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06/02/1998 | FRANCE | N°146114

France | France, Conseil d'État, 6 ss, 06 février 1998, 146114


Vu le recours, enregistré le 15 mars 1993 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DU BUDGET ; le MINISTRE DU BUDGET demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 17 décembre 1992 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé les décisions des 27 mars et 30 avril 1992 par lesquelles le directeur des services fiscaux du département du Puy de Dôme a refusé à Mmes X..., Y... et Z... le versement du supplément familial de traitement ;
2°) de rejeter les demandes présentées par Mmes X..., Y... et Z... devant le

tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;
Vu les autres pièces du...

Vu le recours, enregistré le 15 mars 1993 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DU BUDGET ; le MINISTRE DU BUDGET demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 17 décembre 1992 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé les décisions des 27 mars et 30 avril 1992 par lesquelles le directeur des services fiscaux du département du Puy de Dôme a refusé à Mmes X..., Y... et Z... le versement du supplément familial de traitement ;
2°) de rejeter les demandes présentées par Mmes X..., Y... et Z... devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'article 97 de l'acte dit-loi du 14 septembre 1941 modifié par la loi du 25 septembre 1945 ;
Vu l'ordonnance n°45-14 du 6 janvier 1945 ;
Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 et le décret n° 85-1148 du 24 octobre1985 ;
Vu la loi n° 91-715 du 26 juillet 1991, notamment son article 4 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n°45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n°53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n°87-1127 du 31 décembre 1987;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Guyomar, Auditeur,
- les conclusions de M. Piveteau, Commissaire du gouvernement ;

Considérant, en premier lieu que, par une demande du 2 décembre 1991, Mme X... a demandé au MINISTRE DU BUDGET le versement du supplément familial de traitement pour la période postérieure à la naissance de son premier enfant, le 13 janvier 1979, et antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 26 juillet 1991 ; que cette demande a été rejetée par une décision du 27 mars 1992 du MINISTRE DU BUDGET ;
Considérant, en deuxième lieu, que, par une demande du 6 décembre 1991, Mme Y... a demandé au MINISTRE DU BUDGET le versement du supplément familial de traitement pour la période postérieure à la naissance de son premier enfant, le 8 mars 1979 et antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 26 juillet 1991 ; que cette demande a été rejetée par une décision du 27 mars 1992 du MINISTRE DU BUDGET ;
Considérant, en troisième lieu, que, par une demande du 15 février 1992, Mme Z... a demandé au MINISTRE DU BUDGET le versement du supplément familial de traitement pour la période postérieure à la naissance de son premier enfant, le 25 mai 1985, et antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 26 juillet 1991 ; que cette demande a été rejetée par une décision du 30 avril 1992 du MINISTRE DU BUDGET ;
Considérant que, saisi de demandes d'annulation de ces trois décisions, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a, par un jugement du 17 décembre 1992, joint les trois requêtes et annulé les trois décisions sans statuer sur l'exception de prescription quadriennale opposée par le MINISTRE DU BUDGET aux trois demandes ; que le MINISTRE fait appel de ce jugement ;
Sur l'exception de prescription quadriennale :
Considérant que le MINISTRE DU BUDGET a opposé l'exception de prescription quadriennale aux créances dont se prévalaient Mmes X..., Y... et Z... au cours de l'instruction devant le tribunal administratif ; qu'il appartenait au tribunal administratif, saisi du fond du litige, de statuer sur l'exception de prescription quadriennale ; que, par suite, le MINISTRE DU BUDGET est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Clermont-Ferrand n'a pas statué sur l'exception de prescription quadriennale ; que, dès lors, il y a lieu d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il a omis de statuer sur l'exception de prescrition quadriennale et d'évoquer sur ce point ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 susvisée : "sont prescrites, au profit de l'Etat, ( ...) toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis" ; que l'article 2 de la même loi dispose que "la prescription est interrompue par toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance ( ...), tout recours formé devant une juridiction relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance ( ...)" ;
Sur les créances de Mme X... :

Considérant que le fait générateur des créances dont se prévaut Mme X... est constitué par le service fait par elle à compter de la naissance de son premier enfant, le 13 janvier 1979 ; que les droits sur lesquels ces créances sont fondées ont ainsi été acquis au cours de l'année 1979 et des années suivantes ; qu'en application des dispositions rappelées cidessus de la loi du 31 décembre 1968 susvisée, les délais de prescription ont, pour les créances nées au cours de chacune de ces années, commencé à courir le 1er janvier de l'année suivante et ont, s'ils n'étaient pas expirés, été interrompus par la demande de paiement présentée le 2 décembre 1991 par Mme X..., puis par l'introduction, le 27 mars 1992, de la demande de Mme X... au tribunal administratif de Clermont-Ferrand ; que, par suite, sont prescrites les sommes dont Mme X... a demandé le versement pour la période allant du 13 janvier 1979 au 31 décembre 1986 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DU BUDGET est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a annulé la décision par laquelle il a refusé à Mme X... le bénéfice du supplément familial de traitement sans faire exception pour la période comprise entre le 13 janvier 1979 et le 31 décembre 1986 ;
Sur les créances de Mme Y... :
Considérant que le fait générateur des créances dont se prévaut Mme Y... est constitué par le service fait par elle à compter de la naissance de son premier enfant, le 8 mars 1979 ; que les droits sur lesquels ces créances sont fondées ont ainsi été acquis au cours de l'année 1979 et des années suivantes ; qu'en application des dispositions rappelées ci-dessus de la loi du 31 décembre 1968 susvisée, les délais de prescription ont, pour les créances nées au cours de chacune de ces années, commencé à courir le 1er janvier de l'année suivante et ont, s'ils n'étaient pas expirés, été interrompus par la demande de paiement présentée le 6 décembre 1991 par Mme Y..., puis par l'introduction, le 27 mars 1992, de la demande de Mme Y... au tribunal administratif de Clermont-Ferrand ; que, par suite, sont prescrites les sommes dont Mme Y... a demandé le versement pour la période allant du 8 mars 1979 au 31 décembre 1986 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DU BUDGET est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a annulé la décision par laquelle il a refusé à Mme Y... le bénéfice du supplément familial de traitement sans faire exception pour la période comprise entre le 8 mars 1979 et le 31 décembre 1986 ;
Sur les créances de Mme Z... :

Considérant que le fait générateur des créances dont se prévaut Mme Z... est constitué par le service fait par elle à compter de la naissance de son premier enfant, le 25 mai 1985 ; que les droits sur lesquels ces créances sont fondées ont ainsi été acquis au coursde l'année 1985 et des années suivantes ; qu'en application des dispositions rappelées ci-dessus de la loi du 31 décembre 1968 susvisée, les délais de prescription ont, pour les créances nées au cours de chacune de ces années, commencé à courir le 1er janvier de l'année suivante et ont, s'ils n'étaient pas expirés, été interrompus par la demande de paiement présentée le 15 février 1992 par Mme Z..., puis par l'introduction, le 30 avril 1992, de la demande de Mme Z... au tribunal administratif de Clermont-Ferrand ; que, par suite, sont prescrites les sommes dont Mme Z... a demandé le versement pour la période allant du 25 mai 1985 au 31 décembre 1987 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DU BUDGET est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a annulé la décision par laquelle il a refusé à Mme Z... le bénéfice du supplément familial de traitement sans faire exception pour la période comprise entre le 25 mai 1985 et le 31 décembre 1987 ;
Sur la légalité des décisions attaquées en tant qu'elle portent sur des sommes non prescrites :
Considérant qu'aux termes de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée : "les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire. S'y ajoutent les prestations familiales obligatoires" ; qu'aux termes de l'article 10 du décret du 19 juillet 1974, en vigueur à l'époque des faits litigieux : "le supplément familial de traitement alloué, en sus des prestations familiales de droit commun aux magistrats, aux fonctionnaires et aux agents de l'Etat ... comprend d'une part, un élément fixe, d'autre part un élément proportionnel basé sur le traitement soumis à retenue pour pension" ; qu'aux termes de l'article 12 du même décret : "la notion d'enfant à charge à retenir pour l'ouverture du droit au supplément familial de traitement est celle fixée en matière de prestations familiales par le titre II du livre V de la sécurité sociale" ;

Considérant, en premier lieu, que Mme X... a la qualité d'agent de l'Etat au sens des dispositions susvisées de l'article 10 du décret du 19 juillet 1974 ; qu'il n'est pas contesté qu'avant le 2 décembre 1991, elle avait des enfants à charge au sens des dispositions du titre II du livre V du code de la sécurité sociale ; qu'elle avait par suite droit pour la période considérée au supplément familial de traitement au titre de ses enfants ; que la circonstance que son conjoint, agent statutaire de la SNCF, salarié de droit privé, a reçu de son côté un supplément familial de traitement ne saurait faire obstacle, en l'absence de tout disposition législative interdisant un tel cumul, au versement de ce supplément pour la période antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 26 juillet 1991 susvisée ; que ce cumul n'est en tout cas pas interdit par l'article R. 513-1 du code de la sécurité sociale qui ne figure pas au titre II du livre V de ce code et ne saurait s'appliquer à un avantage salarial n'ayant pas le caractère de prestation familiale ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DU BUDGET n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a annulé sa décision refusant à Mme X... le bénéfice du supplément familial de traitement pour la période antérieure au 29 juillet 1991, pour les années non couvertes par la prescription quadriennale ;
Considérant, en deuxième lieu, que Mme Y... a la qualité d'agent de l'Etat au sens des dispositions susvisées de l'article 10 du décret du 19 juillet 1974 ; qu'il n'est pas contesté qu'avant le 6 décembre 1991, elle avait des enfants à charge au sens des dispositions du titre II du livre V du code de la sécurité sociale ; qu'elle avait par suite droit pour la période considérée au supplément familial de traitement au titre de ses enfants ; que la circonstance queson conjoint, agent statutaire de la SNCF, salarié de droit privé, a reçu de son côté un supplément familial de traitement ne saurait faire obstacle, en l'absence de tout disposition législative interdisant un tel cumul, au versement de ce supplément pour la période antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 26 juillet 1991 susvisée ; que ce cumul n'est en tout cas pas interdit par l'article R. 513-1 du code de la sécurité sociale qui ne figure pas au titre II du livre V de ce code et ne saurait s'appliquer à un avantage salarial n'ayant pas le caractère de prestation familiale ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DU BUDGET n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a annulé sa décision refusant à Mme Y... le bénéfice du supplément familial de traitement pour la période antérieure au 29 juillet 1991, pour les années non couvertes par la prescription quadriennale ;

Considérant, en troisième lieu, que Mme Z... a la qualité d'agent de l'Etat au sens des dispositions susvisées de l'article 10 du décret du 19 juillet 1974 ; qu'il n'est pas contesté qu'avant le 15 février 1992, elle avait des enfants à charge au sens des dispositions du titre II du livre V du code de la sécurité sociale ; qu'elle avait par suite droit pour la période considérée au supplément familial de traitement au titre de ses enfants ; que la circonstance que son conjoint, agent d'EDF-GDF, a reçu de son côté un supplément familial de traitement ne saurait faire obstacle, en l'absence de tout disposition législative interdisant un tel cumul, au versement de ce supplément pour la période antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 26 juillet 1991 susvisée ; que ce cumul n'est en tout cas pas interdit par l'article R. 513-1 du code de la sécurité sociale qui ne figure pas au titre II du livre V de ce code et ne saurait s'appliquer à un avantage salarial n'ayant pas le caractère de prestation familiale ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DU BUDGET n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a annulé sa décision refusant à Mme Z... le bénéfice du supplément familial de traitement pour la période antérieure au 29 juillet 1991, pour les années non couvertes par la prescription quadriennale ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est annulé en tant qu'il a annulé la décision du 27 mars 1992 par laquelle le MINISTRE DU BUDGET a refusé de verser à Mme X... le supplément familial de traitement pour la période comprise entre le 13 janvier 1979 et le 31 décembre 1986, la décision du 27 mars 1992 par laquelle le MINISTRE DU BUDGET a refusé de verser à Mme Y... le supplément familial de traitement pour la période comprise entre le 8 mars 1979 et le 31 décembre 1986 et la décision du 30 avril 1992 par laquelle le MINISTRE DU BUDGET a refusé de verser à Mme Z... le supplément familial de traitement pour la période comprise entre le 25 mai 1985 et le 31 décembre 1987.
Article 2 : La demande présentée par Mme X... devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand est rejetée en tant qu'elle tend à l'annulation de la décision du 27 mars 1992 par laquelle le MINISTRE DU BUDGET lui a refusé le bénéfice du supplément familial de traitement pour la période comprise entre le 13 janvier 1979 et le 31 décembre 1986.
Article 3 : La demande présentée par Mme Y... devant le tribunal administratif de ClermontFerrand est rejetée en tant qu'elle tend à l'annulation de la décision du 27 mars 1992 par laquelle le MINISTRE DU BUDGET lui a refusé le bénéfice du supplément familial de traitement pour la période comprise entre le 8 mars 1979 et le 31 décembre 1986.
Article 4 : La demande présentée par Mme Z... devant le tribunal administratif de ClermontFerrand est rejetée en tant qu'elle tend à l'annulation de la décision du 30 avril 1992 par laquelle le MINISTRE DU BUDGET lui a refusé le bénéfice du supplément familial de traitement pour la période comprise entre le 25 mai 1985 et le 31 décembre 1987.
Article 5 : Le surplus des conclusions du recours du MINISTRE DU BUDGET est rejeté.
Article 6 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et à Mmes X..., Y... et Z....


Synthèse
Formation : 6 ss
Numéro d'arrêt : 146114
Date de la décision : 06/02/1998
Type d'affaire : Administrative

Analyses

36-08 FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - REMUNERATION.


Références :

Code de la sécurité sociale R513-1
Décret 74-652 du 19 juillet 1974 art. 10, art. 12
Loi 68-1250 du 31 décembre 1968 art. 1, art. 2
Loi 83-634 du 13 juillet 1983 art. 20
Loi 91-715 du 26 juillet 1991


Publications
Proposition de citation : CE, 06 fév. 1998, n° 146114
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Guyomar
Rapporteur public ?: M. Piveteau

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1998:146114.19980206
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