Vu la requête, enregistrée le 29 juillet 1998 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Mohammed X..., demeurant chez M. Miloud X..., rue Guillaume Briconnet, à Meaux (77000) ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 22 juin 1998 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 9 juin 1998 par lequel le préfet de la Seine-et-Marne a ordonné sa reconduite à la frontière ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cette décision ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser 5 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée, notamment par leslois du 2 août 1989, 10 janvier 1990, 24 août 1993 et 24 avril 1997 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Casas, Auditeur,
- les conclusions de Mme Bergeal, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 22-I de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ... 3°) Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait" ; que M. X..., après avoir reçu notification le 2 décembre 1997, de la décision du préfet de la Seine-et-Marne lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire, se trouvait à la date du 9 juin 1998, dans la situation où en application des dispositions susvisées, le préfet pouvait ordonner sa reconduite à la frontière ;
Sur la légalité de la décision attaquée et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X..., qui était demeuré au Maroc auprès de sa grand-mère a, après le décès de celle-ci, rejoint ses parents et ses trois frères, établis régulièrement en France et actuellement titulaires d'une carte de résident ; que, dans les circonstances de l'espèce, eu égard notamment à l'absence d'attaches effectives conservées dans son pays d'origine, la mesure de reconduite prise à l'encontre de M. X... porte au droit de celui-ci au respect de sa vie familiale, alors même qu'il avait dépassé l'âge de 18 ans à son entrée en France, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels a été décidée cette mesure ; que, par suite, M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu, par suite, d'annuler ce jugement et l'arrêté attaqué ;
Sur l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de condamner l'Etat à verser à M. X... la somme de 5 000 F qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement en date du 22 juin 1998 du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Melun et l'arrêté du préfet de la Seine-et-Marne en date du 9 juin 1998 sont annulés.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. X... la somme de 5 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Mohammed X..., au préfet de la Seine-et-Marne et au ministre de l'intérieur.