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29/07/1998 | FRANCE | N°169171

France | France, Conseil d'État, 6 / 2 ssr, 29 juillet 1998, 169171


Vu la requête, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 5 mai 1995, présentée pour M. Lionel X..., demeurant 74, avenue du Pont Juvenel à Montpellier (34000) ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le garde des sceaux, ministre de la justice sur sa demande tendant à la réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité, d'une part, de la décision du 11 février 1992 subordonnant son admission dans la magistrature à un stage et, d'autre part, de la décision du 8 décembre 1

992, rejetant, au vu des résultats de ce stage, sa demande d'intégrati...

Vu la requête, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 5 mai 1995, présentée pour M. Lionel X..., demeurant 74, avenue du Pont Juvenel à Montpellier (34000) ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le garde des sceaux, ministre de la justice sur sa demande tendant à la réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité, d'une part, de la décision du 11 février 1992 subordonnant son admission dans la magistrature à un stage et, d'autre part, de la décision du 8 décembre 1992, rejetant, au vu des résultats de ce stage, sa demande d'intégration directe dans la magistrature ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 234 238,90F assortie des intérêts légaux à compter de sa réclamation ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n° 58-270 du 22 décembre 1958 modifiée ;
Vu le décret n° 65-29 du 11 janvier 1965 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Benassayag, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Masse-Dessen, Georges, Thouvenin, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Lamy, Commissaire du gouvernement ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par le garde des sceaux, ministre de la justice :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret susvisé du 11 janvier 1965 : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction administrative ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée./ Le silence gardé pendant plus de quatre mois sur une réclamation par l'autorité compétente vaut décision de rejet./ Les intéressés disposent, pour se pourvoir contre cette décision implicite, d'un délai de deux mois à compter du jour de l'expiration de la période de quatre mois susmentionnée. Néanmoins, lorsqu'une décision explicite de rejet intervient dans ce délai de deux mois, elle fait à nouveau courir le délai du pourvoi./ Toutefois l'intéressé n'est forclos qu'après un délai de deux mois à compter du jour de la notification d'une décision expresse de rejet : 1°) En matière de plein contentieux ( ...)" ; qu'il résulte de l'instruction que le garde des sceaux, ministre de la justice n'a pas répondu à la demande, qui lui a été adressée le 2 mars 1994, par laquelle M. X... lui a demandé de réparer le préjudice qu'il a subi du fait de l'illégalité des décisions des 11 février 1992 et 8 décembre 1992 lui ayant, d'une part, imposé l'accomplissement d'un stage et lui ayant, d'autre part, refusé, au vu des résultats de ce stage, son intégration dans la magistrature ; qu'aucune décision explicite de rejet de sa réclamation n'ayant été notifiée au requérant, le garde des sceaux, ministre de la justice, n'est pas fondé à soutenir que la requête de M. X..., enregistrée le 5 mai 1995, serait tardive et donc irrecevable ;
Au fond :
Considérant qu'en vertu des articles 29 et 30 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature dans sa rédaction applicable à la date des décisions attaquées, les fonctionnaires et agents publics titulaires justifiant d'au moins huit années de service ont, s'ils sont licenciés en droit et remplissent les autres conditions requises des candidats à l'auditorat par l'article 16, la possibilité d'être nommés directement aux fonctions des premier et second grades de la hiérarchie judiciaire lorsque leur compétence et leur activité dans le domaine économique et social les qualifient pour des fonctions judiciaires ; que les nominations effectuées en application de ces dispositions ne peuvent intervenir que sur avis conforme de la commission d'avancement instituée par l'article 34 de la même ordonnance ;
Considérant que la commission ne pouvait légalement, en l'absence de texte en vigueur à la date de présentation de la demande de M. X... prévoyant cette procédure, subordonner sa décision à l'accomplissement d'un stage préalable ; que tant la décision du 11 février 1992 imposant un tel stage à M. X... que la décision du 8 décembre 1992 rejetant, au vu des résultats du stage accompli par l'intéressé, sa demande d'intégration directe dans la magistrature, sont entachées d'illégalité ; que les illégalités ainsi commises sont de natureà engager la responsabilité de l'Etat ;

Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction et n'est d'ailleurs pas contesté par l'administration dans sa défense, que le requérant a exposé, pour effectuer le stage illégalement prescrit par la commission, des frais de déplacement et d'hébergement pour un montant de 29 697, 30 F ;
Considérant, d'autre part, qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'accomplissement de ce stage du 15 avril au 30 novembre 1992 ait privé M. X... d'une chance sérieuse de promotion dans son corps d'origine ;
Considérant, enfin, que le préjudice moral et le trouble dans les conditions d'existence, allégués par le requérant, peuvent, dans les circonstances de l'espèce, être estimés à 10 000 F ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il sera fait une exacte appréciation des préjudices subis par M. X... en condamnant l'Etat à lui verser une indemnité de 39 697,30 F ;
Considérant que M. X... a droit aux intérêts au taux légal afférents à l'indemnité de 39 697, 30 F à compter du 2 mars 1994, date de la réception de sa demande par le ministre de la justice ;
Article 1er : La décision implicite de rejet par le garde des sceaux, ministre de la justice de la réclamation de M. X... est annulée.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. X... la somme de 39 697, 30 F. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 2 mars 1994.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Lionel X... et au garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Formation : 6 / 2 ssr
Numéro d'arrêt : 169171
Date de la décision : 29/07/1998
Type d'affaire : Administrative

Analyses

37-04-02 JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES ET JUDICIAIRES - MAGISTRATS ET AUXILIAIRES DE LA JUSTICE - MAGISTRATS DE L'ORDRE JUDICIAIRE.


Références :

Décret 65-29 du 11 janvier 1965 art. 1
Ordonnance 58-270 du 22 décembre 1958 art. 29, art. 30, art. 16


Publications
Proposition de citation : CE, 29 jui. 1998, n° 169171
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Benassayag
Rapporteur public ?: M. Lamy

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1998:169171.19980729
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