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06/04/1998 | FRANCE | N°170505

France | France, Conseil d'État, 8 ss, 06 avril 1998, 170505


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 23 juin 1995 et 19 octobre 1995, présentés pour la SOCIETE REPROGRAPHIE MODERNE J. BESSIERE, dont le siège social est ..., représentée par son président en exercice ; la SOCIETE REPROGRAPHIE MODERNE J. BESSIERE demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement en date du 4 avril 1995 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé, à la demande de Mme Marie-Jeanne X..., la décision en date du 11 mai 1992 par laquelle l'inspecteur du travail de H

aute-Garonne a autorisé son licenciement ;
2°) rejette la demand...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 23 juin 1995 et 19 octobre 1995, présentés pour la SOCIETE REPROGRAPHIE MODERNE J. BESSIERE, dont le siège social est ..., représentée par son président en exercice ; la SOCIETE REPROGRAPHIE MODERNE J. BESSIERE demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement en date du 4 avril 1995 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé, à la demande de Mme Marie-Jeanne X..., la décision en date du 11 mai 1992 par laquelle l'inspecteur du travail de Haute-Garonne a autorisé son licenciement ;
2°) rejette la demande présentée par Mme Marie-Jeanne X... devant le tribunal administratif ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi n° 95-884 du 3 août 1995 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme de Saint-Pulgent, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Ancel, Couturier-Heller , avocat de la SOCIETE REPROGRAPHIE MODERNE J. BESSIERE et de la SCP Ghestin, avocat de Mme MarieJeanne X...,
- les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 436-1 du code du travail : "Tout licenciement envisagé par l'employeur d'un membre titulaire ou suppléant du comité d'entreprise ... est obligatoirement soumis au comité d'entreprise qui donne un avis sur le projet de licenciement. Le licenciement ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement" ; qu'en vertu de ces dispositions, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit être en rapport ni avec les fonctions représentatives normalement exercées, ni avec l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;
Considérant que pour annuler la décision en date du 11 mai 1992 par laquelle l'inspecteur du travail de Haute-Garonne a, sur demande de la SOCIETE REPROGRAPHIE MODERNE J. BESSIERE, autorisé le licenciement pour faute de Mme Marie-Jeanne X..., ancien membre suppléant du comité d'entreprise, et bénéficiant encore de la protection légale, le tribunal administratif de Toulouse s'est fondé sur ce que ladite autorisation était motivée non seulement par le grief invoqué par l'employeur dans sa demande, tiré du caractère conflictuel des relations de l'intéressée avec ses collègues de travail, mais également par l'existence de mises en garde antérieures relatives au non respect par Mme X... de ses horaires de travail, dont la société n'avait pas fait état lors de la procédure de licenciement ; qu'il a en outre estimé qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier que l'inspecteur du travail aurait pris la même décision s'il n'avait retenu que le seul motif invoqué par l'employeur ;
Considérant toutefois qu'il ressort des termes mêmes de l'autorisation attaquée que l'inspecteur du travail ne s'est référé aux mises en garde adressées à Mme X..., dont il a souligné l'antériorité par rapport à la date à laquelle l'intéressée avait été investie de fonctions représentatives, que pour exercer, comme il y est tenu, le contrôle de l'absence de lien de la demande de licenciement avec le mandat de la salariée ; que pour apprécier l'existence d'une faute d'une gravité suffisante pour justifier ce licenciement, il ne s'est fondé que sur le grief invoqué par l'employeur dans sa demande ; qu'ainsi c'est à tort que le tribunal administratif aannulé pour ce motif l'autorisation attaquée ;
Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme Marie-Jeanne X... tant devant le tribunal administratif de Toulouse que devant le Conseil d'Etat ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que contrairement à ce qu'elle soutient, Mme X... a été informée par son employeur des motifs de son licenciement, au cours de l'entretien préalable prévu par l'article L. 122-14 du code du travail, en temps utile pour préparer son audition devant le comité d'entreprise, au cours de laquelle ces motifs lui ont été à nouveau exposés ; qu'avant de prendre la décision d'autorisation attaquée, l'inspecteur du travail a procédé à l'enquête contradictoire prévue par l'article R. 436-4 du même code ; qu'il n'était pas tenu de donner à Mme X... connaissance des témoignages recueillis au cours de cette enquête ; que les faits reprochés à l'intéressée, qui faisait circuler dans l'entreprise des informations relatives à la vie privée de certaines de ses collègues, proférait des injures à leur endroit et avait des gestes déplacés à leur égard, adoptant ainsi un comportement de nature à entretenir un climat de tension incompatible avec le bon fonctionnement de l'entreprise, sont suffisamment établis et constitutifs d'une faute de nature à justifier son licenciement ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE REPROGRAPHIE MODERNE J. BESSIERE est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision de l'inspecteur du travail de Haute-Garonne autorisant le licenciement de Mme Marie-Jeanne X... ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 4 avril 1995 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme Marie-Jeanne X... devant le tribunal administratif de Toulouse est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE REPROGRAPHIE MODERNE J. BESSIERE, à Mme Marie-Jeanne X... et au ministre de l'emploi et de la solidarité.


Synthèse
Formation : 8 ss
Numéro d'arrêt : 170505
Date de la décision : 06/04/1998
Type d'affaire : Administrative

Analyses

66-07-01 TRAVAIL ET EMPLOI - LICENCIEMENTS - AUTORISATION ADMINISTRATIVE - SALARIES PROTEGES.


Références :

Code du travail L436-1, L122-14, R436-4


Publications
Proposition de citation : CE, 06 avr. 1998, n° 170505
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme de Saint-Pulgent
Rapporteur public ?: M. Bachelier

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1998:170505.19980406
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