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28/07/1999 | FRANCE | N°171316

France | France, Conseil d'État, 8 ss, 28 juillet 1999, 171316


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 27 juillet 1995 et 27 novembre 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par la société anonyme CANNES BALNEAIRE, PALM BEACH CASINO dont le siège est B.P. 148 à Cannes (06406), agissant par ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège ; la société anonyme CANNES BALNEAIRE, PALM BEACH CASINO demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement avant-dire droit du 11 octobre 1994, et le jugement du 11 avril 1995 par lequel le tribunal administratif de Nice a annulé les dé

cisions du 12 décembre 1991 par lesquelles l'inspecteur du travail ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 27 juillet 1995 et 27 novembre 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par la société anonyme CANNES BALNEAIRE, PALM BEACH CASINO dont le siège est B.P. 148 à Cannes (06406), agissant par ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège ; la société anonyme CANNES BALNEAIRE, PALM BEACH CASINO demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement avant-dire droit du 11 octobre 1994, et le jugement du 11 avril 1995 par lequel le tribunal administratif de Nice a annulé les décisions du 12 décembre 1991 par lesquelles l'inspecteur du travail l'avait autorisée à licencier MM. F..., Y..., Z..., A..., B...
E..., C..., Elena, Garro, Grimaldi, Pizzichini, Pozzo di Borgo, Santerelle, Scassau et Tripodi et les décisions du 17 juin 1992 par lesquelles le ministre du travail a confirmé les décisions précitées de l'inspecteur du travail ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le décret n° 59-1489 du 22 décembre 1959 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Olléon, Auditeur,
- les observations de la SCP Le Prado , avocat de la société anonyme CANNES BALNEAIRE, PALM BEACH CASINO,
- les conclusions de M. Arrighi de Casanova, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis d'un mandat de délégué du personnel, les membres du comité d'entreprise, les membres du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et les délégués syndicaux, bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif économique, il appartient à l'autorité administrative saisie, de vérifier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la réalité du motif économique invoqué, l'application de la procédure de concertation et la portée des mesures de reclassement ou d'indemnisation envisagées par l'employeur ;
Considérant qu'à la suite du rachat par la compagnie immobilière Phénix (CIP) des actions de la société anonyme CANNES BALNEAIRE, qui appartenait au groupe "Lucien X..." et exploitait le casino Palm Beach à Cannes, un projet de reconversion des activités de cette société et de construction d'un nouvel ensemble hôtelier a été adopté, entraînant le licenciement des 225 salariés de la société, dont 22 salariés protégés ; que la société anonyme CANNES BALNEAIRE fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nice, à la demande de M. F... et de quatorze autres salariés protégés, a annulé les décisions de l'inspecteur départemental du travail en date du 12 décembre 1991 autorisant leur licenciement, et, ensemble, les décisions du 17 juin 1992 du ministre du travail confirmant ces autorisations ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté que des offres de reclassement au sein du groupe de la compagnie immobilière Phénix ont été faites à tous les salariés ; que, par ailleurs, une trentaine d'emplois de reclassement ont été proposés dans différents établissements du groupe Lucien X... ; que, cependant, la société anonyme CANNES BALNEAIRE n'appartenant plus à ce groupe, il n'existait aucune obligation légale de rechercher au sein de celui-ci un reclassement des salariés dont le licenciement était envisagé ; que c'est par suite en tout état de cause à tort que les premiers juges se sont fondés sur ce qu'il n'était pas établi que des offres individuelles de reclassement dans le groupe Lucien X... avaient été adressées à chacun des requérants pour estimer que la société anonyme CANNES BALNEAIRE ne pouvait être regardée comme ayant fait les efforts de reclassement lui incombant et annuler en conséquence les décisions attaquées ;
Considérant toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par MM. F... et autres tant devant le tribunal administratif que devant le Conseil d'Etat ;

Considérant qu'il ressort du dossier que la société anonyme CANNES BALNEAIRE connaissait depuis plusieurs années des baisses importantes de son chiffre d'affaires ; qu'elle n'avait pas obtenu le renouvellement de son autorisation de jeux pour 1991 ; que les pertes d'exploitation s'élevaient à plus de 21 millions de francs au 31 juillet 1991 ; que la poursuite de l'activité en l'état étant ainsi compromise, la compagnie immobilière Phénix a élaboré et fait adopter un projet de construction sur le site et d'exploitation d'un hôtel pour congrès de 300 chambres ; que ce projet dont la réalisation nécessitait un délai de plusieurs années impliquait la fermeture de l'établissement et la suppression des emplois existants ; que la réalité du motif économique des licenciements autorisés par les décisions attaquées doit donc être regardée comme établie ; que la circonstance que, postérieurement à ces décisions, de nouvelles autorisations de jeux auraient été sollicitées et obtenues par la société requérante et qu'en revanche celle-ci n'aurait pas obtenu les autorisations administratives nécessaires à la réalisation de son projet immobilier est de toute façon sans influence sur la légalité de ces décisions ;
Considérant que si M. F... et les autres salariés licenciés soutiennent que les demandes d'autorisation de licenciement les concernant ont été présentées par Mme D..., président-directeur général de la société anonyme CANNES BALNEAIRE, qui, n'étant pas directeur des jeux, n'aurait pas eu qualité pour ce faire, en application des articles 8 et 13 du décret n° 59-1489 du 22 décembre 1959, portant réglementation des jeux dans les casinos, il ressort des pièces du dossier qu'à la date à laquelle ces demandes ont été présentées l'autorisation de jeux délivrée au casino n'était plus en vigueur et, par voie de conséquence, le directeur des jeux n'exerçait plus ses fonctions ; que, dès lors, et en tout état de cause, l'inspecteur du travail a été valablement saisi par le dirigeant de la société ;
Considérant que les intéressés font encore valoir qu'ils n'ont pas eu communication des demandes d'autorisations de licenciement faites à l'inspecteur du travail ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose une telle communication ;
Considérant que le détournement de pouvoir invoqué n'est pas établi ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société anonyme CANNES BALNEAIRE est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a annulé les décisions d'autorisation de licenciement contestées en date des 12 décembre 1991 et 17 juin 1992 ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce que la société anonyme CANNES BALNEAIRE, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamnée à payer à M. F... et aux autres salariés les sommes que ceux-ci réclament au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 11 avril 1995 est annulé.
Article 2 : Les demandes présentées par MM. F..., Y..., Z..., A..., B...
E..., C..., Elena, Garro, Grimaldi, Pizzichini, Pozzo di Borgo, Santerelle, Scassau et Tripodi devant le tribunal administratif de Nice et devant le Conseil d'Etat sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société anonyme CANNES BALNEAIRE, PALM BEACH CASINO, à MM. F..., Y..., Z..., A..., B...
E..., C..., Elena, Garro, Grimaldi, Pizzichini, Pozzo di Borgo, Santerelle, Scassau et Tripodi et au ministre de l'emploi et de la solidarité.


Synthèse
Formation : 8 ss
Numéro d'arrêt : 171316
Date de la décision : 28/07/1999
Type d'affaire : Administrative

Analyses

66-07-01 TRAVAIL ET EMPLOI - LICENCIEMENTS - AUTORISATION ADMINISTRATIVE - SALARIES PROTEGES.


Références :

Décret 59-1489 du 22 décembre 1959 art. 8, art. 13


Publications
Proposition de citation : CE, 28 jui. 1999, n° 171316
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olléon
Rapporteur public ?: M. Arrighi de Casanova

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1999:171316.19990728
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