La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/11/1999 | FRANCE | N°200693

France | France, Conseil d'État, 3 ss, 24 novembre 1999, 200693


Vu 1°/, sous le n° 200693, la requête enregistrée le 19 octobre 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Mohamed X..., demeurant ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 9 octobre 1998 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 6 août 1998 par lequel le préfet de police a décidé sa reconduite à la frontière ;
2°) d'annuler ledit arrêté ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 000

F en application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu 2°/, sous le...

Vu 1°/, sous le n° 200693, la requête enregistrée le 19 octobre 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Mohamed X..., demeurant ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 9 octobre 1998 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 6 août 1998 par lequel le préfet de police a décidé sa reconduite à la frontière ;
2°) d'annuler ledit arrêté ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 000 F en application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu 2°/, sous le n° 205040, la requête, enregistrée le 24 février 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Mohamed X... ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 9 octobre 1998 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 6 août 1998 par lequel le préfet de police a décidé sa reconduite à la frontière ;
2°) d'annuler ledit arrêté ;
3°) d'ordonner en tant que de besoin une enquête ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Delion, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Touvet, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes de M. X..., enregistrées sous les n° 200693 et 205040, sont dirigées contre le même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance susvisée du 2 novembre 1945, le représentant de l'Etat dans le département peut "décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière ( ...) 3°) Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusée ou dont le titre de séjour a été retiré s'est maintenu sur le territoire audelà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ( ...)" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X..., qui est de nationalité tunisienne, s'est maintenu au-delà du délai fixé par les dispositions précitées sur le territoire national et entrait ainsi dans le champ d'application desdites dispositions ;
Sur l'exception d'illégalité de la décision du 17 mars 1998 du préfet de police refusant à M. X... un titre de séjour :
Considérant que l'auteur de la décision du 17 mars 1998 ayant reçu à cet effet une délégation de signature régulièrement publiée au bulletin municipal officiel de la ville de Paris, le requérant ne saurait soutenir que ladite décision aurait été prise par une autorité incompétente ;
Considérant que la décision du 17 mars 1998 comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'elle serait insuffisamment motivée ne peut qu'être écarté ;
Considérant que M. X... ne peut se prévaloir des dispositions de la circulaire ministérielle du 24 juin 1997, qui est dépourvue de caractère réglementaire ;
Sur la légalité de l'arrêté du 6 août 1998 du préfet de police décidant la reconduite à la frontière de M. X... :
En ce qui concerne la légalité externe :
Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que le fonctionnaire qui a signé la décision contestée avait reçu délégation à cet effet par arrêté du préfet de police du 26 janvier 1998 publié au bulletin municipal officiel de la ville de Paris et qu'ainsi, le moyen tiré de ce que la décision aurait été prise par une autorité incompétente ne peut qu'être écarté ; qu'en outre, cette décision, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, est suffisamment motivée ;

Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'ensemble des dispositions de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relatives à la reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière, et notamment des dispositions des articles 22 et 22 bis qui ouvrent un recours suspensif devant le juge administratif, organisent les garanties dont bénéficie l'étranger pour pouvoir exercer utilement ledit recours et fixent les délais dans lesquels ces recours doivent être présentés et jugés, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des arrêtés de reconduite et, par suite, exclure l'application des dispositions de l'article 8 du décret du 28 novembre 1983 selon lesquelles les dispositions qui doivent être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979 ne peuvent légalement intervenir qu'après que l'intéressé ait été à même de présenter des observations écrites ;
En ce qui concerne la légalité interne :
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance, 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui" ;
Considérant que M. X..., âgé de 29 ans, est célibataire et sans charge de famille en France ; que s'il fait valoir qu'il n'aurait plus d'attaches en Tunisie et que deux de ses frères vivent en France, il ressort des pièces du dossier que sa mère réside toujours en Tunisie ; qu'ainsi, compte tenu des circonstances de l'espèce et notamment de la durée et des conditions de son séjour en France, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, la décision du préfet de police ordonnant la reconduite à la frontière de M. X... n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue duquel a été prise cette décision ; qu'elle n'a dès lors pas méconnu l'article 8 précité de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une enquête, que M. X... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris, par un jugement qui est suffisamment motivé, a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 6 août 1998 prononçant sa reconduite à la frontière ;
Sur les conclusions de M. X... tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à M. X... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de M. X... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Mohamed X..., au préfet de police et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 3 ss
Numéro d'arrêt : 200693
Date de la décision : 24/11/1999
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 ETRANGERS - RECONDUITE A LA FRONTIERE.


Références :

Circulaire du 24 juin 1997
Décret 83-1025 du 28 novembre 1983 art. 8
Loi 79-587 du 11 juillet 1979
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 22, art. 22 bis


Publications
Proposition de citation : CE, 24 nov. 1999, n° 200693
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Delion
Rapporteur public ?: M. Touvet

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1999:200693.19991124
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award