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21/02/1997 | FRANCE | N°176446

France | France, Conseil d'État, President de la section du contentieux, 21 février 1997, 176446


Vu la requête enregistrée le 26 décembre 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement en date du 3 octobre 1995 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 29 septembre 1995 décidant la reconduite à la frontière de Mlle Kamguem Y... ;
2°) de rejeter le demande d'annulation de cet arrêté que Mlle Kamguem Y... a présentée devant le tribunal admin

istratif de Paris ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention eur...

Vu la requête enregistrée le 26 décembre 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement en date du 3 octobre 1995 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 29 septembre 1995 décidant la reconduite à la frontière de Mlle Kamguem Y... ;
2°) de rejeter le demande d'annulation de cet arrêté que Mlle Kamguem Y... a présentée devant le tribunal administratif de Paris ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée notamment par la loi du 2 août 1989, la loi du 10 janvier 1990, la loi du 26 février 1992 et la loi du 23 août 1993 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- les conclusions de M. Delarue, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 22-I de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ...4°) Si l'étranger n'a pas demandé le renouvellement de son titre de séjour temporaire et s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois suivant l'expiration de ce titre ..." ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle Kamguem Y..., dont le titre de séjour temporaire était valable jusqu'au 18 octobre 1992 s'est maintenue dans de telles conditions sur le territoire et entre ainsi dans le champ d'application de cette disposition ;
Considérant qu'aux termes de l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Ne peuvent faire l'objet d'un arrêté d'expulsion, en application de l'article 23 : 3°) L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention "étudiant" ; ...Les étrangers mentionnés aux 1° à 6° ne peuvent faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière en application de l'article 22 de la présente ordonnance ..." ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle Kamguem Y... a suivi une scolarité en France de 1981 à 1989, puis a été titulaire d'une carte de séjour "étudiant" de 1989 à 1992 dont elle s'est abstenue ensuite de demander le renouvellement ; qu'ainsi lorsqu'a été pris, le 29 septembre 1995, l'arrêté de reconduite litigieux, elle était en situation irrégulière depuis près de trois ans ; que, dans ces conditions, elle ne pouvait se prévaloir des dispositions précitées de l'article 25-3° de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée ; qu'ainsi, le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris s'est fondé sur une méconnaissance desdites dispositions pour annuler son arrêté en date du 29 septembre 1995 ordonnant la reconduite à la frontière de Mlle Kamguem Y... ;
Considérant qu'il appartient au juge d'appel, saisi par l'effet dévolutif d'examiner les autres moyens présentés par Mlle Kamguem Y... ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sécurité publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui" ;

Considérant que si Mlle Kamguem Y... fait valoir que tous ses frères et soeurs, nés de la même mère qu'elle, résident en France et qu'elle n'a plus d'attaches familiales réelles au Cameroun depuis la mort de son père en 1986, il ressort des pièces du dossier que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment du fait que Mlle Kamguem Y... qui est célibataire et sans enfant, n'établit pas être dépourvue de toute attache dans son pays d'origine, l'arrêté du PREFET DE POLICE en date du 29 septembre 1995 n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels a été pris ledit arrêté ; qu'il n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et de libertés fondamentales ;
Considérant enfin que si Mlle Kamguem Y... soutient qu'elle est actionnaire majoritaire d'une société en plein essor et qu'elle n'a jamais troublé l'ordre public en France, ces circonstances ne suffisent pas à établir que le PREFET DE POLICE aurait commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement litigieuse sur la situation personnelle de l'intéressée ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 3 octobre 1995, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 29 septembre 1995 décidant la reconduite à la frontière de Mlle Kamguem Y... ;
Article 1er : Le jugement susvisé du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris, en date du 3 octobre 1995, est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mlle Kamguem Y... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE et à Mlle Rosette Diane X...
Y... et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : President de la section du contentieux
Numéro d'arrêt : 176446
Date de la décision : 21/02/1997
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 ETRANGERS - RECONDUITE A LA FRONTIERE.


Références :

Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 8
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 22, art. 25


Publications
Proposition de citation : CE, 21 fév. 1997, n° 176446
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. de LONGEVIALLE
Rapporteur public ?: M. Delarue

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1997:176446.19970221
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