Vu la requête enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 7 mai 1998, présentée par M. Abderrahim X..., demeurant ... ; M. X... demande au président de la Section du Contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 24 avril 1998 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 21 avril 1998 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme a décidé la reconduite à la frontière de M. X... et a fixé le Maroc comme pays de destination de celle-ci ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir ces décisions ;
3°) de prononcer le sursis à exécution de ces décisions ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 10 000 F au titre des frais irrépétibles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée, notamment par la loi du 2 août 1989, la loi du 10 janvier 1990, la loi du 26 février 1992 et la loi du 24 août 1993 ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- les conclusions de Mme Roul, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 22-I de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police, peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants ... 1°) Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ..." ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X... est entré irrégulièrement en France, sans être titulaire du visa exigé pour les ressortissants marocains ; qu'il ne justifie pas être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; qu'il entre ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;
Considérant toutefois qu'il ressort des pièces du dossier que M. X..., de nationalité marocaine, entré en France pour y faire divers séjours depuis 1991 a vécu en concubinage avec une ressortissante française qu'il a épousée le 7 février 1998, à laquelle un taux d'invalidité compris entre 50 et 79 % a été reconnu par la COTOREP et dont l'état de santé très précaire est attesté par les pièces produites ; que dans les circonstances de l'espèce, eu égard notamment à l'intérêt de la présence en France de M. X... pour son épouse handicapée, la mesure de reconduite prise à l'encontre de M. X... porte au droit de celui-ci au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels a été décidée cette mesure ; qu'elle a ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Puy-de-Dôme du 21 avril 1998 ordonnant sa reconduite à la frontière ;
Sur les conclusions tendant à la condamnation de l'Etat au versement d'une somme s'élevant à 10 000 F en application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de condamner l'Etat à verser à M. X... une somme de 3 000 F au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand en date du 24 avril 1998 est annulé.
Article 2 : L'Etat (ministre de l'intérieur) est condamné à verser à M. X... une somme de 3 000 F.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au préfet du Puy-de-Dôme, à M. Abderrahim X... et au ministre de l'intérieur.