Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 novembre 1993 et 11 février 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. Y... CHATRA, demeurant chez M. Aouass, ... Willaya M'Sila 28200 (Algérie) ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 30 juin 1993 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 août 1992 par lequel le ministre de l'intérieur et de la sécurité publique a prononcé son expulsion ;
2°) d'annuler ladite décision ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30septembre 1953, le décret n° 63-766 du 30 juillet 1963 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Spitz, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Lamy, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. X... soutient que ni lui ni son conseil n'ont été convoqués à la séance du tribunal administratif à laquelle son affaire était inscrite ; qu'en l'absence de tout accusé de réception postal, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. X... ait reçu notification de la convocation ; que par suite, le requérant est fondé à soutenir que la formalité substantielle prévue aux articles L. 17 et R. 193 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel n'a pas été observée et à demander, pour ce motif, l'annulation du jugement attaqué ;
Considérant qu'il appartient au Conseil d'Etat d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande formée par M. X... devant le tribunal administratif de Lyon ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués par M. X... :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X..., de nationalité algérienne, est arrivé en France à l'âge de deux ans et y a toujours résidé ; que les membres de sa famille proche demeurent en France et que plusieurs possèdent la nationalité française ; que dans les circonstances de l'espèce, s'il est établi qu'il s'est rendu coupable d'infractions lui ayant valu des condamnations à plusieurs peines d'emprisonnement, dont en dernier lieu une peine de 10 ans de réclusion criminelle pour vol avec port d'arme, tentative de vol avec port d'arme, et vol simple, la décision attaquée a néanmoins, compte-tenu tant du comportement de M. X... postérieurement aux condamnations prononcées à raison de ces faits que de son absence de tout lien avec un pays autre que la France, porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'il suit de là que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... est fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 4 août 1992 par lequel le ministre de l'intérieur a prononcé son expulsion du territoire français ;
Article 1er : Le jugement susvisé du tribunal administratif de Lyon en date du 30 juin 1993 et l'arrêté susvisé du ministre de l'intérieur en date du 4 août 1992 sont annulés.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Y... CHATRA et au ministre de l'intérieur.