La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/12/1998 | FRANCE | N°195432

France | France, Conseil d'État, 2 / 6 ssr, 11 décembre 1998, 195432


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 1er avril 1998 et 29 juin 1998 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. John Richard X... ; M. X... demande au Conseil d'Etat d'annuler le décret du 10 octobre 1997 accordant son extradition aux autorités américaines ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention franco-américaine d'extradition du 6 janvier 1909 ;
Vu la loi du 10 mars 1927 ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la loi du 11 juillet 19

79 ;
Vu le code pénal ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 1er avril 1998 et 29 juin 1998 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. John Richard X... ; M. X... demande au Conseil d'Etat d'annuler le décret du 10 octobre 1997 accordant son extradition aux autorités américaines ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention franco-américaine d'extradition du 6 janvier 1909 ;
Vu la loi du 10 mars 1927 ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la loi du 11 juillet 1979 ;
Vu le code pénal ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Errera, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Capron, avocat de M. John Richard X...,
- les conclusions de M. Honorat, Commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité de la procédure d'extradition :
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 13 de la loi du 10 mars 1927 : "Les pièces produites à l'appui de la demande d'extradition sont en même temps transmises par le procureur de la République au procureur général. Dans les 24 heures de leur réception, le titre en vertu duquel l'arrestation aura eu lieu est notifié à l'étranger" ; qu'il est constant que cette formalité a été régulièrement accomplie en l'espèce ;
Considérant qu'aux termes des dispositions du cinquième alinéa de l'article 4 de la convention franco-américaine d'extradition du 6 janvier 1909 : "Dans les deux pays, la personne arrêtée provisoirement sera mise en liberté si, dans un délai de 40 jours à dater de l'arrestation en France ou du mandat de dépôt aux Etats-Unis, la demande régulière d'extradition, accompagnée des pièces prescrites à l'article précédent, n'a pas été présentée par l'agent diplomatique du pays requérant ou, en son absence, par un consul ou agent consulaire de ce pays" ; que la méconnaissance, à la supposer établie, de ces dispositions est sans effet sur la régularité du décret attaqué ;
Sur la légalité externe du décret attaqué :
Considérant que le décret attaqué en date du 10 octobre 1997 accordant l'extradition du requérant aux autorités américaines a été, conformément aux dispositions de la loi du 10 mars 1927, signé par le Premier ministre et contresigné par le garde des sceaux, ministre de la justice ; que la circonstance que l'ampliation de ce décret notifiée à M. X... ne comporte pas les signatures des auteurs du décret n'est pas de nature à entacher celui-ci d'irrégularité ;
Considérant que le décret attaqué vise la demande d'extradition des autorités américaines et les faits reprochés au requérant, à savoir le trafic de stupéfiants ; qu'il mentionne que ceux-ci sont punissables en droit français, ne sont pas prescrits, n'ont pas de caractère politique et ont été constatés de telle façon que les lois françaises justifieraient l'arrestation et la mise en jugement du requérant s'ils avaient été commis en France, et que l'extradition n'est pas demandée dans un but politique ; que, dans ces conditions, le décret attaqué est suffisamment motivé, conformément aux prescriptions de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 ;
Sur la légalité interne dudit décret :
Considérant qu'il n'appartient pas aux autorités françaises, lorsqu'elles se prononcent sur une demande d'extradition, de connaître de la réalité des charges pesant sur la personne réclamée, sauf erreur évidente, laquelle n'apparaît pas en l'espèce ;
Sur le moyen tiré de ce que tous les faits reprochés au requérant n'auraient pas été commis aux Etats-Unis :
Considérant que le moyen manque en fait ;
Sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 1er de la convention francoaméricaine d'extradition du 6 janvier 1909 :

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la convention franco-américaine d'extradition du 6 janvier 1909 complétée par la convention du 12 février 1970 : "Le gouvernement français et le gouvernement des Etats-Unis s'engagent à se livrer réciproquement les individus qui, poursuivis ou condamnés pour l'un des crimes ou délits spécifiés à l'article suivant, commis dans la juridiction de l'un des Etats contractants, auront cherché un asile ou seront trouvés sur le territoire de l'autre" ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que les faits reprochés à M. X... ont été, selon la demande d'extradition des autorités américaines, commis dans la juridiction des Etats-Unis ; que, dans ces conditions, la circonstance, à la supposer établie, qu'ils n'auraient pas été commis dans l'Etat de Floride, où a son siège le tribunal fédéral devant lequel les poursuites ont été intentées contre le requérant, est sans influence sur la légalité du décret attaqué ;
Sur le moyen selon lequel les charges réunies contre le requérant l'auraient été dans des conditions contraires à l'ordre public français :
Considérant que l'ordre d'arrestation décerné par un juge américain contre le requérant l'a été sur la base des accusations retenues contre lui par un grand jury ; que si M. X... allègue que ledit grand jury s'est prononcé sur la seule base des pièces présentées par le parquet, il aura toute liberté pour contester, devant la juridiction compétente, les charges retenues contre lui ; que, dans ces conditions, il n'est pas établi que celles-ci aient été recueillies dans des conditions contraires à l'ordre public français ;
Sur le moyen tiré de la violation du principe de la double incrimination :
Considérant que l'article 222-34 du code pénal français réprime le fait de diriger ou d'organiser un groupement ayant pour objet la production, la fabrication, l'importation, l'exportation, le transport, la détention, l'offre, la cession, l'acquisition ou l'emploi de stupéfiants ; que l'article 222-36 du même code réprime l'importation ou l'exportation illicite de stupéfiants commis en bande organisée ; que si le décret attaqué accorde l'extradition du requérant pour complot d'importer de la marijuana et complot de posséder, avec intention de la distribuer, il résulte de l'instruction que les incriminations prévues par le droit français et celles qui sont prévues par le droit américain sont similaires ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de la distinction existant en l'espèce entre les dispositions applicables du droit français et du droit américain est sans influence sur la légalité du décret attaqué ; que les différences existant entre le montant des peines encourues, aux Etats-Unis et en France, par les auteurs des infractions susmentionnées sont sans influence sur le principe de la double incrimination ;
Sur le moyen relatif aux conditions dans lesquelles le décret attaqué sera exécuté par les autorités américaines :

Considérant que le décret attaqué accorde l'extradition du requérant aux autorités américaines à l'exclusion des actes de blanchiment antérieurs à l'entrée en vigueur de la loi du 31 décembre 1987 ainsi que les faits commis avant le 1er janvier 1985 et poursuivis avec les qualifications de complot d'importer de la marijuana et complot de posséder ledit produit avec intention de la distribuer ; que les conditions dans lesquelles ce décret sera exécuté par les autorités américaines sont sans influence sur sa légalité ;
Sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
Considérant qu'aux termes de l'article 6-1 de ladite convention : "Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera ... du bienfondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle" ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. X... ne bénéficierait pas, aux Etats-Unis, d'un procès équitable ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à demander l'annulation du décret attaqué accordant son extradition aux autorités américaines ;
Article 1er : La requête de M. X... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. John Richard X... et au garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Formation : 2 / 6 ssr
Numéro d'arrêt : 195432
Date de la décision : 11/12/1998
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-04 ETRANGERS - EXTRADITION.


Références :

Code pénal 222-34, 222-36
Convention du 06 janvier 1909 France Etats-Unis d'Amérique art.1, art. 4
Convention du 12 février 1970 France Etats-Unis d'Amérique
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 6
Loi du 10 mars 1927 art. 13
Loi 79-587 du 11 juillet 1979 art. 3
Loi 87-1127 du 31 décembre 1987


Publications
Proposition de citation : CE, 11 déc. 1998, n° 195432
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Errera
Rapporteur public ?: M. Honorat

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1998:195432.19981211
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award