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13/11/1996 | FRANCE | N°141317

France | France, Conseil d'État, 5 / 3 ssr, 13 novembre 1996, 141317


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 16 septembre 1992 et 14 janvier 1993, présentés pour Mme Jeanne X... élisant domicile au siège de l'Entente interdépartementale de démoustification du littoral méditérranéen et pour ladite Entente dont le siège social est à l'Hôtel du département de l'Hérault, ... (34030) Hérault, représentée par son président en exercice dûment habilité par une délibération du conseil d'administration en date du 16 juillet 1992 ; Mme X... et l'Entente interdépartemen

tale de démoustification du littoral méditérranéen demandent au Conseil d'E...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 16 septembre 1992 et 14 janvier 1993, présentés pour Mme Jeanne X... élisant domicile au siège de l'Entente interdépartementale de démoustification du littoral méditérranéen et pour ladite Entente dont le siège social est à l'Hôtel du département de l'Hérault, ... (34030) Hérault, représentée par son président en exercice dûment habilité par une délibération du conseil d'administration en date du 16 juillet 1992 ; Mme X... et l'Entente interdépartementale de démoustification du littoral méditérranéen demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 7 juillet 1992 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a, sur déféré du préfet de l'Hérault, préfet de la région Languedoc-Roussillon, annulé la décision du 27 janvier 1992 par laquelle l'Entente a recruté Mme X... par voie de détachement ;
2°) de rejeter le déféré du préfet ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 modifiée par la loi n° 82-623 du 22 juillet 1982 ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 ;
Vu le décret n° 86-68 du 13 janvier 1986 ;
Vu le décret n° 87-1101 du 30 décembre 1987 ;
Vu le décret n° 88-546 du 6 mai 1988 ;
Vu le décret n° 88-631 du 6 mai 1988 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Philippe Boucher, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de Mme Jeanne X... et de l'Entente interdépartementale pour la démoustification du littoral méditérranéen,
- les conclusions de M. Gaeremynck, Commissaire du gouvernement ;

Sur la recevabilité du déféré du préfet de l'Hérault :
Considérant qu'aux termes de l'article 45 de la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 modifiée par la loi n° 82-623 du 22 juillet 1982 : "I. Les actes pris par les autorités départementales sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé (...) à leur transmission au représentant de l'Etat dans le département". (...) II. Sont soumis aux dispositions du paragraphe I du présent article (...) Les décisions individuelles relatives à la nomination (...) d'agents du département" ; qu'aux termes de l'article 46 de la même loi : "Le représentant de l'Etat dans le département défère au tribunal administratif les actes mentionnés au paragraphe II de l'article 45 qu'il estime contraires à la légalité dans les deux mois suivant leur transmission" ; qu'aux termes de l'article 56 de la même loi : "Les dispositions du présent titre sont applicables (...) aux établissements publics interdépartementaux (...)" ;
Considérant que lorsque ladite transmission n'est pas accompagnée des documents annexes nécessaires pour mettre le préfet à même d'apprécier la portée et la légalité de l'acte, il appartient au représentant de l'Etat de demander à l'autorité territoriale de compléter cette transmission ; que, dans ce cas, le délai de deux mois imparti au préfet pour déférer l'acte litigieux au tribunal administratif court de la réception des documents annexes réclamés ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les explications fournies à la demande du préfet de l'Hérault par l'Entente interdépartementale pour la démoustification du littoral méditérranéen (EID) à propos de la nomination de Mme X... comme secrétaire général sont parvenues à la préfecture le 13 mars 1992 ; qu'ainsi, le déféré du préfet enregistré le 12 mai 1992 au greffe du tribunal administratif de Montpellier n'était pas tardif ; que, dès lors, la fin de non-recevoir soulevée par l'Entente interdépartementale pour la démoustification du littoral méditérranéen et Mme X... ne peut qu'être rejetée ;
Sur la légalité de la décision du 27 janvier 1992 :
Sur la légalité de la décision attaquée en tant qu'elle prend effet le 1er janvier 1992 :
Considérant que, nonobstant la circonstance que Mme X... ait été détachée par le ministère de l'éducation nationale à compter du 1er janvier 1992, la décision du président de l'Entente interdépartementale pour la démoustification du littoral méditérranéen en date du 27 janvier 1992, parvenue à la préfecture de l'Hérault le 5 février, et recrutant Mme X... à compter du 1er janvier, était entachée d'une rétroactivité illégale que les premiers juges ont régulièrement censurée ;

Sur la légalité de la décision attaquée en tant qu'elle accorde à Mme X... une prime de responsabilité :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret n° 88-631 du 6 mai 1988, "(...) Les directeurs des établissements publics figurant sur la liste prévue au deuxième alinéa de l'article 53 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée peuvent bénéficier d'une prime de responsabilité (...)" ; qu'aux termes de l'article 1er du décret n° 88-546 du 6 mai 1988, la liste ci-dessus mentionnée comprend, les communautés urbaines, les syndicats d'agglomération nouvelle, districts et syndicats intercommunaux et les centres de gestion ; que cette liste, qui a un caractère limitatif, n'inclut pas les ententes interdépartementales ; qu'ainsi, quelle que soit la nature des fonctions exercées par Mme X... au sein de l'Entente interdépartementale pour la démoustification du littoral méditérranéen, celles-ci ne lui ouvraient pas droit à l'allocation d'une prime de responsabilité ; que, par suite, Mme X... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a jugé que l'arrêté du président de l'Entente interdépartementale pour la démoustification du littoral méditérranéen était entaché d'illégalité en tant qu'il accorde à Mme X... une prime de responsabilité ;
Sur la légalité de la décision en tant qu'elle accorde à Mme X... une majoration de traitement :
Considérant que le décret du 13 janvier 1986 relatif au détachement des fonctionnaires territoriaux, et proscrivant que la rémunération afférente à un emploi de détachement soit supérieure à "la rémunération globale perçue dans l'emploi d'origine, majorée, le cas échéant, de quinze pour cent" n'est pas applicable aux fonctionnaires de l'Etat ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit une telle limitation pour les fonctionnaires de l'Etat ; que si le préfet de l'Hérault soutient que cette limitation résulte des instructions en date du 27 octobre 1986 du ministre de l'économie, des finances et de la privatisation, relatives au "détachement des fonctionnaires d'Etat auprès des collectivités locales", ledit ministre n'était pas compétent pour édicter de telles dispositions qui ont un caractère réglementaire ; que Mme X... et l'Entente interdépartementale pour la démoustification du littoral méditérranéen sont par suite fondées à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a annulé la décision recrutant Mme X... pour le motif qu'elle prévoyait le versement à l'intéressée d'une rémunération excédant de plus de 15 % sa rémunération dans son emploi d'origine ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le jugement du tribunal administratif de Montpellier doit être annulé en tant qu'il a annulé la nomination de Mme X... en tant qu'elle comportait une rémunération globale supérieure de plus de quinze pour cent à celle qu'elle percevait dans son emploi d'origine ;

Sur l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'aux termes de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ; Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'allouer à Mme X... et à l'Entente interdépartementale pour la démoustification du littoral méditérranéen la somme de 12 000 F qu'ils réclament au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du 7 juillet 1992 du tribunal administratif de Montpellier est annulé en tant qu'il a annulé la décision du président de l'Entente interdépartementale pour la démoustification du littoral méditérranéen en date du 27 janvier 1992 en tant qu'elle attribue à Mme X... une rémunération globale supérieure de plus de quinze pour cent à celle qu'elle percevait dans son emploi d'origine.
Article 2 : Les conclusions du déféré du préfet de l'Hérault devant le tribunal administratif de Montpellier tendant à l'annulation de la décision du 27 janvier 1992 en tant qu'elle attribue à Mme X... une rémunération globale supérieure de plus de quinze pour cent à celle qu'elle percevait dans son emploi d'origine et le surplus des conclusions de la requête de Mme X... et de l'Entente interdépartementale pour la démoustification du littoral méditérranéen sont rejetés.
Article 3 : L'Etat est condamné à verser à Mme X... et à l'Entente interdépartementale pour la démoustification du littoral méditérranéen la somme de 12 000 F au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'Entente interdépartementale pour la démoustification du littoral méditérranéen, à Mme Jeanne X... au préfet de la région Languedoc-Roussillon, au ministre de l'intérieur et au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : 5 / 3 ssr
Numéro d'arrêt : 141317
Date de la décision : 13/11/1996
Sens de l'arrêt : Annulation partielle rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contrôle de légalité

Analyses

ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITE DES ACTES ADMINISTRATIFS - COMPETENCE - REPARTITION DES COMPETENCES ENTRE AUTORITES DISPOSANT DU POUVOIR REGLEMENTAIRE - AUTORITES DISPOSANT DU POUVOIR REGLEMENTAIRE - MINISTRES - MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES - Incompétence - Instruction du 27 octobre 1986 prévoyant que la rémunération des fonctionnaires de l'Etat détachés auprès des collectivités territoriales n'excède pas la rémunération perçue dans l'emploi d'origine majorée de quinze pour cent.

01-02-02-01-03-05, 36-05-03-01-02, 36-08-02 Ni le décret du 13 janvier 1986 relatif au détachement des fonctionnaires territoriaux et proscrivant que la rémunération afférente à un emploi de détachement soit supérieure à "la rémunération globale perçue dans l'emploi d'origine, majorée, le cas échéant, de 15 %", dont les dispositions ne sont pas applicables aux fonctionnaires de l'Etat, ni aucune autre disposition législative ou réglementaire ne prévoit une telle limitation pour les fonctionnaires de l'Etat. Si l'instruction du ministre de l'économie, des finances et de la privatisation en date du 27 octobre 1986 relative au "détachement des fonctionnaires d'Etat auprès des collectivités locales" institue une telle limitation, cette instruction, qui émane d'une autorité incompétente pour édicter des dispositions réglementaires de cette nature, ne peut légalement interdire à un établissement public local de recruter, par voie de détachement, un fonctionnaire de l'Etat en prévoyant au bénéfice de l'intéressé le versement d'une rémunération excédant de plus de 15 % la rémunération qu'il perçevait dans son emploi d'origine.

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - POSITIONS - DETACHEMENT ET MISE HORS CADRE - DETACHEMENT - SITUATION DU FONCTIONNAIRE DETACHE - Rémunération des fonctionnaires de l'Etat détachés auprès de collectivités territoriales - Majoration de traitement - Limite de quinze pour cent par rapport à la rémunération perçue dans l'emploi d'origine - Absence.

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - REMUNERATION - TRAITEMENT - Majoration de traitement - Fonctionnaires de l'Etat détachés auprès de collectivités territoriales - Limite de quinze pour cent par rapport à la rémunération perçue dans l'emploi d'origine - Absence.


Références :

Décret 86-68 du 13 janvier 1986
Décret 88-546 du 06 mai 1988 art. 1
Décret 88-631 du 06 mai 1988 art. 1
Loi 82-213 du 02 mars 1982 art. 45, art. 46, art. 56
Loi 82-623 du 22 juillet 1982
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75


Publications
Proposition de citation : CE, 13 nov. 1996, n° 141317
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Vught
Rapporteur ?: M. Ph. Boucher
Rapporteur public ?: M. Gaeremynck
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, Avocat

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1996:141317.19961113
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