Vu la requête enregistrée le 26 avril 1993 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Abdallah X... demeurant ... ; M. X... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement en date du 12 février 1993 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 3 mars 1992 par laquelle le préfet de police lui a retiré sa carte de résident et lui a enjoint de quitter le territoire français ;
2°) annule cette décision du préfet de police ;
3°) condamne l'Etat à lui payer la somme de 10 000 F au titre des frais irrépétibles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention franco-tunisienne en date du 17 mars 1968 ;
Vu l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée par la loi du 2 août 1989 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Guyomar, Auditeur,
- les conclusions de M. Sanson, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant que l'article 11 de l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail en date du 17 mars 1988 dispose que "les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord" ;
Considérant qu'aux termes de l'article 18 bis de l'ordonnance susvisée du 2 novembre 1945 : "il est institué dans chaque département, une commission de séjour des étrangers ... Cette commission est saisie par le préfet lorsque celui-ci envisage de refuser le renouvellement d'une carte de séjour temporaire, la délivrance d'une carte de résident à un étranger mentionné à l'article 15 de la présente ordonnance, la délivrance d'un titre de séjour à un étranger mentionné à l'article 25 (1° à 6°) ; que, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée, l'avant-dernier alinéa de cet article disposait : "si la commission émet un avis favorable à l'octroi ou au renouvellement du titre de séjour, celui-ci doit être délivré" ; que l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 n'a pas entendu écarter les ressortissants tunisiens du bénéfice des dispositions de l'article 18 bis rappelées ci-dessus, dans le cas où ces ressortissants entrent dans le champ d'application soit des dispositions auxquelles se réfère l'article 18 bis, soit des stipulations de l'accord franco-tunisien ayant le même objet que ces dispositions ;
Considérant que M. X..., ressortissant tunisien marié depuis le 16 février 1990 à une Française, disposait, depuis le 8 janvier 1992, d'une carte de résident d'une durée de 10 ans en application de l'article 10 de l'accord franco-tunisien, dont les dispositions ont le même objet que celles de l'article 15 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que cette carte eût été obtenue par fraude ; qu'elle ne pouvait dès lors, en tout état de cause, être retirée qu'après avis favorable de la commission prévue par l'article 18 bis précité de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ; que cette commission n'a pas été consultée avant l'intervention de la décision du préfet de police retirant à M. X... la carte de résident dont il était titulaire ; que M. X... est par suite fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions susvisées de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 et de condamner l'Etat à payer à M. X... la somme de 5 000 F qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 12 février 1993 et la décision du préfet de police du 3 mars 1992 sont annulés.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. X... la somme de 5 000 F.
Article 3 : Le surplus des conclusions de M. X... est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Abdallah X... et au ministre de l'intérieur.