Vu 1°/, sous le n° 185060, la requête, enregistrée le 21 janvier 1997 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le SYNDICAT INDEPENDANT DE LA GARDERIE NATIONALE DE L'ENVIRONNEMENT (S.I.G.N.E.), représenté par son secrétaire national, M. D. Y..., demeurant en cette qualité "Les Berthières", à Saint-Nexans (24520) ; le SYNDICAT INDEPENDANT DE LA GARDERIE NATIONALE DE L'ENVIRONNEMENT demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir l'instruction n° DIR/IGMP-GE-DOC du 31 juillet 1996 du directeur de l'Office national de la chasse, relative aux dispositions applicables à la police de la chasse au gibier d'eau ;
Vu 2°/, sous le n° 185281, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 31 janvier 1997 et 2 juin 1997 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le RASSEMBLEMENT DES OPPOSANTS A LA CHASSE, représenté par sa secrétaire générale, Mme Nelly X..., domiciliée en cette qualité au siège de l'association, BP 261-F, à Saint-Quentin (02106) ; le RASSEMBLEMENT DES OPPOSANTS A LA CHASSE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision du 29 novembre 1996 par laquelle le directeur de l'Office national de la chasse a rejeté sa demande de retrait des dispositions de l'instruction du 31 juillet 1996 autorisant "l'éjointage" des appelants vivants ;
2°) d'annuler ces dispositions ;
3°) subsidiairement, de saisir, à titre préjudiciel, la Cour de justice des Communautés européennes de la question de la compatibilité de la pratique de l'"éjointage" avec les directives n° 77-469, 86-609 et 91-628 ;
4°) de condamner la partie adverse à lui payer une somme de 15 000 F, au titre des frais irrépétibles ;
Vu 3°/, sous le n° 185446, la requête enregistrée le 7 février 1997 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la LIGUE POUR LA PROTECTION DES OISEAUX, représentée par son président M. Alain Bougrain-Dubourg, domicilié en cette qualité au siège de la Ligue, La Corderie Royale, BP 263, Rochefort (17305) cedex ; la LIGUE POUR LA PROTECTION DES OISEAUX demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir l'instruction du 31 juillet 1996 du directeur de l'Office national de la chasse, relative aux dispositions applicables à la police de la chasse au gibier d'eau ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la directive n° 77-469/CEE du 18 juillet 1977 ;
Vu la directive n° 79-409/CEE du 2 avril 1979 ;
Vu le code rural ;
Vu la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Lerche, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Boré, Xavier, avocat du RASSEMBLEMENT DES OPPOSANTS A LA CHASSE,
- les conclusions de M. Lamy, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes du SYNDICAT INDEPENDANT DE LA GARDERIE NATIONALE DE L'ENVIRONNEMENT, du RASSEMBLEMENT DESOPPOSANTS A LA CHASSE et de la LIGUE FRANCAISE POUR LA PROTECTION DES OISEAUX présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par une seule décision ;
Considérant que ces requêtes tendent à l'annulation de l'instruction du 31 juillet 1996 du directeur de l'Office national de la chasse, rappelant aux agents de cet établissement public les principales dispositions applicables à la police de la chasse au gibier d'eau, en tant qu'il leur demande "de ne pas verbaliser les chasseurs qui tirent sur du gibier d'eau à une distance inférieure à 30 m du bord de la nappe d'eau, quelle que soit la direction du tir", de ne relever les infractions aux heures de chasse "que dans la période en-deçà des deux heures avant le lever du soleil et au-delà des deux heures après son coucher (heure légale)", et leur indique que "les appelants vivants ... peuvent être éjointés" ;
Sur la recevabilité de la requête du SYNDICAT INDEPENDANT DE LA GARDERIE NATIONALE DE L'ENVIRONNEMENT :
Considérant que le SYNDICAT INDEPENDANT DE LA GARDERIE NATIONALE DE L'ENVIRONNEMENT a pour objet statutaire la défense des intérêts généraux et particuliers de la profession de garde national de la chasse et de la faune sauvage ; qu'aucune des dispositions contestées de l'instruction du 31 juillet 1996 ne porte, par elle-même, atteinte aux droits et intérêts collectifs des agents dont le syndicat assure la défense ; que le Syndicat indépendant de la garderie nationale de l'environnement ne justifie, dès lors, pas d'un intérêt lui donnant qualité pour contester la légalité de ces dispositions ; que sa requête n'est, en conséquence, pas recevable ;
Sur la légalité des dispositions contestées de l'instruction du 31 juillet 1996 :
Considérant qu'en vertu des articles R 224-5 et R 224-6 du code rural, lorsque la chasse au gibier d'eau est ouverte sur les fleuves, rivières, canaux, réservoirs, lacs, étangs et dans les marais non asséchés, seul le tir au-dessus de la nappe d'eau est autorisé ; qu'en prescrivant aux agents de l'Office national de la chasse "de ne pas verbaliser les chasseurs qui tirent sur du gibier d'eau à une distance inférieure à 30 m de la nappe d'eau, quelle que soit la direction du tir", l'instruction contestée ajoute illégalement à ces dispositions du code rural ;
Considérant que la pratique de la chasse de nuit est interdite et passible des peines prévues par l'article L 228-5 du code rural ; qu'en prescrivant aux agents de l'Office national de la chasse "de ne relever les infractions ... que dans la période en-deçà des deux heures avant le lever du soleil et au-delà des deux heures après son coucher (heure légale)", l'instruction méconnaît l'interdiction légale de la chasse de nuit ;
Considérant que l'instruction dispose que "les appelants vivants ... peuvent être éjointés" ; que, faute de préciser que cette opération doit être limitée à la taille des rémiges et alors même que l'"éjointage" procéderait d'un usage traditionnel, l'instruction méconnaît l'interdiction de mutiler les appelants vivants édictée par l'article 8 et par l'annexe IV-a de la directive n° 79-/409/CEE du 2 avril 1979 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le RASSEMBLEMENT DES OPPOSANTS A LA CHASSE et la LIGUE FRANCAISE POUR LA PROTECTION DES OISEAUX sont fondés à demander l'annulation des dispositions ci-dessus mentionnéesde l'instruction du 31 juillet 1996 du directeur de l'Office national de la chasse ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Office national de la chasse, par application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991, à payer au RASSEMBLEMENT DES OPPOSANTS A LA CHASSE une somme de 3 000 F, au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête du SYNDICAT INDEPENDANT DE LA GARDERIE NATIONALE DE L'ENVIRONNEMENT est rejetée.
Article 2 : L'instruction du 31 juillet 1996 du directeur de l'Office national de la chasse est annulée, d'une part, en tant qu'elle prescrit aux agents de l'office de ne pas verbaliser les chasseurs qui tirent sur du gibier d'eau à une distance inférieure à 30 m de la nappe d'eau quelle que soit la direction du tir et de ne relever les infractions aux heures de chasse que dans la période en-deçà des deux heures avant le lever du soleil et au-delà des deux heures après son coucher (heure légale) et, d'autre part, en tant qu'elle dispose que les appelants vivants peuvent être "éjointés".
Article 3 : L'Office national de la chasse paiera une somme de 3 000 F au RASSEMBLEMENT DES OPPOSANTS A LA CHASSE, au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au SYNDICAT INDEPENDANT DE LA GARDERIE DE L'ENVIRONNEMENT, au RASSEMBLEMENT DES OPPOSANTS A LA CHASSE, à la LIGUE FRANCAISE POUR LA PROTECTION DES OISEAUX, à l'Office national de la chasse et au ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.