Vu la requête enregistrée le 19 mai 1995 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Sabiha X... demeurant ... ; Mme X... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 2 décembre 1994 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 2 septembre 1993 du préfet de police rejetant sa demande de titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire français ;
2°) annule pour excès de pouvoir cette décision ;
3°) enjoigne au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié par l'avenant du 22 décembre 1985 ;
Vu la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980 complétée par la loi n° 95-125 du 8 février 1995 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Vestur, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Seban, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée, Mme X... était mariée à un ressortissant algérien résidant régulièrement en France depuis 1975 et bénéficiaire d'un certificat de résidence valable dix ans ; qu'elle résidait elle-même en France depuis 1985 et était mère de trois enfants de nationalité française ; que, dans ces conditions, la décision du 2 septembre 1993 par laquelle le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a invitée à quitter le territoire français a porté au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ce refus lui a été opposé et a, par suite, méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, dès lors, Mme X... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 2 septembre 1993 par laquelle le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a invitée à quitter le territoire français ;
Sur les conclusions tendant à ce que soit prescrite la délivrance d'un titre de séjour à Mme X... :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le préfet de police a délivré à Mme X... un certificat de résidence en qualité de travailleur salarié, valable du 18 février 1999 au 17 février 2009 ; que, dès lors, ces conclusions sont devenues sans objet ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 2 décembre 1994 et la décision du préfet de police en date du 2 septembre 1993 sont annulés.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme X....
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme Sabiha X... et au ministre de l'intérieur.