Vu le recours sommaire et le mémoire complémentaire du ministre du budget, enregistrés les 5 septembre 1991 et 27 décembre 1991 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat ; le ministre demande au Conseil d'Etat d'annuler les articles 2 et 3 de l'arrêt du 4 juillet 1991 de la cour administrative d'appel de Nantes accordant à M. Jean X..., demeurant ..., la décharge du supplément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1981, à concurrence des droits et pénalités résultant de la taxation d'une plus-value immobilière de 79 365 F et réformant en ce sens le jugement du tribunal administratif de Rennes du 7 décembre 1988 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Fabre, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Pradon, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Loloum, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la ferme de "Ty-Meil" faisait partie de la communauté de biens ayant existé entre M. et Mme Gabriel X... jusqu'au décès de M. Gabriel X..., le 6 avril 1956 ; que, par acte du 3 novembre 1964, Mme Veuve X... a fait une donation-partage à ses quatre enfants, portant aussi bien sur les droits indivis qu'elle tenait du chef de la communauté conjugale ayant existé entre elle-même et son mari, incluant, ainsi qu'il a été dit, la ferme de "Ty-Meil", que sur les droits d'usufruit qu'elle détenait sur la succession de son époux ; que, par le même acte, l'un des enfants, M. Jean X..., s'est vu attribuer l'entière propriété de la ferme de Ty-Meil ; que l'intéressé ayant vendu cette ferme le 17 janvier 1981, l'administration, estimant qu'il devait être réputé avoir été propriétaire de ce bien, pour moitié depuis le décès de son père en 1956, et, pour l'autre moitié, depuis la donation-partage faite par sa mère en 1964, a imposé à son nom la plusvalue dégagée par la cession de la partie du bien acquise par donation-partage, dès lors que cette cession avait été faite moins de vingt ans après la donation ; que M. X... a contesté le supplément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti, au titre de l'année 1981, à raison de cette plus-value, en soutenant qu'il devait être regardé comme ayant acquis la propriété de la ferme de "Ty-Meil", dans sa totalité, dès le 6 avril 1956, et, par suite, bénéficier de l'exonération applicable, en vertu des dispositions en vigueur en 1981 de l'article 150 M du code général des impôts, aux plus-values issues de la cession d'immeubles autres que les terrains à bâtir, à compter de la vingtième année faisant suite à leur acquisition ; que, par l'arrêt attaqué, la cour administrative d'appel de Nantes a déchargé M. X... de l'imposition contestée ;
Considérant que, pour admettre que M. X... devait être regardé comme ayant acquis la totalité du bien vendu par lui en 1981 dès la date du 6 avril 1956, à laquelle, en raison du décès de son père, s'était créé, entre sa veuve et leurs quatre enfants, une indivision portant sur les biens ayant fait partie de la communauté conjugale, la cour administrative d'appel s'est fondée sur l'effet déclaratif qu'emportent, en vertu des articles 883 et 1476 du code civil, les partages de succession ou de communauté, pour juger qu'en l'espèce, le partage opéré par l'acte du 3 novembre 1964, en vertu duquel M. X... s'est vu attribuer l'entière propriété de la ferme de "Ty-Meil" lui avait conféré ce droit de propriété à compter de l'ouverture de la succession de son père, en 1956, alors même que cet acte avait eu pour objet, non seulement de clore cette succession, mais aussi de répartir, entre les enfants bénéficiaires, le contenu de la donation consentie par Mme Veuve X... ; qu'en tranchant de la sorte une question, déterminante pour la solution du litige, qui soulève une difficulté sérieuse sur laquelle il n'appartient qu'à l'autorité judiciaire de se prononcer, la cour administrative d'appel a méconnu les limites de sa compétence ; qu'il y a lieu, dès lors, d'annuler les articles 2 et 3, seuls contestés, de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application de l'article 11, deuxième alinéa, de la loi du 31 décembre 1987, de régler l'affaire au fond ;
Considérant, ainsi qu'il vient d'être dit, que la question de la date à laquelle M. X... doit être réputé avoir acquis la propriété de la ferme de "Ty-Meil", dépend du pointde savoir si, au cas où une veuve fait donation-partage à ses enfants tant des droits indivis qu'elle tient du chef de la communauté conjugale ayant existé entre elle et son mari décédé, que des droits indivis qu'elle détient sur la succession de cet époux, l'effet déclaratif du partage confère, dès la date d'ouverture de cette succession aux enfants bénéficiaires de la donation, la propriété, soit de la totalité des biens qui leur sont attribués, soit seulement de la part de ces biens correspondant aux droits indivis que l'épouse survivante détient sur la succession de son mari, à l'exclusion, par conséquent, de la part correspondant aux droits indivis qu'elle tient du chef de la communauté conjugale ; qu'il n'appartient qu'à l'autorité judiciaire de trancher cette question ; que, par suite, et eu égard au caractère sérieux de la contestation soulevée, il y a lieu, pour le Conseil d'Etat, de surseoir à statuer sur les conclusions, conservant un objet, de la requête d'appel de M. X... jusqu'à ce que la juridiction compétente se soit prononcée sur cette question préjudicielle ;
Article 1er : Les articles 2 et 3 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 4 juillet 1991 sont annulés.
Article 2 : Il est sursis à statuer sur les conclusions, conservant un objet, de la requête de M. X... qui tendent à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Rennes du 7 décembre 1988, en tant que celui-ci a rejeté sa demande en décharge de l'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti, au titre de l'année 1981, à concurrence des droits et pénalités résultant de la taxation d'une plus-value immobilière de 79 365 F, jusqu'à ce que l'autorité judiciaire se soit prononcée sur la question préjudicielle énoncée dans les motifs de la présente décision. M. X... devra justifier, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, de sa diligence à saisir de cette question la juridiction compétente.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et à M. Jean X....