais à la condition que ne soient pas modifiées les conditions de vente, notamment de paiement du prix" et se trouvait investi du droit de "solliciter la délivrance du permis de construire ainsi que toute autorisation connexe, telle que certificat d'urbanisme, permis de démolir et ou autorisation d'urbanisme commercial" ; qu'il ressort également des pièces du dossier que la société Sodifront s'est substituée à M. Y... postérieurement à la signature dudit protocole d'accord, mais antérieurement au dépôt le 19 avril 1993 par ladite société de la demande de création d'un magasin de grande surface devant la commission départementale d'équipement commercial de l'Hérault ; que par suite, ladite demande devait être regardée, contrairement à ce que soutiennent les auteurs de la requête susvisée, comme étant présentée par une personne justifiant d'un titre l'habilitant à construire, conformément aux dispositions précitées de l'article 18 du décret susvisé du 9 mars 1993 ;
Considérant que si les requérants soutiennent en outre que la société Sodifront n'aurait pas justifié, à la date de sa demande, du titre l'habilitant à construire sur deux autres parcelles comprises dans le domaine de la commune et indispensables audit projet, une telle circonstance, à la supposer établie, est sans incidence sur la légalité de la décision contestée dèslors qu'il n'est pas établi, et qu'il n'est d'ailleurs pas même allégué, que lesdites parcelles aient été comprises dans le terrain d'assiette du centre commercial que la société Sodifront envisageait de créer ;
Considérant, en second lieu, que si les auteurs de la requête susvisée soutiennent que le dossier de la demande de permis de construire constitué par la société Sodifront en vue de réaliser un centre commercial à Frontignan, aurait été dépourvu d'indication concernant la nature de certaines des activités envisagées, un tel moyen ne saurait être utilement invoqué à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision susvisée de la commission nationale d'équipement commercial, et doit par suite être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 18 du décret du 9 mars 1993 relatif à la demande d'autorisation prévue à l'article 29 de la loi du 27 décembre 1973 suvisée ; "Un arrêté du ministre du commerce fixe le contenu de la demande, notamment en ce qui concerne : ( ....) l'étude de marché justifiant le projet" ; que l'arrêté susvisé du ministre délégué au commerce et à l'artisanat du 11 mars 1993 précise en son paragraphe IV les "informations relatives à l'étude de marché" que le pétitionnaire est tenu de fournir à l'appui de sa demande susmentionnée ;
Considérant qu'il ne résulte pas des pièces du dossier que la société Sodifront ait produit une étude de marché comportant des indications erronées au regard de l'identification de la zone de chalandise et de la population de ladite zone ; que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, aucune des dispositions susmentionnées du décret du 9 mars 1993 et de l'arrêté du 11 mars 1993 ne lui imposait de produire des pièces justificatives à l'appui de ladite étude de marché ; que, par suite, le moyen invoqué à l'appui des conclusions de la requête susvisée tiré de ce que la demande présentée par la société Sodifront n'aurait pas été recevable faute pour ladite société d'avoir produit à l'appui de cette demande, ainsi qu'elle y était tenue, une étude de marché justifiant le projet, doit être écarté ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article 32 2ème alinéa du décret susvisé du 9 mars 1993, applicable à la procédure suivie devant la commission nationale d'équipement commercial : "Le commissaire du gouvernement recueille les avis des ministres intéressés qu'il transmet à la commission" ; que ces dispositions se bornent à définir le rôle du commissaire du gouvernement nommé par le ministre chargé du commerce en application de l'article 33 de la loi du 27 décembre 1973 qui est d'exprimer devant la commission la position des ministres intéressés lorsqu'il rapporte le dossier sans exiger que soient versés au dossier remis aux membres de la commission les avis écrits desdits ministres ; qu'il ressort des termes mêmes de la décision attaquée que M. Cattiaux, commissaire du gouvernement, a été entendu par ladite commission lors de l'examen du recours dirigé contre la décision de la commission départementale ; que les requérants n'apportent aucune précision à l'appui de leur affirmation selon laquelle il n'aurait pas fait connaître à la commission les avis des ministres intéressés ; qu'ainsi le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 32 2ème alinéa précité du décret du 9 mars 1993 doit être écarté ; que la circonstance que les visas de la décision attaquée ne faisaient pas mention desdits avis est sans incidence sur sa régularité ;
Considérant, enfin, que les moyens tirés d'une part de ce que la décision attaquée serait insuffisamment motivée, et d'autre part de ce que la commission nationale d'équipement commercial aurait irrégulièrement modifié la demande dont elle était saisie manquent en fait ;
Sur la légalité interne :

Considérant qu'il n'est pas contesté que le dossier soumis à la commission nationale d'équipement commercial comportait un certificat d'urbanisme relatif au terrain d'implantation du centre commercial autorisé ; que la décision attaquée, constituant une autorisation d'équipement commercial exigée par les dispositions de la loi susvisée du 27 décembre 1973 modifiée et le certificat d'urbanisme sont accordés en application de législations distinctes ; que, par suite, les requérants ne sauraient utilement à l'appui de leurs conclusions dirigées contre la décision susvisée exciper de l'illégalité dudit certificat d'urbanisme ;
Considérant qu'il résulte des articles 1er et 29 de la loi du 27 décembre 1973 modifiée que le régime d'autorisation des créations et extensions de magasins de grandes surfaces commerciales a pour objet d'éviter "qu'une croissance désordonnée des formes nouvelles de distribution ne provoque l'écrasement de la petite entreprise et le gaspillage des équipements commerciaux" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le projet qui a fait l'objet de la décision contestée était destiné à créer un centre commercial Leclerc de 2 800 m2 de surface de vente couverte et 1 200 m2 de surface de vente extérieure saisonnière destiné à remplacer un centre commercial de 1 596 m2 de surface de vente ouvert en 1983 et détruit par un incendie en 1992 ; qu'une croissance démographique de plus de 10 % avait été observée dans la zone de chalandise considérée entre les deux recensements généraux précédents ; que ladite zone de chalandise se distingue par une forte implantation de résidences secondaires et une importante fréquentation au cours de la saison estivale ; qu'antérieurement à la décision contestée, le taux d'équipement de ladite zone de chalandise en commerces de distribution à dominante alimentaire de grandes et moyennes surfaces était inférieur à la moyenne départementale et nationale ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que ladite création aurait été de nature à entraîner l'écrasement de la petite entreprise, ou à provoquer le gaspillage des équipements commerciaux ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'autorisation de création du centre commercial contestée aurait été accordée en méconnaissance des principes fixés par la loi du 27 décembre 1973 modifiée doit être écarté ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'ASSOCIATION DES COMMERCANTS ET ARTISANS DE FRONTIGNAN et Mme X... ne sont pas fondés à demander l'annulation de la décision en date du 3 mai 1994 par laquelle la commission nationale d'équipement commercial a accordé à la société Sodifront l'autorisation prévue par la loi du 29 décembre 1973 en vue de transférer et étendre un centre commercial sur le territoire de la commune de Frontignan ;
Article 1er : La requête susvisée de l'ASSOCIATION DES COMMERCANTS ET ARTISANS DE FRONTIGNAN et de Mme X... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'ASSOCIATION DES COMMERCANTS ET ARTISANS DE FRONTIGNAN, à Mme Suzanne X..., à la société Sodifront, au préfet de l'Hérault, à la commission nationale d'équipement commercial et au ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce et de l'artisanat.


Synthèse
Formation : 4 / 1 ssr
Numéro d'arrêt : 160667
Date de la décision : 28/06/1996
Type d'affaire : Administrative

Analyses

- RJ1 COMMERCE - INDUSTRIE - INTERVENTION ECONOMIQUE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REGLEMENTATION DES ACTIVITES ECONOMIQUES - ACTIVITES SOUMISES A REGLEMENTATION - URBANISME COMMERCIAL (LOI DU 27 DECEMBRE 1973 MODIFIEE) - Compétence de la commission nationale d'équipement commercial pour vérifier la compatibilité du projet avec les règles d'urbanisme - Absence (1).

14-02-01-05, 54-07-01-04-03 Article 18 du décret du 9 mars 1993 prévoyant que la demande d'autorisation de création ou d'extension d'un centre commercial doit être accompagnée, lorsque le projet nécessite un permis de construire, d'un certificat d'urbanisme. Si la commission nationale d'équipement commercial doit vérifier la présence au dossier du certificat d'urbanisme exigé par la réglementation, il ne lui appartient pas de s'interroger sur la légalité de ce certificat. Le moyen tiré de l'illégalité du certificat est inopérant à l'appui d'une requête dirigée contre la décision de la commission accordant l'autorisation demandée.

- RJ1 PROCEDURE - POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE - QUESTIONS GENERALES - MOYENS - MOYENS INOPERANTS - Moyen tiré - à l'encontre d'une autorisation de création d'un centre commercial - de l'illégalité d'un certificat d'urbanisme (1).


Références :

Décret 93-306 du 09 mars 1993 art. 18, art. 32
Loi 73-1193 du 27 décembre 1973 art. 29, art. 33, art. 1

1.

Cf. 1983-06-10, Delahaye et autre, p. 237


Publications
Proposition de citation : CE, 28 jui. 1996, n° 160667
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Vught
Rapporteur ?: Mme Lallemand
Rapporteur public ?: M. Schwartz

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1996:160667.19960628
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award