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16/10/1998 | FRANCE | N°183780

France | France, Conseil d'État, 5 / 3 ssr, 16 octobre 1998, 183780


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 novembre 1996 et 21 mars 1997 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE NRJ, dont le siège est ... (75023), représentée par ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège ; la SOCIETE NRJ demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel a refusé de lui communiquer la teneur de l'avis qu'il a donné sur l'accord conclu entre la Compagnie luxembourgeoise de téléd

iffusion (CLT) et le groupe Bertelsmann et, en particulier, sa filiale té...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 novembre 1996 et 21 mars 1997 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE NRJ, dont le siège est ... (75023), représentée par ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège ; la SOCIETE NRJ demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel a refusé de lui communiquer la teneur de l'avis qu'il a donné sur l'accord conclu entre la Compagnie luxembourgeoise de télédiffusion (CLT) et le groupe Bertelsmann et, en particulier, sa filiale télévisuelle, la société U.F.A. ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'absence éventuelle de décision prise par le Conseil supérieur de l'audiovisuel quant à l'accord conclu entre le groupe Bertelsmann et la Compagnie luxembourgeoise de télédiffusion ;
3°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel a donné son accord au projet qui lui a été soumis par le groupe Bertelsmann et la Compagnie luxembourgeoise de télédiffusion ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le traité de Rome du 25 mars 1957 instituant la communauté européenne ;
Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Thiellay, Auditeur,
- les observations de la SCP Rouvière, Boutet, avocat de la SOCIETE NRJ et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la Compagnie luxembourgeoise de télédiffusion,
- les conclusions de M. Chauvaux, Commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions de la SOCIETE NRJ dirigées contre la décision implicite par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel a rejeté sa demande tendant à obtenir communication de la décision relative à l'accord passé entre la Compagnie luxembourgeoise de télédiffusion et le groupe Bertelsmann :
Considérant que la SOCIETE NRJ, par une lettre datée du 22 mai 1996, a demandé au Conseil supérieur de l'audiovisuel de lui communiquer sa décision relative à l'accord passé entre la Compagnie luxembourgeoise de télédiffusion et le groupe Bertelsmann ; qu'il ressort des pièces du dossier que cette décision n'a été prise en réunion plénière du conseil que le 3 décembre 1996 ; qu'il suit de là que les conclusions de la requérante dirigées contre la décision implicite de rejet née du silence observé pendant quatre mois par le conseil sur la demande susmentionnée ne peuvent qu'être rejetées, dès lors que ce refus était fondé sur une impossibilité matérielle ;
Sur les conclusions de la SOCIETE NRJ dirigées contre la décision implicite par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel se serait abstenu de se prononcer sur l'accord passé entre la Compagnie luxembourgeoise de télédiffusion et le groupe Bertelsmann :
Considérant qu'ainsi qu'il a été précisé ci-dessus, le Conseil supérieur de l'audiovisuel, par une décision intervenue le 3 décembre 1996, postérieurement à l'introduction du pourvoi, s'est prononcé explicitement sur l'accord passé entre la Compagnie luxembourgeoise de télédiffusion et le groupe Bertelsmann ; que, par suite, les conclusions susanalysées sont, en tout état de cause, devenues sans objet ;
Sur les conclusions de la SOCIETE NRJ dirigées contre la décision du 3 décembre 1996 du Conseil supérieur de l'audiovisuel :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par le Conseil supérieur de l'audiovisuel :
Sur la légalité externe :
Considérant que l'absence de publication au Journal officiel de la décision du Conseil supérieur de l'audiovisuel du 3 décembre 1996 donnant son agrément à l'accord entre la Compagnie luxembourgeoise de télédiffusion et la société UFA du groupe Bertelsmann est, en tout état de cause, sans influence sur sa légalité ;
Sur la légalité interne :
Considérant que, par la décision attaquée, le Conseil supérieur de l'audiovisuel a donné son agrément aux accords passés entre la société de droit luxembourgeois Audiofina, actionnaire principal de la Compagnie luxembourgeoise de télédiffusion (CLT), et la société de droit allemand "U.F.A.", filiale du groupe Bertelsmann, en vue d'aménager une participation paritaire dans le capital d'une nouvelle société intitulée "CLT-UFA" ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 40 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée : "Sous réserve des engagements internationaux souscrits par la France, aucune personne de nationalité étrangère ne peut procéder à une acquisition ayant pour effet de porter, directement ou indirectement, la part du capital détenue par des étrangers à plus de 20 % du capital social ou des droits de vote dans les assemblées générales d'une société titulaire d'une autorisation relative à un service de radiodiffusion sonore ou de télévision par voie hertzienne terrestre assuré en langue française. Est considérée comme de nationalité étrangère, pour l'application du présent article, toute personne physique de nationalité étrangère, toute société dont la majorité du capital social n'est pas détenue, directement ou indirectement, par des personnes physiques ou morales de nationalité française et toute association dont les dirigeants sont de nationalité étrangère" ;
Considérant que ces dispositions, qui réservent les engagements internationaux souscrits par la France, au titre desquels figure le traité de Rome du 25 mars 1957, ne sauraient être opposées à des sociétés qui, comme la Compagnie luxembourgeoise de télédiffusion et la société "U.F.A.", sont soumises au régime juridique d'Etats membres de la communauté économique européenne et n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 40 susmentionné ; que la société requérante ne saurait, par suite, invoquer la violation de cet article ;
Considérant, en deuxième lieu, que si, aux termes de l'article 42-3 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée : "L'autorisation peut être retirée, sans mise en demeure préalable, en cas de modification substantielle des données au vu desquelles l'autorisation avait été délivrée, notamment des changements intervenus dans la composition du capital social ou des organes de direction et dans les modalités de financement", ces dispositions ne comportent pas, dans le cas qu'elles visent, l'obligation pour le Conseil supérieur de l'audiovisuel de retirer l'autorisation ; qu'il appartient au conseil, dans le cadre des pouvoirs qu'il tient de la loi pour autoriser l'exploitation d'un service de radiodiffusion sonore, de rechercher si les modifications envisagées par la société titulaire de l'autorisation sont de nature à remettre en cause les choix opérés lors de la délivrance de cette autorisation ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'en estimant que la nouvelle répartition du capital des sociétés dont s'agit, alors même qu'elle s'accompagnait de la mise en place d'une nouvelle structure de direction dans la nouvelle société "CLT-UFA", n'était pas de nature, compte tenu notamment de l'absence de modification des opérateurs, du contenu et du format des programmes ainsi que des catégories et l'absence de changement des sociétés titulaires des autorisations, à justifier un retrait d'autorisation et un nouvel appel à candidatures, le Conseil supérieur de l'audiovisuel a pu sans erreur de droit et d'appréciation prendre la décision attaquée ;

Considérant, en troisième lieu, que si la SOCIETE NRJ soutient que la décision contestée méconnaît les dispositions de l'article 22 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée, relatives à l'autorisation et au contrôle par le Conseil supérieur de l'audiovisuel de l'usage des bandes de fréquences ou des fréquences attribuées à des usages de radiodiffusion sonore, il ressort des pièces du dossier que l'accord auquel le Conseil supérieur de l'audiovisuel a donné son agrément ne concerne ni l'utilisation des fréquences ni les décisions en autorisant l'usage, mais la structure du capital des sociétés intéressées ; que ce moyen doit, par suite, être écarté ;
Considérant, enfin, que le moyen tiré de la violation du principe d'égalité n'est pas assorti de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE NRJ n'est pas fondée à soutenir que la décision du 3 décembre 1996 du Conseil supérieur de l'audiovisuel est entachée d'excès de pouvoir ;
Sur les conclusions de la Compagnie luxembourgeoise de télédiffusion tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 et de condamner la SOCIETE NRJ à payer à la Compagnie luxembourgeoise de télédiffusion la somme de 20 000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de la SOCIETE NRJ est rejetée.
Article 2 : La SOCIETE NRJ versera à la Compagnie luxembourgeoise de télédiffusion la somme de 20 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE NRJ, au Conseil supérieur de l'audiovisuel, à la Compagnie luxembourgeoise de télédiffusion, au Premier ministre et au ministre de la culture et de la communication.


Synthèse
Formation : 5 / 3 ssr
Numéro d'arrêt : 183780
Date de la décision : 16/10/1998
Type d'affaire : Administrative

Analyses

56-04 RADIODIFFUSION SONORE ET TELEVISION - SERVICES PRIVES DE RADIODIFFUSION SONORE ET DE TELEVISION -Modifications de nature à remettre en cause les choix opérés lors de la délivrance d'une autorisation - Absence - Rapprochement entre la CLT et le groupe Bertelsmann.

56-04 En estimant que la nouvelle répartition du capital de la Compagnie luxembourgeoise de télédiffusion et de la société de droit allemand "U.F.A.", filiale du groupe Bertelsmann, alors même qu'elle s'accompagnait de la mise en place d'une nouvelle structure de direction dans la nouvelle société résultant du rapprochement, n'était pas de nature, compte tenu notamment de l'absence de modification des opérateurs, du contenu et du format des programmes ainsi que des catégories et de l'absence de changement des sociétés titulaires des autorisations, à justifier un retrait d'autorisation et un nouvel appel à candidatures, le Conseil supérieur de l'audiovisuel a pu sans erreur de droit et d'appréciation donner son agrément aux accords passés entre la société Audiofina, actionnaire principal de la CLT, et la société UFA, en vue d'aménager une participation paritaire dans le capital de la nouvelle société CLT- UFA.


Références :

Loi 86-1067 du 30 septembre 1986 art. 40, art. 42-3, art. 22
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75


Publications
Proposition de citation : CE, 16 oct. 1998, n° 183780
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Aubin
Rapporteur ?: M. Thiellay
Rapporteur public ?: M. Chauvaux

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1998:183780.19981016
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