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27/02/1998 | FRANCE | N°170504

France | France, Conseil d'État, 8 / 9 ssr, 27 février 1998, 170504


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 23 juin 1995 et 19 octobre 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Patrice X..., demeurant ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 29 mars 1995 par lequel le tribunal administratif de Nouméa a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 3 octobre 1994 du directeur du travail, chef du service de l'inspection du travail de Nouvelle-Calédonie, autorisant la société Pacifique Technologie (PAC-TEC) à le licencier pour motif économique ;
2°)

d'annuler pour excès de pouvoir cette décision ;
3°) de condamner l'E...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 23 juin 1995 et 19 octobre 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Patrice X..., demeurant ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 29 mars 1995 par lequel le tribunal administratif de Nouméa a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 3 octobre 1994 du directeur du travail, chef du service de l'inspection du travail de Nouvelle-Calédonie, autorisant la société Pacifique Technologie (PAC-TEC) à le licencier pour motif économique ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cette décision ;
3°) de condamner l'Etat à lui payer une somme de 15 000 F, au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n° 85-1181 du 13 novembre 1985, modifiée ;
Vu la loi n° 88-1028 du 9 novembre 1988 ;
Vu la délibération n° 49/CP du 10 mai 1989 de la commission permanente du Congrès du Territoire de la Nouvelle-Calédonie ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme de Saint-Pulgent, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Ancel, Couturier-Heller, avocat de M. Patrice X... et de Me de Nervo, avocat de la société Pacifique Technologie,
- les conclusions de M. Arrighi de Casanova, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 75 de l'ordonnance n° 85-1981 du 13 novembre 1985, modifiée, qui a fixé les principes directeurs du droit du travail applicables en Nouvelle-Calédonie : "Le licenciement ... d'un délégué du personnel ... ne peut intervenir que sur autorisation du chef de service de l'inspection du travail ..." ; qu'en vertu de ces dispositions, les salariés investis des fonctions de délégué du personnel bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec appartenance syndicale ; que, dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte, notamment, de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ;
Considérant que le licenciement pour motif économique de M. X..., technicien informatique, délégué du personnel, ainsi que de quatre autres salariés de la société Pacifique Technologie (PAC-TEC), a été envisagé par celle-ci en septembre 1994 ; que la société ne justifie pas avoir alors proposé, ni même recherché un poste de reclassement susceptible d'être offert à M. X... ; qu'elle ne justifie pas davantage de l'impossibilité dans laquelle elle se serait trouvée d'assurer le reclassement de l'intéressé dans un emploi correspondant à sa qualification ; qu'il est constant que la proposition faite à M. X... d'être muté dans une filiale en Polynésie française, avec maintien de son salaire, dont la société PACTEC fait état pour soutenir qu'elle a satisfait à son obligation de reclassement, a été formulée en décembre 1993, plusieurs mois avant que le licenciement de M. X... ne soit envisagé ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que cette proposition de mutation aurait été renouvelée à partir de septembre 1994 ; que le refus que lui aurait opposé M. X... en décembre 1993 ne pouvait dispenser la société d'examiner à nouveau les possibilités de reclassement de M. X... avant de demander l'autorisation de le licencier ; qu'en se bornant à prendre, devant le comité d'entreprise, l'engagement d'apporter son soutien à l'ensemble des salariés licenciés dans leur recherche d'un nouvel emploi, la société ne peut être regardée comme ayant fait les efforts nécessaires de reclassement qui lui incombaient ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nouméa a rejeté sa demande dirigée contrela décision du 3 octobre 1994 par laquelle le directeur du travail, chef du service de l'inspection du travail de nouvelle-Calédonie, a autorisé la société PAC-TEC à le licencier ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat, par application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991, à payer à M. X... une somme de 10 000 F, au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nouméa du 29 mars 1995 et la décision du directeur du travail, chef du service de l'inspection du travail de Nouvelle-Calédonie du 3 octobre 1994 sont annulés.
Article 2 : L'Etat paiera à M. X... une somme de 10 000 F, au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Patrice X..., à la société Pacifique Technologie (PAC-TEC) et au secrétaire d'Etat à l'outre-mer.


Synthèse
Formation : 8 / 9 ssr
Numéro d'arrêt : 170504
Date de la décision : 27/02/1998
Type d'affaire : Administrative

Analyses

OUTRE-MER - DROIT APPLICABLE DANS LES DEPARTEMENTS ET TERRITOIRES D'OUTRE-MER - REGIME SOCIAL - Licenciement pour motif économique - Obligation de reclassement des salariés protégés - Application en Nouvelle-Calédonie - Existence.

46-01-05, 66-07-01-04-03-01 L'obligation faite à l'entreprise qui envisage de licencier un salarié protégé pour un motif de caractère économique, de rechercher et de proposer à l'intéressé un poste de reclassement correspondant à sa qualification, s'impose également en Nouvelle- Calédonie.

TRAVAIL ET EMPLOI - LICENCIEMENTS - AUTORISATION ADMINISTRATIVE - SALARIES PROTEGES - CONDITIONS DE FOND DE L'AUTORISATION OU DU REFUS D'AUTORISATION - LICENCIEMENT POUR MOTIF ECONOMIQUE - OBLIGATION DE RECLASSEMENT - Application en Nouvelle-Calédonie - Existence.


Références :

Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75
Ordonnance 85-1981 du 13 novembre 1985 art. 75


Publications
Proposition de citation : CE, 27 fév. 1998, n° 170504
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Groux
Rapporteur ?: Mme de Saint-Pulgent
Rapporteur public ?: M. Arrighi de Casanova

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1998:170504.19980227
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