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17/05/2000 | FRANCE | N°210196

France | France, Conseil d'État, 17 mai 2000, 210196


Vu la requête, enregistrée le 6 juillet 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DU TARN ; le PREFET DU TARN demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 7 juin 1999 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté en date du 20 mai 1999 décidant la reconduite à la frontière de Mme Elisabeth Y...
X..., épouse Daniel ;
2°) de rejeter les conclusions de la demande présentée par Mme Moukwendi X... devant ledit tribunal, dirigées contre cette décision ;
Vu

les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des dro...

Vu la requête, enregistrée le 6 juillet 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DU TARN ; le PREFET DU TARN demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 7 juin 1999 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté en date du 20 mai 1999 décidant la reconduite à la frontière de Mme Elisabeth Y...
X..., épouse Daniel ;
2°) de rejeter les conclusions de la demande présentée par Mme Moukwendi X... devant ledit tribunal, dirigées contre cette décision ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée, notamment par la loi du 2 août 1989, la loi du 10 janvier 1990, la loi du 24 août 1993 et la loi du 11 mai 1998 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Thiellay, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Chauvaux, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme Elisabeth Y...
X... épouse Daniel, de nationalité camerounaise, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois après avoir reçu notification, le 29 mars 1999, de la décision du PREFET DU TARN en date du 25 mars 1999 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'elle était ainsi dans le cas prévu à l'article 22-I-3° de l'ordonnance du 2 novembre 1945 où le préfet de police peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant qu'aux termes de l'article 12 quater de l'ordonnance susvisée du 2 novembre 1945 dans sa rédaction issue de la loi n° 98-349 du 11 mai 1998 : "Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour ... La commission est saisie par le préfet lorsque celui-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article 12 bis ou de délivrer une carte de résident à l'étranger mentionné à l'article 15 ..." ; qu'aux termes de l'article 12 bis de ladite ordonnance : "Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : ...4° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ..." ; qu'aux termes du dernier alinéa du même article : "Le renouvellement de la carte de séjour délivrée au titre du 4° ci-dessus est subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme Moukwendi X... a sollicité que lui soit délivré un titre de séjour en qualité de conjointe d'un ressortissant de nationalité française ; qu'il n'est pas contesté que, à la date de la décision du PREFET DU TARN, la communauté de vie entre les époux avait cessé ; que, par suite, en application des dispositions précitées de l'ordonnance du 2 novembre 1945, Mme Moukwendi X... n'entrait pas dans les cas prévus par les dispositions de l'article 12 bis ou par celles de l'article 15, justifiant la consultation de la commission du titre de séjour ; qu'ainsi le tribunal administratif de Toulouse a fait une inexacte application des dispositions précitées en estimant que le préfet ne pouvait prendre la décision attaquée sans consulter cette commission ; que, par suite, le PREFET DU TARN est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement en date du 7 juin 1999, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse s'est fondé sur la méconnaissance, par la décision de refus de séjour en date du 25 mars 1999, des dispositions des articles 12 bis et 12 quater de l'ordonnance susvisée du 2 novembre 1945 pour annuler la décision de reconduite prise sur son fondement ;
Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme Moukwendi X... devant le tribunal administratif ;

Considérant que, si Mme Moukwendi X... fait valoir que le PREFET DU TARN n'a pas examiné sa situation au regard de l'article 12 bis de l'ordonnance susvisée du 2 novembre 1945 relatif à la délivrance de plein droit de la carte de séjour temporaire, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'a pas examiné la demande de Mme Moukwendi X... au regard tant des dispositions de l'article 12 bis de l'ordonnance susvisée du 2 novembre 1945 que de celles de l'article 15 de cette ordonnance ;
Considérant que si la décision par laquelle le PREFET DU TARN a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme Moukwendi X..., fait état de la cessation de la communauté de vie de l'intéressée avec son époux, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet s'est cru tenu de refuser, pour cette raison, le titre de séjour sollicité ; qu'il n'a pas ainsi commis d'erreur de droit ; que, compte tenu des circonstances de l'espèce, et notamment de la cessation de la vie commune et de la durée de la présence en France de l'intéressée, le refus de délivrer un titre de séjour, pris par le PREFET DU TARN le 25 mars 1999, n'a pas méconnu les dispositions de l'article 12 bis de l'ordonnance susvisée du 2 novembre 1945 ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "1 Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2 Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui" ;
Considérant que si Mme Moukwendi X... fait valoir qu'elle est entrée en France en décembre 1997 et qu'elle est bien intégrée au sein de la société française, il ressort des pièces du dossier que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée du séjour de Mme Moukwendi X... en France, la décision en date du 20 mai 1999 par laquelle le PREFET DU TARN a décidé sa reconduite à la frontière n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a donc pas méconnu les stipulations précitées ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DU TARN est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté en date du 20 mai 1999 ;
Sur les conclusions de Mme Moukwendi X... tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à Mme Moukwendi X... la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement en date du 7 juin 1999 du tribunal administratif de Toulouse est annulé.
Article 2 : Les conclusions de la demande de Mme Moukwendi X... présentées devant le tribunal administratif de Toulouse sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DU TARN, à Mme Elisabeth Y...
X... et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 210196
Date de la décision : 17/05/2000
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 ETRANGERS - RECONDUITE A LA FRONTIERE.


Références :

Arrêté du 20 mai 1999
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 8
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75
Loi 98-349 du 11 mai 1998
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 22, art. 12 quater, art. 12 bis, art. 15


Publications
Proposition de citation : CE, 17 mai. 2000, n° 210196
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Thiellay
Rapporteur public ?: M. Chauvaux

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2000:210196.20000517
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