La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/05/2000 | FRANCE | N°193817

France | France, Conseil d'État, 24 mai 2000, 193817


Vu la requête sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés les 2 février et 27 mai 1998 et le 17 mars 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE VAL DE FRANCE, dont le siège social est ... (28088 Cedex), représentée par son président en exercice, venant aux droits et obligations de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Loir-et-Cher ; la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE VAL DE FRANCE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt en date du 2 décembre 1997 de la co

ur administrative d'appel de Nantes, en tant que cet arrêt a, d'une...

Vu la requête sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés les 2 février et 27 mai 1998 et le 17 mars 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE VAL DE FRANCE, dont le siège social est ... (28088 Cedex), représentée par son président en exercice, venant aux droits et obligations de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Loir-et-Cher ; la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE VAL DE FRANCE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt en date du 2 décembre 1997 de la cour administrative d'appel de Nantes, en tant que cet arrêt a, d'une part, rejeté sa demande tendant à l'annulation du jugement du 27 septembre 1994 du tribunal administratif d'Orléans en tant que ce jugement avait rejeté sa demande tendant à être déchargée de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Loir-et-Cher a été assujettie au titre des années 1987 et 1988 à raison des commissions de placement d'épargne perçues de la Caisse nationale de crédit agricole et, d'autre part, réformant le même jugement, remis à sa charge la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Loir-et-Cher a été assujettie au titre des années 1987 et 1988 à raison de cotisations de cartes bancaires ;
2°) statuant au fond, en application de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1987, de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Séners, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Odent, avocat de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE VAL DE FRANCE,
- les conclusions de M. Touvet, Commissaire du gouvernement ;

En ce qui concerne les commissions de placement de produits d'épargne :
Considérant qu'en produisant devant le Conseil d'Etat un accord conclu le 19 novembre 1999, postérieurement à l'introduction du pourvoi, tendant au règlement des litiges relatifs au chef de redressement relatif aux commissions de placement de produits d'épargne, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a indiqué que "compte tenu des termes de cet accord, les parties constatent ensemble ( ...) qu'aucun litige ne subsiste" et a demandé en conséquence que l'accord entre les parties soit constaté par le Conseil d'Etat ; que, toutefois, dans un mémoire enregistré le 17 mars 2000, la caisse régionale requérante a produit le même document, cette production, selon elle, "ne valant pas désistement du pourvoi en tant qu'il concerne la fiscalité des commissions de collecte d'épargne" ; que, dans ces conditions, il n'existe pas devant le juge d'accord ferme et définitif entre les parties pour mettre fin au litige ; que, dès lors et en tout état de cause, il n'y a pas lieu de donner acte de l'accord du 19 novembre 1999 susévoqué ; qu'en l'absence de décision de dégrèvement, le pourvoi n'est pas devenu sans objet ;
Considérant qu'en vertu des articles 38 et 209 du code général des impôts, la créance acquise sur un tiers par une personne morale passible de l'impôt sur les sociétés doit être rattachée à l'exercice au cours duquel cette créance est devenue certaine dans son principe et son montant ; que, dans le cas où la créance se rapporte à la fourniture de services, le 2 bis de l'article 38 précise qu'elle doit être rattachée à l'exercice au cours duquel intervient l'achèvement de la prestation ; que le même texte énonce, toutefois, que les produits correspondant notamment à des prestations continues doivent être pris en compte au fur et à mesure de leur exécution ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'au cours des années 1987 et 1988 la caisse régionale de crédit agricole mutuel de Loir-et-Cher, aux droits de laquelle vient la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE VAL DE FRANCE, a placé auprès de sa clientèle divers produits d'épargne pour le compte de la Caisse nationale de crédit agricole qui lui versait, dès la date de souscription de ces produits, une commission de placement dont le taux unique était égal à 0,6% de la valeur nominale des souscriptions, d'autre part, à la date de remboursement des titres, une commission variable, dont le taux trimestriel, calculé selon un barème fixé par accord entre la caisse nationale et la caisse régionale, variait, suivant la durée de conservation du titre par le client, entre 0,020% et 0,30% du montant des souscriptions ; que, par cette rémunération variable, la caisse régionale était incitée à convaincre ses clients de garder leurstitres jusqu'à une date aussi proche que possible de l'échéance ; que la commission correspondante rémunérait ainsi la prestation continue de suivi du placement fournie par la caisse régionale à la caisse nationale pendant la période comprise entre la souscription du titre et son remboursement ; que, par application des dispositions ci-dessus rappelées du 2 bis de l'article 38 du code général des impôts, et alors même que la caisse nationale les comptabilisait en charges à payer dès l'année de souscription et pour les montants correspondant à leur taux maximal, qu'elles n'étaient versées à la caisse régionale qu'à la date de remboursement des titres et qu'elles étaient dues à la caisse régionale ayant reçu la souscription, y compris dans le cas où le remboursement était effectué par une autre caisse régionale, les commissions variables devaient être prises en compte au fur et à mesure de l'exécution des prestations correspondantes ; qu'ainsi, en jugeant que les commissions perçues par la caisse régionale de crédit agricole mutuel de Loir-et-Cher en contrepartie du placement de produits d'épargne effectué pour le compte de la Caisse nationale de crédit agricole au cours des années 1987 et 1988 ne rémunéraient que ce placement et devaient être regardées comme acquises, dans leur totalité, dès la conclusion des contrats de souscription et, par suite, rattachées, pour ce montant total, aux résultats imposables des exercices correspondants, la cour administrative d'appel de Nantes a inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis et appliqué de manière erronée les dispositions du 2 bis de l'article 38 du code général des impôts, relatives aux produits correspondant à des prestations de services continues ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE VAL DE FRANCE est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué, en tant qu'il rejette ses conclusions ayant trait à la détermination de l'exercice de rattachement des commissions variables versées à la caisse régionale de crédit agricole mutuel de Loir-et-Cher par la Caisse nationale de crédit agricole en 1987 et 1988 ;
En ce qui concerne les cotisations de carte bancaire :

Considérant qu'en vertu des articles 38 et 209 du code général des impôts et ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la créance acquise sur un tiers par une personne morale passible de l'impôt sur les sociétés doit être rattachée à l'exercice au cours duquel cette créance est devenue certaine dans son principe et son montant ; que, dans le cas où la créance se rapporte à la fourniture de services, le 2 bis de l'article 38 précise qu'elle doit être rattachée à l'exercice au cours duquel intervient l'achèvement de la prestation ; que le même texte énonce, toutefois, que les produits correspondant, soit à des prestations continues rémunérées notamment par des intérêts ou des loyers, soit à des prestations discontinues, mais à échéances successives échelonnées sur plusieurs exercices, doivent être pris en compte au fur et à mesure de leur exécution ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'en contrepartie de la cotisation annuelle versée par les titulaires d'une carte bancaire, la caisse requérante assure à ces derniers, pendant la période de validité de la carte, un ensemble de prestations de caractère non accessoire consistant, notamment, en l'accès permanent aux distributeurs automatiques de billets de banque et aux guichets automatiques ainsi qu'en l'enregistrement des opérations effectuées grâce à la carte et l'envoi des relevés correspondants ; qu'ainsi, même si d'autres prestations dont bénéficient également les titulaires de cartes bancaires sont, sans rémunération spécifique acquittée à ce titre par les titulaires, assurées par des tiers, notamment des commerçants et le groupement d'intérêt économique "Cartes bancaires", la cotisation annuelle acquittée par le client de la banque en contrepartie de l'usage de la carte bancaire rémunère une prestation continue fournie par la caisse pendant la période de validité de cette carte ; que, dès lors et par application des dispositions ci-dessus rappelées du 2 bis de l'article 38 du code général des impôts, cette cotisation doit être prise en compte au fur et à mesure de l'exécution des prestations correspondantes, sans que puisse y faire obstacle la circonstance que le paiement de la cotisation est effectué en totalité à la date de délivrance de la carte et que la cotisation reste acquise à la caisse en cas de retrait ou de restitution anticipée de la carte ; que, dès lors, en jugeant que les cotisations litigieuses rémunéraient uneprestation achevée dès la conclusion du contrat entre la caisse et le titulaire de la carte et devaient être regardées comme acquises, dans leur totalité, dès la remise de la carte au client et, par suite, rattachées, pour leur montant total, aux résultats imposables des exercices correspondants, la cour administrative d'appel de Nantes a donné aux faits qui lui étaient soumis une qualification juridique erronée et a méconnu les dispositions susrappelées du 2 bis de l'article 38 du code général des impôts ; que, par suite, la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE VAL DE FRANCE est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué, en tant qu'il a remis à sa charge la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Loir-et-Cher a été assujettie au titre des années 1987 et 1988 à raison de la réintégration dans ses résultats de cotisations de cartes bancaires ;

Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi susvisée du 31 décembre 1987, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "soit renvoyer l'affaire devant la même juridiction statuant, sauf impossibilité tenant à la nature de la juridiction, dans une autre formation, soit renvoyer l'affaire devant une autre juridiction de même nature, soit régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond s'agissant des cotisations de carte bancaire et de renvoyer à la cour administrative d'appel de Marseille le jugement des conclusions relatives aux commissions de placement de produits d'épargne ;
Considérant que, pour les motifs susénoncés, les cotisations annuelles payées par les clients de la caisse requérante au moment de la délivrance de cartes bancaires, devaient être prises en compte au fur et à mesure de l'exécution des prestations correspondantes ; que, par suite, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par jugement du 27 septembre 1994 le tribunal administratif d'Orléans a déchargé la caisse régionale de crédit agricole mutuel de Loir-et-Cher de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre des années 1987 et 1988 à raison de la réintégration dans ses résultats, pour la détermination de son bénéfice imposable, des cotisations de carte bancaire qui avaient été encaissées pendant l'exercice clos au cours de chacune de ces années ;
Article 1er : L'arrêt en date du 2 décembre 1997 de la cour administrative d'appel de Nantes est annulé.
Article 2 : Le recours présenté par le ministre du budget devant la cour administrative d'appel de Nantes est rejeté.
Article 3 : Le jugement des conclusions de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE VAL-DE-FRANCE relatives à la réintégration des commissions de placement de produits d'épargne est renvoyé à la cour administrative d'appel de Marseille.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE VAL DE FRANCE, au président de la cour administrative d'appel de Marseille et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 193817
Date de la décision : 24/05/2000
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-01-04 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REGLES GENERALES PROPRES AUX DIVERS IMPOTS - IMPOT SUR LES BENEFICES DES SOCIETES ET AUTRES PERSONNES MORALES.


Références :

CGI 38, 209
Loi 87-1127 du 31 décembre 1987 art. 11


Publications
Proposition de citation : CE, 24 mai. 2000, n° 193817
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Séners
Rapporteur public ?: M. Touvet

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2000:193817.20000524
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award