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22/03/2000 | FRANCE | N°188928

France | France, Conseil d'État, 10 ss, 22 mars 2000, 188928


Vu le recours, enregistré le 9 juillet 1997, au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le SECRETAIRE D'ETAT A L'OUTRE-MER ; il demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt en date du 29 avril 1997 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a annulé le jugement du 30 décembre 1994 du tribunal administratif de Nouméa et a condamné l'Etat à verser à la société à responsabilité limitée Littoria la somme de 628 747 francs CFP en réparation du préjudice résultant du refus opposé à sa demande de concours de la force publique pour l'expulsion de M. et M

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Vu le recours, enregistré le 9 juillet 1997, au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le SECRETAIRE D'ETAT A L'OUTRE-MER ; il demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt en date du 29 avril 1997 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a annulé le jugement du 30 décembre 1994 du tribunal administratif de Nouméa et a condamné l'Etat à verser à la société à responsabilité limitée Littoria la somme de 628 747 francs CFP en réparation du préjudice résultant du refus opposé à sa demande de concours de la force publique pour l'expulsion de M. et Mme X... de l'appartement dont elle est propriétaire à Nouméa, ladite somme portant intérêts au taux légal à compter de la date du 14 mars 1994 pour sa part correspondant aux pertes de loyer constatées à cette date et pour le surplus à compter des dates successives d'échéances de loyer ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Denis, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Monod, Colin, avocat de la société à responsabilité limitée Littoria,
- les conclusions de Mme Daussun, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que la nature et l'étendue des réparations incombant à une collectivité publique en raison d'une faute dont la responsabilité lui est imputée, ne dépendent pas de l'évaluation du dommage faite par l'autorité judiciaire dans un litige où elle n'a pas été partie et n'aurait pu l'être mais doivent être déterminées par le juge administratif compte tenu des règles relatives à la responsabilité des personnes morales de droit public et indépendamment des sommes qui ont pu être exposées par le requérant à titre d'indemnité ou d'intérêts ; qu'il suit de là qu'en se fondant exclusivement sur le jugement en date du 18 décembre 1995 par lequel le tribunal d'instance de Nouméa a fixé à 50 000 F CFP le montant mensuel de l'indemnité d'occupation dont les époux X... étaient redevables envers la société à responsabilité limitée Littoria à compter du 29 septembre 1993, pour évaluer le préjudice subi par cette société du fait de la perte de loyer résultant du refus d'exécution d'une décision de justice, la cour administrative d'appel de Paris n'a pas exercé son pouvoir d'appréciation sur l'étendue du préjudice subi et a ainsi commis une erreur de droit ; que, dès lors, l'arrêt attaqué doit être annulé ;
Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi susvisée du 31 décembre 1987, le Conseil d'Etat s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort peut régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Sur la responsabilité de l'Etat et la réparation du préjudice :
Considérant que le SECRETAIRE D'ETAT A L'OUTRE-MER ne conteste pas que la responsabilité de l'Etat est engagée à l'égard de la société à responsabilité limitée Littoria à compter du 13 février 1994 pour n'avoir pas apporté son concours à l'exécution d'une décision de justice ; que la base mensuelle permettant d'évaluer la perte de loyer subie par la société requérante doit être appréciée non en fonction du montant du loyer figurant au bail, mais par rapport à la valeur locative estimée des locaux par comparaison avec les loyers des locaux présentant les mêmes caractéristiques ; que, sur le fondement de tels critères et eu égard aux justifications apportées par la requérante, la société est fondée à demander que l'évaluation de son préjudice soit effectuée sur une base mensuelle de loyer de 35 000 F CFP ; qu'il résulte de l'instruction que les époux X... ont réglé l'arriéré de leurs dettes pour un montant de 161 400 F CFP et paient régulièrement une indemnité mensuelle d'occupation de 22 400 F CFP ; qu'il sera dès lors fait une juste appréciation à la date du 31 janvier 1996, date d'arrêt des comptes produits par la requérante, du montant des loyers qui n'ont pas été perçus par celle-ci depuis le 13 février 1994 en fixant leur montant à la somme de 296 100 F CFP ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société à responsabilité limitée Littoria est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nouméa a rejeté sa demande d'indemnisation et lui a infligé une amende pour recours abusif ;

Considérant en revanche que la société n'établit pas avoir subi d'autres préjudices que la perte de loyers précitée ;
Considérant qu'il y a lieu de subordonner le versement de l'indemnité allouée par la présente décision à la subrogation de l'Etat dans les droits que détiendrait la société propriétaire sur les époux X... ;
Sur les intérêts :
Considérant que l'indemnité allouée portera intérêts à compter du 14 mars 1994, date de réception par l'administration de la demande préalable de la société Littoria pour sa part correspondant aux pertes de loyer constatées à cette date et pour le surplus à compter des dates successives d'échéances des indemnités d'occupation ;
Article 1er : L'arrêt en date du 29 avril 1997 de la cour administrative d'appel de Paris et le jugement du tribunal administratif de Nouméa en date du 30 décembre 1994 sont annulés.
Article 2 : L'Etat est condamné à payer à la société à responsabilité limitée Littoria la somme de 296 100 F CFP.
Article 3 : La somme mentionnée à l'article 2 ci-dessus portera intérêts au taux légal à compter de la date du 14 mars 1994 pour sa part correspondant aux pertes de loyer constatées à cette date et pour le surplus à compter des dates successives d'échéances des indemnités d'occupation.
Article 4 : Le paiement de la somme allouée à l'article 2 est subordonné à la subrogation de l'Etat dans les droits que détiendrait la société à responsabilité limitée Littoria sur les époux X....
Article 5 : Le surplus des conclusions du SECRETAIRE D'ETAT A L'OUTRE-MER et des conclusions d'appel formées par la société à responsabilité limitée Littoria sont rejetées.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la société à responsabilité limitée Littoria et au secrétaire d'Etat à l'outre-mer.


Synthèse
Formation : 10 ss
Numéro d'arrêt : 188928
Date de la décision : 22/03/2000
Type d'affaire : Administrative

Analyses

60-02-03-01 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICES DE POLICE - SERVICES DE L'ETAT.


Références :

Loi 87-1127 du 31 décembre 1987 art. 11


Publications
Proposition de citation : CE, 22 mar. 2000, n° 188928
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Denis
Rapporteur public ?: Mme Daussun

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2000:188928.20000322
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