Vu la requête enregistrée le 30 novembre 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Mohammed Y... domicilié au centre de détention, route de Sézanne, Villenauxe-la-Grande (10370) ; M. Y... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement en date du 11 octobre 1994 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir d'une part, des arrêtés du 8 juin 1993 et 14 décembre 1993 par lesquels respectivement le ministre de l'intérieur et le préfet de la Côte d'Or ont abrogé leurs arrêtés des 29 mai 1990 et 27 juin 1990 l'assignant à résidence, d'autre part de l'arrêté du 14 décembre 1993 par lequel le préfet de la Côte d'Or a fixé le pays de destination de son expulsion ;
2°) d'annuler ces décisions pour excès de pouvoir ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Bordry, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Blondel, avocat de M. Mohammed Y...,
- les conclusions de M. Abraham, Commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions dirigées contre les arrêtés portant abrogation de l'assignation à résidence de M. Y... :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 153-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel susvisé : "Sauf dans les cas mentionnés au premier alinéa de l'article L. 9 et à l'article R. 149, lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement en informe les parties avant la séance de jugement ..." ;
Considérant qu'il est constant que le président du tribunal administratif de Dijon n'a pas communiqué aux parties le moyen d'irrecevabilité qui a été soulevé d'office par le tribunal administratif ; qu'il suit de là que M. Y... est fondé à soutenir que c'est sur une procédure irrégulière que le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir des arrêtés du 8 juin et du 14 décembre 1993 par lesquels le ministre de l'intérieur et le préfet de la Côte d'Or ont abrogé leurs arrêtés des 29 mai et 27 juin 1990 l'assignant à résidence ; qu'ainsi le jugement du tribunal administratif de Dijon en date du 11 octobre 1994 doit être annulé dans cette mesure ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. Y... devant le tribunal administratif de Dijon ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Y..., ressortissant marocain, a fait l'objet d'une décision du ministre de l'intérieur du 29 mai 1990 l'expulsant du territoire français, et qu'il a été, en vertu d'une décision ministérielle du même jour, assigné à résidence dans des lieux fixés par arrêté du préfet de la Côte d'Or ; que pour justifier l'abrogation de sa décision d'assignation à résidence par un arrêté du 8 juin 1993, le ministre a relevé que M. Y... avait commis, depuis 1990, une nouvelle série de faits délictueux de nature à établir que sa présence sur le territoire français constituait toujours une menace pour l'ordre public ; que, ce faisant, il s'est livré à une nouvelle appréciation du comportement de l'intéressé et a pris une mesure modifiant la situation de M. Y... résultant de l'arrêté d'expulsion du 29 mai 1990 ; que l'intéressé est recevable à déférer cette mesure modificative au juge administratif, ainsi que l'arrêté préfectoral du 14 décembre 1993 abrogeant en conséquence la précédente décision de la même autorité fixant les lieux de l'assignation à résidence ;
Mais considérant que les décisions attaquées comportent l'indication des motifs de fait et de droit qui les fondent ; que ces motifs ne sont pas entachés d'erreur de droit ; qu'enfin, ces décisions ne portent pas à la vie familiale de M. Y..., qui était à la date de leur intervention majeur, célibataire et sans enfant, une atteinte disproportionnée aux buts de protection de l'ordre public en vue desquels elles ont été prises ; qu'ainsi, le moyen tiré de laviolation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ; qu'il suit de là que M. Y... n'est pas fondé à demander l'annulation des décisions susanalysées ;
Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté du préfet de la Côte d'Or fixant le pays de destination de l'intéressé :
Considérant que l'annulation de cet arrêté, en date du 14 décembre 1993, est seulement demandée par voie de conséquence de l'annulation des décisions précédentes ; qu'il résulte de ce qui précède que ces conclusions doivent être rejetées ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Dijon en date du 11 octobre 1994 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de la demande de M. Y... dirigées contre les décisions du ministre de l'intérieur du 8 juin 1993 et du préfet de la Côtre d'Or du 14 décembre 1993 abrogeant les précédentes mesures d'assignation à résidence prises à l'égard de M. Y....
Article 2 : La demande présentée contre ces décisions par M. Y... devant le tribunal administratif de Dijon et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Mohammed X... et au ministre de l'intérieur.