Vu la requête, enregistrée le 22 juillet 1996 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Amewofofo X... demeurant ... ; M. X... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 8 février 1996 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er février 1996 par lequel le préfet du Val d'Oise a décidé sa reconduite à la frontière ;
2°) annule pour excès de pouvoir ledit arrêté ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Mitjavile, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Delaporte, Briard, avocat de M. Amewofofo X...,
- les conclusions de M. Girardot, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article 22-I de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ... 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire français au delà d'un délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ..." ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et qu'il n'est pas contesté, que M. X... s'est vu notifier le 16 novembre 1995 la décision du 13 novembre 1995 par laquelle le préfet du Val d'Oise a rejeté sa demande de titre de séjour et l'a invité à quitter le territoire ; que M. X... s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification de ladite décision et était ainsi dans le cas visé au 3° de l'article 22-I de l'ordonnance du 2 novembre 1945 où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant, toutefois, qu'il n'est pas contesté que M. X..., entré en France à l'âge de onze ans, réside depuis cette date sur le territoire ainsi que l'ensemble de sa famille ; qu'en prenant l'arrêté attaqué décidant la reconduite à la frontière de M. X..., le préfet du Val d'Oise a, eu égard notamment à la durée du séjour de l'intéressé en France, porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale, par rapport au but en vue duquel ledit arrêté a été pris et a ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales susvisée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ;
Article 1er : Le jugement du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Versailles en date du 8 février 1996 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet du Val d'Oise en date du 1er février 1996 est annulé.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Amewofofo X..., au préfet du Val d'Oise et au ministre de l'intérieur.