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21/04/2000 | FRANCE | N°200759

France | France, Conseil d'État, 21 avril 2000, 200759


Vu la requête enregistrée le 21 octobre 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour l'ASSOCIATION POUR LA PROTECTION DES ANIMAUX SAUVAGES (ASPAS), représentée par son président, domicilié en cette qualité au siège social à Gâne à Crest (26400) ; l'ASSOCIATION POUR LA PROTECTION DES ANIMAUX SAUVAGES demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule pour excès de pouvoir la décision en date du 20 août 1998 par laquelle le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement a rejeté sa demande tendant à ce que soit fixée au 31 janvier 1999 la

date de clôture de la chasse aux oiseaux d'eau ;
2°) condamne l'Etat à ...

Vu la requête enregistrée le 21 octobre 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour l'ASSOCIATION POUR LA PROTECTION DES ANIMAUX SAUVAGES (ASPAS), représentée par son président, domicilié en cette qualité au siège social à Gâne à Crest (26400) ; l'ASSOCIATION POUR LA PROTECTION DES ANIMAUX SAUVAGES demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule pour excès de pouvoir la décision en date du 20 août 1998 par laquelle le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement a rejeté sa demande tendant à ce que soit fixée au 31 janvier 1999 la date de clôture de la chasse aux oiseaux d'eau ;
2°) condamne l'Etat à lui verser la somme de 10 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
3°) condamne l'Etat à lui payer la somme de 10 000 F au titre du préjudice moral et 200 000 F de dommages et intérêts ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le traité des Communautés européennes ;
Vu la directive n° 79-409/CEE du 2 avril 1979 ;
Vu la Constitution du 4 octobre 1958 et notamment son article 55 ;
Vu le code rural ;
Vu la loi n° 94-591 du 15 juillet 1994 ;
Vu la loi n° 98-549 du 3 juillet 1998 ;
Vu le décret du 28 novembre 1983 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991;
Vu l'ordonnance n° 45-1078 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mlle Bonnat, Auditeur,
- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de l'Union nationale des fédérations départementales des chasseurs,
- les conclusions de M. Lamy, Commissaire du gouvernement ;

Sur la légalité de la décision attaquée :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L.224-2 du code rural, lequel alinéa a été repris et maintenu par la loi du 3 juillet 1998 : "Nul ne peut chasser en dehors des périodes d'ouverture de la chasse fixées par l'autorité administrative"; qu'aux termes de l'article R. 224-3 du code rural : "La chasse à tir et la chasse au vol sont ouvertes pendant les périodes fixées chaque année par arrêté du préfet, pris sur proposition du directeur départemental de l'agriculture et de la forêt, après avis du conseil départemental de la chasse et de la faune sauvage et de la fédération des chasseurs, et publié au moins vingt jours avant la date de prise d'effet"; que l'article R. 224-7 du même code prévoit qu'" afin de favoriser la protection et le repeuplement du gibier, le préfet peut, dans l'arrêté annuel, pour une ou plusieurs espèces de gibier :/ 1° interdire l'exercice de la chasse de ces espèces ou d'une catégorie de spécimen de ces espèces en vue de la reconstitution des populations;/ 2° limiter le nombre des jours de chasse ( ...)" ;
Considérant, toutefois, que les dispositions introduites au second alinéa de l'article L. 224-2 du code rural par la loi du 3 juillet 1998 ont entendu fixer elles-mêmes, selon les modalités retracées par le tableau annexé à ce second alinéa, les dates de clôture temporaire de la chasse au gibier d'eau sur l'ensemble du territoire métropolitain à l'exception des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle ;
Considérant qu'il résulte clairement des stipulations de l'article 189 du traité des communautés européennes que les directives du Conseil des communautés européennes lient les Etats membres "quant aux résultats à atteindre" ; que si, pour adapter, ainsi qu'elles y sont tenues, la législation et la réglementation des Etats membres aux directives qui leur sont destinées, les autorités nationales sont seules compétentes pour décider de la forme à donner à cette exécution et pour fixer elles-mêmes, sous le contrôle des juridictions nationales, les moyens propres à leur faire produire leurs effets en droit interne, ces autorités ne peuvent édicter des dispositions qui seraient incompatibles avec les objectifs définis par ces directives ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'en l'état des connaissances scientifiques les dispositions introduites au second alinéa de l'article L. 224-2 du code rural par la loi du 3 juillet 1998 sont, dans leur quasi-totalité, incompatibles avec les objectifs de préservation des espèces de l'article 7 paragraphe 4 de la directive n° 79-409/CEE du 2 avril 1979 telle que celle-ci a été interprétée par l'arrêt de la Cour de justice des communautés européennes du 19 janvier 1994 ; que ces dispositions du second alinéa de l'article L. 224-2 du code rural étaient ainsi inapplicables; que, dès lors, les préfets conservaient la compétence réglementaire qu'ils tenaient des dispositions combinées du premier alinéa de l'article L. 224-2 du code rural et des articles R. 224-3 et R.224-7 du même code ; qu'il suit de là qu'en estimant que la loi précitée du 3 juillet 1998 avait ôté toute compétence à l'autorité administrative pour fixer au 31 janvier la date de clôture de la chasse aux oiseaux migrateurs, le ministre de l'environnement a fondé sa décision sur un motif erroné en droit ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'association requérante est fondée à demander l'annulation de la décision du 20 août 1998 par laquelle le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement a rejeté sa demande tendant ce que soit fixée au 31 janvier 1999 la date de clôture de la chasse aux oiseaux d'eau ;
Sur les conclusions indemnitaires :
Considérant qu'aux termes de l'article 41 de l'ordonnance du 31 juillet 1945 : "La requête des parties doit être signée par un avocat au Conseil d'Etat" ; qu'en vertu de l'article 42 de la même ordonnance, la requête peut être signée par la partie intéressée ou par son mandataire lorsque des lois spéciales ont dispensé du ministère d'avocat ; que la requête de L'ASSOCIATION POUR LA PROTECTION DES ANIMAUX SAUVAGES présente des conclusions tendant au versement des sommes de 10 000 F et de 200 000 F en réparation du préjudice moral, d'une part, et du préjudice matériel qui aurait résulté de la violation des dispositions de la directive du 2 avril 1979 précitée, d'autre part ; qu'aucun texte ne dispense une telle demande du ministère d'un avocat au Conseil d'Etat ; que faute pour l'association requérante d'avoir répondu à l'invitation qui lui avait été faite de recourir à ce ministère et de régulariser ainsi sa requête, ses conclusions indemnitaires ne sont pas recevables ;
Sur les conclusions de l'ASSOCIATION POUR LA PROTECTION DES ANIMAUX SAUVAGES tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 et de condamner l'Etat à payer à l'ASSOCIATION POUR LA PROTECTION DES ANIMAUX SAUVAGES la somme de 10 000 F qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La décision du 20 août 1998 du ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement est annulée.
Article 2 : L'Etat versera la somme de 10 000 F à l'ASSOCIATION POUR LA PROTECTION DES ANIMAUX SAUVAGES au titre des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'ASSOCIATION POUR LA PROTECTION DES ANIMAUX SAUVAGES, au Premier ministre et au ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 200759
Date de la décision : 21/04/2000
Type d'affaire : Administrative

Analyses

03-08 AGRICULTURE - CHASSE.


Références :

CEE Directive du 02 avril 1979 art. 7
Code rural L224-2, R224-3, R224-7
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75
Loi 98-549 du 03 juillet 1998
Ordonnance 45-1078 du 31 juillet 1945 art. 41
Traité du 25 mars 1957 art. 189


Publications
Proposition de citation : CE, 21 avr. 2000, n° 200759
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mlle Bonnat
Rapporteur public ?: M. Lamy

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2000:200759.20000421
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