La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/04/1997 | FRANCE | N°160035

France | France, Conseil d'État, 9 / 8 ssr, 04 avril 1997, 160035


Vu, 1°) sous le n° 160035, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 12 juillet 1994 et 12 octobre 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la Société "MEUBLES JACQUES X...", dont le siège est place du marché, à Gençay (86160), représentée par son président-directeur général ; la Société "MEUBLES JACQUES X..." demande l'annulation de l'arrêt du 17 mai 1994, par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux, après avoir réformé, sur recours du ministre du budget, le jugement du tribunal administratif de Poitiers d

u 11 mars 1992, a remis à sa charge, en droits et pénalités, les suppléme...

Vu, 1°) sous le n° 160035, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 12 juillet 1994 et 12 octobre 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la Société "MEUBLES JACQUES X...", dont le siège est place du marché, à Gençay (86160), représentée par son président-directeur général ; la Société "MEUBLES JACQUES X..." demande l'annulation de l'arrêt du 17 mai 1994, par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux, après avoir réformé, sur recours du ministre du budget, le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 11 mars 1992, a remis à sa charge, en droits et pénalités, les suppléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des années 1982, 1983, et 1985, ainsi que les compléments de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés pour la période du 1er janvier 1982 au 31 octobre 1985 et pour le mois de décembre 1985 ;
Vu, 2°) sous le n° 160078, la requête enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 13 juillet 1994, présentée par le MINISTRE DU BUDGET ; le MINISTRE DU BUDGET demande que le Conseil d'Etat annule l'article 3 de l'arrêt du 17 mai 1994 de la cour administrative d'appel de Bordeaux, en tant qu'il rejette les conclusions de son recours tendant à remettre à la charge de la société "Meubles Jacques Bétin" la pénalité qui lui avait été appliquée en vertu de l'article 1763 A du code général des impôts ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Guilhemsans, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Jacoupy, avocat de la Société "MEUBLES JACQUES X...",
- les conclusions de M. Loloum, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que la requête de la Société "MEUBLES JACQUES X..." et le recours du MINISTRE DU BUDGET sont dirigés contre le même arrêt ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par une même décision ;
Sur la régularité de l'arrêt :
Considérant que le mémoire en réplique produit par le MINISTRE DU BUDGET devant la cour administrative d'appel de Bordeaux le 24 mars 1993 ne contenait aucun élément nouveau par rapport à son recours initial ; que, par suite, la Cour a pu, sans méconnaître le caractère contradictoire de la procédure contentieuse, s'abstenir de le communiquer à la Société "MEUBLES JACQUES X..." ;
Considérant que la Cour a suffisamment répondu au moyen tiré par la société du caractère prétendument complet et régulier de sa comptabilité, en relevant les différentes lacunes et omissions dont celle-ci était entachée et en précisant, en outre, que la société ne pouvait utilement se prévaloir d'une reconstitution de documents comptables effectuée, a posteriori, par un expert ;
Considérant que la Cour a répondu aussi de manière suffisante au moyen tiré de ce que l'avis de mise en recouvrement du 21 octobre 1987 ne satisfaisait pas, en ce qui concerne les pénalités pour mauvaise foi appliquées aux compléments de taxe sur la valeur ajoutée réclamés à la Société "MEUBLES JACQUES X...", aux exigences de motivation imposées par la loi du 11 juillet 1979, en constatant que ces pénalités avaient fait l'objet, antérieurement, d'une lettre de motivation, conforme aux dispositions du premier alinéa de l'article L. 80.D du livre des procédures fiscales ;
Considérant enfin, que la Cour n'était pas tenue de répondre à un moyen présenté, après la clôture de l'instruction, dans une note en délibéré ;
Sur le bien-fondé de l'arrêt :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué, d'une part, que c'est dans le cadre d'une enquête diligentée par la gendarmerie, sur commission rogatoire d'un juge d'instruction, et en application des dispositions de l'article 60 du code de procédure pénale, qui autorisent les officiers de police judiciaire à recourir à toutes personnes qualifiées, que les agents des services fiscaux ont été conduits, au cours de l'année 1985, à examiner la comptabilité de la Société "MEUBLES JACQUES X...", afin de déterminer la part des détournements de recettes imputée par cette société à l'un de ses salariés, contre lequel elle avait porté plainte pour vol, et celle qui, selon ce salarié, était imputable à la "famille X...", d'autre part, que l'administration fiscale avait ensuite reçu communication, de la part du juge d'instruction, des documents de la procédure qui devait aboutir à la condamnation pénale du salarié, dans le cadre de la vérification de comptabilité de la Société "MEUBLES JACQUES X..." effectuée à partir du mois de juin 1976 ; que la cour administrative d'appel a donné une exacte qualification des faits ainsi relevés par elle en jugeant que l'intervention, aux fins et dans les conditions ci-dessus rappelées, des agents des services fiscaux dans l'enquête conduite par la gendarmerie n'avait pas constitué une première vérification de comptabilité conduite en méconnaissance des dispositions de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales, qui prohibent les doubles vérifications ;
Considérant qu'en relevant que les dirigeants de la Société "MEUBLES JACQUES X..." avaient eu six entrevues avec l'inspecteur chargé de la vérification et que celle-ci avait été effectuée dans les locaux de l'entreprise du 15 au 25 octobre 1986, la cour administrative d'appel ne s'est pas fondée sur des faits matériellement inexacts ; qu'elle n'a pas commis d'erreur de droit en en déduisant que la société avait bénéficié du débat oral et contradictoire auquel elle avait droit ;
Considérant que la Cour, après avoir constaté, sans dénaturer les faits qu'elle a souverainement appréciés, que la comptabilité de la société était entachée de nombreuses lacunes et omissions et que les documents comptables reconstitués a posteriori par un expert étaient dénués de force probante, a pu légalement en déduire que l'administration avait régulièrement procédé aux redressements contestés par voie de rectification d'office ; que les dispositions de l'article L. 54 B du livre des procédures fiscales selon lesquelles "la notification d'une proposition de redressement doit mentionner, sous peine de nullité, que le contribuable a la faculté de se faire assister d'un conseil de son choix pour discuter la proposition de redressement ou pour y répondre", n'étant pas applicables en cas de rectification d'office, le moyen tiré par la Société "MEUBLES JACQUES X..." de ce que la notification de redressement qui lui a été adressée n'était pas conforme aux prescriptions de cet article, était inopérant ; qu'ainsi, la société ne conteste pas utilement la réponse faite à ce moyen par la cour administrative d'appel ;
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

Considérant qu'en rejetant les critiques faites à la méthode administrative de reconstitution de son chiffre d'affaires par la Société "MEUBLES JACQUES X...", qui ne soutenait pas que cette méthode était radicalement viciée dans son principe, la cour administrative d'appel s'est livrée, sans les dénaturer, à une appréciation souveraine des faits, insusceptible d'être discutée en cassation ;
Considérant qu'en jugeant que les détournements en espèces commis par le salarié indélicat de la Société "MEUBLES JACQUES X..." ne pouvaient être déduits des recettes de cette société, en l'absence de demande précise et chiffrée de sa part et alors que lui incombait la charge de la preuve, et qu'il n'y avait pas lieu d'ordonner un supplément d'instruction à l'effet de chiffrer ces détournements, la Cour a porté, aussi, sur les faits et documents de lacause, sans les dénaturer, une appréciation souveraine ;
En ce qui concerne la pénalité fiscale mise à la charge de la Société "MEUBLES JACQUES X..." en application de l'article 1763 A du code général des impôts :
Considérant qu'aux termes de l'article 72 de la loi du 18 janvier 1980 portant loi de finances pour 1980, ultérieurement codifié à l'article 1763 A du code général des impôts : "Les sociétés et autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240 du code général des impôts, elles ne révèlent pas l'identité ... sont soumises à une pénalité fiscale calculée en appliquant au montant des sommes versées ou distribuées le double du taux maximum de l'impôt sur le revenu" ; que, cette pénalité a pour fait générateur l'expiration du délai de trente jours imparti, en vertu de l'article 117 du code général des impôts, à la société qui a distribué les revenus pour indiquer à l'administration les bénéficiaires de cette distribution ; qu'en se fondant, pour décharger la Société "MEUBLES JACQUES X..." de la pénalité, prévue par l'article 1763 A, à laquelle elle avait été soumise, faute, selon l'administration, de lui avoir indiqué dans le délai ci-dessus mentionné, l'identité du bénéficiaire des distributions résultant des redressements apportés à ses résultats des exercices clos en 1982, 1983 et 1985, sur ce que le fait générateur de cette pénalité s'étant produit en 1986, la société n'avait pas été légalement assujettie à ladite pénalité au titre des années 1982, 1983 et 1985, alors qu'il ne résulte, ni de l'article 1763 A, ni d'aucune autre disposition, que la pénalité dont il s'agit doive être établie au titre d'une année déterminée, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit ; qu'il y a lieu, dans cette mesure, conformément aux conclusions de recours du ministre, d'annuler l'arrêt attaqué ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 17 mai 1994 est annulé en tant qu'il s'est prononcé sur les conclusions de la requête de la Société "MEUBLES JACQUES X..." qui portaient sur la pénalité à laquelle elle a été soumise en application de l'article 1763 A du code général des impôts.
Article 2 : Le jugement des conclusions mentionnées à l'article 1er ci-dessus est renvoyé devant la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Article 3 : La requête de la Société "MEUBLES JACQUES X..." est rejetée.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la Société "MEUBLES JACQUES X..." et au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : 9 / 8 ssr
Numéro d'arrêt : 160035
Date de la décision : 04/04/1997
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-01-04 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REGLES GENERALES - IMPOT SUR LES BENEFICES DES SOCIETES ET AUTRES PERSONNES MORALES.


Références :

CGI 1763 A, 117
CGI Livre des procédures fiscales L80 D, L51, L54 B
Code de procédure pénale 60
Loi 79-587 du 11 juillet 1979
Loi 80-30 du 18 janvier 1980 art. 72


Publications
Proposition de citation : CE, 04 avr. 1997, n° 160035
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Guilhemsans
Rapporteur public ?: M. Loloum

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1997:160035.19970404
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award