Vu la requête, enregistrée le 11 août 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Carl X..., ancien conseiller de la délégation des Etats-Unis auprès de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), demeurant ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 24 avril 1986 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande en décharge de l'impôt sur le revenu et des majorations exceptionnelles de cet impôt, auxquels il a été assujetti au titre, respectivement, des années 1973 à 1977 et des années 1973 à 1975 ;
2°) de le décharger de ces impositions ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu la convention relative à l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) du 14 décembre 1960 et son protocole additionnel n° 2 ;
Vu la convention de coopération économique européenne du 16 avril 1948 etson protocole additionnel n° 1 ;
Vu la convention de Vienne sur les relations diplomatiques du 18 avril 1961 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Hourdin, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Loloum, Commissaire du gouvernement ;
Sur l'étendue du litige :
Considérant que, par des décisions des 8 et 18 décembre 1987, postérieures à l'introduction du pourvoi, le directeur des services fiscaux du Val-d'Oise a prononcé le dégrèvement, à concurrence d'une somme totale de 246 020 F, des suppléments d'impôt sur le revenu et des majorations exceptionnelles de cet impôt, auxquels M. X... a été assujetti au titre, respectivement, des années 1973, 1974, 1975, 1976 et 1977 et des années 1973 et 1975 ; que, dans cette mesure, les conclusions de la requête de M. X... sont devenues sans objet ;
Au fond et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article 19 de la convention relative à l'Organisation de Coopération et de Développement Economique (OCDE) du 14 décembre 1960 : "La capacité juridique de l'organisation et les privilèges, exemptions et immunités de l'organisation, de ses fonctionnaires et des représentants des membres auprès d'elle, sont définis dans le protocole additionnel n° 2 à la présente convention" ; que ce protocole additionnel stipule en son a) que, "sur le territoire des parties contractantes à la Convention de Coopération Economique Européenne du 16 avril 1948", l'OCDE, ses fonctionnaires et les représentants de ses membres auprès d'elle "jouissent des privilèges, exemptions et immunités prévus dans le protocole additionnel n° 1 à cette convention" ; que, selon l'article 9 de ce dernier protocole : "Les représentants des membres auprès des organes principaux et subsidiaires de l'Organisation jouissent, durant l'exercice de leurs fonctions ... des privilèges, immunités et facilités dont jouissent les agents diplomatiques de rang comparable" ; que l'article 12 du même protocole précise : "Au sens du présent titre, le terme "représentants" est considéré comme comprenant tous les délégués, suppléants, conseillers, experts techniques et secrétaires de délégation" ; qu'en vertu de l'article 34 de la convention de Vienne sur les relations diplomatiques du 18 avril 1961, les agents diplomatiques sont exemptés d'impôts et taxes sur les revenus qui n'ont pas leur source dans l'Etat accréditaire ; qu'aux termes, toutefois, de l'article 38, 1, de la même convention : "A moins que des privilèges et immunités supplémentaires n'aient été accordés par l'Etat accréditaire, l'agent diplomatique qui a la nationalité de l'Etat accréditaire ou y a sa résidence permanente ne bénéficie de l'immunité de juridiction et de l'inviolabilité que pour les actes officiels accomplis dans l'exercice de ses fonctions" ; qu'il résulte de cette stipulation, qu'aux termes de la déclaration contenue dans l'instrument de ratification par la France de la conventionde Vienne, le gouvernement de la République Française a indiqué interpréter "comme n'accordant à l'agent diplomatique qui a la nationalité de l'Etat accréditaire ou y a sa résidence permanente qu'une immunité de juridiction et une inviolabilité, toutes deux limitées aux actes officiels accomplis par cet agent diplomatique dans l'exercice de ses fonctions", que seuls les agents diplomatiques qui ne sont pas des ressortissants de l'Etat accréditaire ou n'y ont pas leur résidence permanente, bénéficient de l'exonération d'impôts et taxes sur les revenus prévue par l'article 34 de la convention ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, d'une part, que M. X..., ressortissant britannique, a fait partie, à compter du 30 septembre 1961, de la délégation des Etats-Unis auprès de l'OCDE et y a exercé ensuite, sans discontinuité, notamment au cours des années 1973 à 1977, des fonctions de conseiller scientifique lui conférant, en cette qualité, un rang comparable à celui d'un agent diplomatique, d'autre part, que l'intéressé ne peut être regardé comme ayant eu sa résidence permanente en France avant le 30 septembre 1961 ; qu'il est, par suite, fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté les conclusions, gardant un objet, de sa demande en décharge de l'impôt sur le revenu et des majorations exceptionnelles de cet impôt, auxquels, en méconnaissance des stipulations combinées des conventions internationales précitées, il a été assujetti au titre, respectivement, des années 1973 à 1977 et des années 1973 et 1975 ;
Article 1er : A concurrence de la somme de 246 020 F dont il a été dégrevé par les décisions des 8 et 18 décembre 1987 du directeur des services fiscaux du Val-d'Oise, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. X....
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Versailles du 24 avril 1986 est annulé, en tant qu'il rejette les conclusions ayant gardé un objet de la demande de M. X... tendant à la décharge de l'impôt sur le revenu et des majorations exceptionnelles de cet impôt auxquels il a été assujetti au titre, respectivement, des années 1973 à 1977 et des années 1973 et 1975.
Article 3 : M. X... est déchargé de la fraction non dégrevée des impositions mentionnées à l'article 2 ci-dessus.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Carl X... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.