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03/12/1999 | FRANCE | N°171899

France | France, Conseil d'État, 9 / 8 ssr, 03 décembre 1999, 171899


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 août et 11 décembre 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Maurice X..., demeurant ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt en date du 18 mai 1995 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation du jugement du 8 avril 1993 du tribunal administratif de Lille rejetant sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1983, 1984 et 198

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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des imp...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 août et 11 décembre 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Maurice X..., demeurant ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt en date du 18 mai 1995 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation du jugement du 8 avril 1993 du tribunal administratif de Lille rejetant sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1983, 1984 et 1985 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu le décret n° 63-766 du 30 juillet 1963 modifié par le décret n° 88-905 du 2 septembre 1988 et par le décret n° 97-1177 du 24 décembre 1997 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Ménéménis, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Peignot, Garreau, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Goulard, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du II de l'article 9 de la loi du 31 décembre 1970, codifié sous l'article 69 quater du code général des impôts : "I Le bénéfice réel de l'exploitation agricole est déterminé et imposé selon les principes généraux applicables aux entreprises industrielles et commerciales ( ...) mais avec des règles et modalités adaptées aux contraintes et caractéristiques particulières de la production agricole ( ...), qui sont notamment : ( ...) l'irrégularité importante des revenus. ( ...) II. Des décrets précisent les adaptations résultant du I" ; que l'article 11 du décret du 7 décembre 1971, pris sur le fondement des dispositions précitées de la loi du 21 décembre 1970, codifié sous l'article 38 sexdecies J de l'annexe III au code général des impôts, alors applicable, disposait, dans son I, que "lorsqu'un exploitant réalise un bénéfice supérieur à 50 000 F et excédant deux fois la moyenne des résultats des trois années précédentes, il peut demander que la fraction de ce bénéfice qui dépasse 50 000 F, ou cette moyenne si elle est supérieure, soit imposée selon les règles prévues à l'article 150 R du code général des impôts ; toutefois, le paiement ne peut être fractionné. ( ...)" ; qu'il était toutefois spécifié au VI du même article que "les dispositions du présent article ne sont pas applicables en cas de modification substantielle des conditions d'exploitation pendant l'année de la réalisation du bénéfice et les trois années antérieures" ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'administration a refusé à M. X..., exploitant agricole, le bénéfice de l'étalement prévu par les dispositions de l'article 38 sexdecies J de l'annexe III au code général des impôts précité qu'il sollicitait pour l'imposition de ses bénéfices au titre des années 1983, 1984 et 1985 au motif que ses conditions d'exploitation avaient fait l'objet d'une modification substantielle ; que pour confirmer ce refus, la cour administrative d'appel de Nancy s'est fondée sur l'augmentation notable de la surface emblavée en endives, qui était passée de 4,2 hectares en 1982 à 10 hectares en 1985, et sur le fait que le passage du forçage traditionnel en couches des endives au forçage hydroponique en salle était constitutif d'une modification substantielle des conditions d'exploitation au sens des dispositions précitées de l'article 38 sexdecies J de l'annexe III au code général des impôts ; que toutefois, M. X... soutenait que les modifications de ce mode d'exploitation avaient entraîné une baisse des rendements que l'augmentation des surfaces emblavées avait pour but de compenser, et que les bénéfices exceptionnels dont il demandait l'étalement résultaient principalement d'une importante augmentation du cours des endives ; que, dans ces conditions, la Cour ne pouvait, sans commettre d'erreur de droit, juger que la seule circonstance que les conditions d'exploitation avaient été substantiellement modifiées faisait obstacle à l'application du mécanisme d'étalement prévu par les dispositions en cause, et se dispenser de rechercher si, ainsi que le soutenait M. X..., les bénéfices exceptionnels des années 1983, 1984 et 1985 trouvaient leur origine dans les aléas inhérents à l'activité agricole, aléas que le législateur avait précisément entendu prendre en compte en prévoyant l'adaptation des principes généraux de détermination des bénéfices aux spécificités de cette activité ; qu'il en résulte que M. X... est fondé à soutenir que la Cour a fait une inexacte application de l'article 38 sexdecies J de l'annexe III au code général des impôts et à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi susvisée du 31 décembre 1987, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les investissements réalisés par M. X... en 1982 ont permis de modifier le procédé de forçage des endives, ce qui s'est traduit, du fait notamment de la nouveauté de ce procédé, par une baisse importante des rendements, qui a été compensée par une augmentation des surfaces emblavées en endives ; que M. X... démontre cependant, sans être utilement contredit par l'administration, que ces modifications dans les conditions de son exploitation n'ont que très marginalement contribué aux bénéfices exceptionnels réalisés en 1983, 1984 et 1985 et que ceux-ci résultent pour l'essentiel des hausses notables qu'a connues le cours de l'endive pendant les années en cause ; que, dans ces conditions, M. X... est fondé à soutenir qu'il pouvait prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 38 sexdecies J de l'annexe III au code général des impôts et que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a refusé de lui accorder la décharge des impositions litigieuses ;
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
Considérant qu'il y a lieu de faire droit à la demande présentée par M. X... devant la cour administrative d'appel de Nancy et de condamner l'Etat à verser à M. X... la somme de 14 232 F qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 18 mai 1995 et le jugement du tribunal administratif de Lille du 8 avril 1993 sont annulés.
Article 2 : M. X... est déchargé des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1983, 1984 et 1985.
Article 3 : L'Etat est condamné à verser à M. X... la somme de 14 232 F au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Maurice X... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Formation : 9 / 8 ssr
Numéro d'arrêt : 171899
Date de la décision : 03/12/1999
Sens de l'arrêt : Annulation décharge
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-02-04-03 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - BENEFICES AGRICOLES - REGIME DU BENEFICE REEL -Etalement des bénéfices exceptionnels sauf en cas de modification substantielle des conditions d'exploitation - Modification substantielle, mais bénéfices exceptionnels trouvant leur origine dans les aléas inhérents à l'activité agricole - Etalement - Existence.

19-04-02-04-03 L'article 38 sexdecies J de l'annexe III au code général des impôts prévoyait un étalement de l'imposition des bénéfices en cas de réalisation d'un bénéfice exceptionnel. Toutefois, ces dispositions ne s'appliquaient pas en cas de modification substantielle des conditions d'exploitation pendant l'année de réalisation du bénéfice et les trois années antérieures. Pour l'application de ce régime, la modification substantielle des conditions d'exploitation ne fait pas obstacle à l'étalement si les bénéfices exceptionnels trouvent en fait leur origine dans les aléas inhérents à l'activité agricole, en l'espèce une hausse des cours.


Références :

CGI 69 quater
CGIAN3 38 sexdecies J
Décret du 07 décembre 1971 art. 11
Loi 87-1127 du 31 décembre 1987 art. 9, art. 11


Publications
Proposition de citation : CE, 03 déc. 1999, n° 171899
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Genevois
Rapporteur ?: M. Ménéménis
Rapporteur public ?: M. Goulard

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1999:171899.19991203
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