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12/03/1999 | FRANCE | N°180452

France | France, Conseil d'État, 7 / 10 ssr, 12 mars 1999, 180452


Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 11 juin 1996, présentée par Mme Sylvie X...
Y..., demeurant ... ; Mme GARREC-LE Y... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule pour excès de pouvoir la décision du 1er décembre 1995 par laquelle le chef d'état-major du commandement du contingent français de la FORPAINU à Zagreb lui a infligé une punition de huit jours d'arrêt avec sursis ;
2°) annule pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet résultant du silence gardé pendant plus de quatre mois par le ministre de la défen

se sur le recours hiérarchique dont elle l'a saisi à l'encontre de la décisi...

Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 11 juin 1996, présentée par Mme Sylvie X...
Y..., demeurant ... ; Mme GARREC-LE Y... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule pour excès de pouvoir la décision du 1er décembre 1995 par laquelle le chef d'état-major du commandement du contingent français de la FORPAINU à Zagreb lui a infligé une punition de huit jours d'arrêt avec sursis ;
2°) annule pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet résultant du silence gardé pendant plus de quatre mois par le ministre de la défense sur le recours hiérarchique dont elle l'a saisi à l'encontre de la décision de punition du 1er décembre 1995 ; 3°) annule pour excès de pouvoir la décision du 1er décembre 1995 par laquelle le chef d'état-major du commandement du contingent français de la FORPAINU à Zagreb a décidé son rapatriement ;
4°) annule pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet résultant du silence gardé pendant plus de quatre mois par le ministre de la défense sur le recours hiérarchique dont elle l'a saisi à l'encontre de la décision de rapatriement du 1er décembre 1995 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le nouveau code de procédure civile ;
Vu la loi du 29 juillet 1881 ;
Vu la loi du 22 avril 1905 ;
Vu la loi n° 72-662 du 13 juillet 1972 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Rapone, Maître des Requêtes,
- les conclusions de Mme Bergeal, Commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la punition disciplinaire et de la décision implicite de rejet du recours hiérarchique formé contre ladite punition :
Considérant qu'aux termes de l'article 35 du décret susvisé du 28 juillet 1975 : "1. Le sursis suspend totalement ou partiellement l'exécution d'une punition de consigne ou d'arrêts pendant un délai déterminé par l'autorité qui l'a infligée ; ce délai ne peut être inférieur à trois mois ni excéder douze mois. Si le militaire fait l'objet d'une autre punition de consigne ou d'arrêts au cours de ce délai, celle-ci est exécutée et s'ajoute à la punition précédente ( ...) 3. Les punitions assorties du sursis ne sont inscrites de manière définitive au dossier individuel ou au livret matricule qu'en cas de révocation du sursis" ;
Considérant que l'autorité militaire a infligé à Mme GARREC-LE Y... le 1er décembre 1995 une punition de 8 jours d'arrêts, assortie du sursis pendant un délai de 3 mois ; qu'à la date du dépôt de la requête, intervenu plus de 3 mois après la date de la décision disciplinaire, la punition attaquée qui n'avait pas reçu exécution en l'absence de révocation du sursis pendant le délai d'épreuve fixé, n'était plus susceptible de produire aucun effet et devait être regardée comme n'ayant jamais existé ; que, dès lors, les conclusions de Mme GARREC-LE Y... tendant à l'annulation de cette punition et de la décision implicite de rejet du recours hiérarchique formé à son encontre étaient dépourvues d'objet à la date d'introduction de la requête et, par suite, irrecevables ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation de la mesure de rapatriement et de la décision implicite de rejet du recours hiérarchique formé contre ladite mesure :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant que la mesure de rapatriement attaquée a affecté les conditions d'exercice par Mme GARREC-LE Y..., commissaire-commandant de l'armée de terre, de ses missions au sein du commissariat de l'armée de terre ; qu'elle fait grief à l'intéressée qui justified'un intérêt pour l'attaquer ;
Considérant que, dans les circonstances où elle est intervenue, la décision de rapatriement prise à l'encontre de Mme GARREC-LE Y... afin qu'elle rejoigne sans délai le territoire national alors qu'elle servait dans les territoires relevant antérieurement de la Yougoslavie, si elle n'a pas présenté de caractère disciplinaire, a toutefois été prise moins dans l'intérêt du bon fonctionnement du service qu'en considération de faits liés à la personne de l'intéressée ; qu'une telle mesure, qui ne saurait être regardée comme une simple mesure d'organisation du service insusceptible de recours, ne pouvait être prononcée sans que l'officier ait été mis à même de connaître les griefs qui lui étaient reprochés et de présenter sa défense ; qu'il ressort des pièces du dossier que cette formalité n'a pas été respectée, alors même qu'aucune urgence n'imposait que l'autorité militaire y dérogeât ; qu'ainsi, la décision de rapatriement, prise selon une procédure irrégulière, est entachée d'illégalité ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme GARREC-LE Y... est fondée à demander l'annulation de la mesure de rapatriement attaquée et de la décision implicite par laquelle le ministre de la défense a rejeté son recours hiérarchique contre cette mesure ;
Sur les conclusions du ministre de la défense tendant à la suppression d'écrits à caractère injurieux ou diffamatoires et au versement par la requérante d'une indemnité en réparation du préjudice subi :
Considérant qu'en vertu du second alinéa de l'article 24 du nouveau code de procédure civile et de l'article 41 de la loi modifiée susvisée du 29 juillet 1881, les tribunaux peuvent ordonner la suppression des mentions injurieuses, outrageantes ou diffamatoires contenues dans les productions des parties ; qu'ils tiennent, en outre, dudit article 41 le pouvoir de condamner l'auteur de ces mentions à des dommages-intérêts ;
Considérant que le passage critiqué par le ministre et figurant dans la requête de Mme GARREC-LE Y... ne peut être regardé comme injurieux, outrageant ou diffamatoire ; que, dès lors, le ministre n'est pas fondé à en demander la suppression, ni à se prévaloir, aux fins d'indemnisation, d'un préjudice quelconque du fait des écrits incriminés ; qu'ainsi, ses conclusions tendant à voir prononcer leur suppression et à voir condamner la requérante à lui verser, pour ce motif, une somme de 1 000 F à titre de dommages-intérêts ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions relatives à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 et de condamner l'Etat à payer à Mme GARREC-LE Y... une somme de 5 000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Considérant que les mêmes dispositions font obstacle à ce que Mme GARREC-LE Y..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamnée à payer à l'Etat la somme que demande le ministre de la défense au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La décision du 1er décembre 1995 par laquelle le chef d'état-major du commandement du contingent français de la FORPAINU à Zagreb a prononcé le rapatriement de Mme GARREC-LE Y... et la décision implicite par laquelle le ministre de la défense a rejeté son recours hiérarchique contre cette décision sont annulées.
Article 2 : L'Etat versera à Mme GARREC-LE Y... une somme de 5 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme GARREC-LE Y... est rejeté.
Article 4 : Les conclusions du ministre de la défense tendant à la suppression de passages de la requête, à la condamnation de la requérante à des dommages-intérêts et à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme Sylvie X...
Y... et au ministre de la défense.


Synthèse
Formation : 7 / 10 ssr
Numéro d'arrêt : 180452
Date de la décision : 12/03/1999
Type d'affaire : Administrative

Analyses

08-01-02 ARMEES - PERSONNELS DES ARMEES - QUESTIONS PARTICULIERES A CERTAINS PERSONNELS MILITAIRES.


Références :

Loi du 29 juillet 1881 art. 41
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75
Nouveau code de procédure civile 24


Publications
Proposition de citation : CE, 12 mar. 1999, n° 180452
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Rapone
Rapporteur public ?: Mme Bergeal

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1999:180452.19990312
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