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04/10/2000 | FRANCE | N°157039

France | France, Conseil d'État, 04 octobre 2000, 157039


Vu la requête enregistrée le 16 mars 1994 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. X... demeurant ... ; M. X... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule pour excès de pouvoir la décision du 18 octobre 1993 mettant fin à son détachement dans le corps des conseillers commerciaux, en qualité d'adjoint au chef du poste d'expansion économique de l'ambassade de France à Moscou ;
2°) annule par voie de conséquence l'arrêté du 30 novembre 1993 du même ministre le réintégrant dans son corps d'origine ;
3°) annule l'ordre de reversement de son

traitement pour la période du 16 octobre au 30 novembre 1993 ;
4°) annule é...

Vu la requête enregistrée le 16 mars 1994 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. X... demeurant ... ; M. X... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule pour excès de pouvoir la décision du 18 octobre 1993 mettant fin à son détachement dans le corps des conseillers commerciaux, en qualité d'adjoint au chef du poste d'expansion économique de l'ambassade de France à Moscou ;
2°) annule par voie de conséquence l'arrêté du 30 novembre 1993 du même ministre le réintégrant dans son corps d'origine ;
3°) annule l'ordre de reversement de son traitement pour la période du 16 octobre au 30 novembre 1993 ;
4°) annule également par voie de conséquence l'arrêté portant nomination de son successeur ; à défaut, ordonne sa mise à disposition du gouvernement russe avec maintien de sa rémunération ;
5°) condamne l'Etat à lui verser la prime de déménagement due à un agent de son grade réintégré dans son corps d'origine, ainsi que le remboursement des frais de voyage exposés par lui suite à la décision attaquée, soit deux billets Moscou-Paris aller et retour ;
6°) condamne l'Etat à lui verser, en conséquence de l'annulation de sa réintégration dans son corps d'origine, une prime de déménagement Paris-Moscou aller et retour ainsi qu'une somme égale à la différence de traitement entre celui qu'il aurait continué de percevoir en poste à Moscou et celui qu'il a perçu suite à sa réintégration dans son corps d'origine, pendant la durée restant à effectuer de son détachement prononcé pour une période de deux ans ;
7°) condamne l'Etat à lui verser la somme de 200 000 F en réparation du préjudice subi, résultant des troubles dans les conditions d'existence pour lui et sa famille ;
8°) condamne l'Etat à lui verser la somme de 10 000 F au titre des sommes exposées par lui et non comprises dans les dépens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le décret n° 84-416 du 12 mars 1986 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu le décret n° 63-766 du 30 juillet 1963 modifié par le décret n° 97-1177 du 24 décembre 1997 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Spitz, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Odent, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Seban, Commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions dirigées contre la décision du 18 octobre 1993 du ministre de l'économie et des finances mettant fin au détachement de M. X... auprès de l'ambassade de France à Moscou :
En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'économie et des finances :
Considérant que par décision du 18 octobre 1993, le ministre de l'économie et des finances a mis fin, à compter du 15 octobre 1993, aux fonctions de M. X..., administrateur de l'Institut national de la statistique et des enquêtes économiques (INSEE), détaché dans le corps des conseillers commerciaux, en qualité d'adjoint au chef du poste d'expansion économique de l'ambassade de France à Moscou ; que si l'administration soutient que la lettre du 22 octobre 1993 du directeur général de l'INSEE annonçant cette décision à l'intéressé, et dont il est constant que ce dernier a pris connaissance le 2 novembre 1993, doit être regardée comme la lui ayant notifiée, cette lettre ne saurait, faute de toute mention des voies et délais de recours, avoir eu pour conséquence de faire courir le délai de recours contentieux à l'encontre de la décision ministérielle du 18 octobre 1993 ; que, par suite, la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté du recours formé le 16 mars 1994 contre la décision du 18 octobre 1993, doit être écartée ;
En ce qui concerne la légalité de la décision :
Considérant que la décision du 18 octobre 1993, qui a mis fin aux fonctions de M. X... au sein du poste d'expansion économique de l'ambassade de France à Moscou, doit, dans les circonstances de l'espèce, être regardée comme une mesure prise en considération de la personne de l'intéressé ; qu'il ressort des pièces du dossier que l'intéressé, qui n'a pas été informé à l'avance des motifs de cette décision, n'a pas été mis à même de demander la communication de son dossier ; que par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués à l'encontre de cette décision, il y a lieu d'en prononcer l'annulation pour excès de pouvoir ;
Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté du 30 novembre 1993 du ministre de l'économie et des finances réintégrant le requérant dans son corps d'origine :
Considérant que l'annulation de la décision du 18 octobre 1993 mettant fin au détachement de M. X... entraîne, par voie de conséquence, celle de la décision en date du 30 novembre 1993 par laquelle le ministre de l'économie et des finances a prononcé la réintégration de l'intéressé dans son corps d'origine à compter du 16 octobre 1993 ;
Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté portant nomination du successeur de M. X... :

Considérant qu'à la suite du rappel à Paris de M. X..., le ministre de l'économie et des finances a par arrêté en date du 9 septembre 1993 nommé Mme Gina Y... dans le poste de l'expansion économique qu'occupait M. X... ; que dans les circonstances de l'espèce cette nomination doit être regardée comme directement liée au retrait de fonctions décidé à l'encontre de M. X... ; qu'elle doit, par voie de conséquence de l'annulation de la décision du 18 octobre 1993 susmentionnée, être annulée ;
Sur les conclusions dirigées contre l'ordre de reversement du traitement pour la période du 16 octobre au 30 novembre 1993 :
Considérant qu'en l'absence de service accompli par l'intéressé au poste d'expansion économique entre le 15 octobre 1993 et le 30 novembre 1993, il ne saurait avoir droit au traitement afférent à l'exercice de fonctions dans ce poste ; que la circonstance alléguée par le requérant que l'administration aurait évoqué le maintien de sa rémunération jusqu'au 1er décembre, est sans influence sur la légalité de l'ordre de reversement attaqué ; que si le requérant soutient que la décision du directeur de l'INSEE le plaçant en disponibilité d'office pendant la même période serait irrégulière, cette circonstance est sans influence sur la légalité de l'ordre de reversement attaqué ;
Sur les conclusions tendant à ce que le Conseil d'Etat ordonne que M. X... soit mis à disposition du gouvernement russe avec maintien de sa rémunération :
Considérant qu'en dehors des cas prévus par l'article 6-1, ajouté à la loi du 16 juillet 1980 par la loi du 8 février 1995, qui n'est pas applicable en l'espèce, il n'appartient pas au juge administratif d'adresser des injonctions à l'administration ; que ces conclusions sont par suite irrecevables et doivent être rejetées ;
Sur les conclusions aux fins d'indemnité :
En ce qui concerne les fins de non-recevoir opposées par le ministre de l'économie et des finances :
Considérant que si l'administration soutient que les conclusions indemnitaires présentées par le requérant seraient irrecevables faute d'avoir été précédées d'une demande préalable à l'administration et d'avoir été présentées par le ministère d'un avocat au Conseil d'Etat, il ressort des pièces du dossier que M. X... a le 12 novembre 1997 transmis à l'administration une demande préalable, qui a fait l'objet d'un rejet et qu'il a procédé, suite à l'invitation qui lui en a été faite, à la régularisation de ses conclusions en les présentant par le ministère d'un avocat au Conseil d'Etat ; que par suite les fins de non-recevoir opposées aux conclusions indemnitaires de la requête de M. X... doivent être écartées ;
En ce qui concerne les conclusions relatives aux frais de voyage et de déménagement exposés par M. X... :

Considérant que si M. X... n'invoque aucun texte lui ouvrant droit au remboursement des frais de voyage qu'il a exposés, il résulte de l'instruction que les frais engagés pour une partie de ces voyages, correspondant au retour de l'intéressé et de son épouse à Paris, résultent directement de la décision illégale prise le 18 octobre 1993 mettant fin à son détachement et à ses fonctions au sein de l'ambassade de France à Moscou ; que par ailleurs en refusant à M. X... le bénéfice de l'indemnité de déménagement prévue au titre du changement de résidence par le décret n° 84-416 du 12 mars 1986, au motif que l'article 5-1° de ce décret définit la résidence à l'étranger comme le lieu où l'agent est affecté pour au moins dix mois, alors que l'intéressé, s'il est demeuré en fonctions moins de dix mois, avait bien été nommé pour deux ans au poste d'expansion économique de l'ambassade de France à Moscou, l'administration a commis une erreur de droit ; que par suite il y a lieu d'accueillir les conclusions tendant à ce que l'Etat soit condamné à verser à M. X... une indemnité en dédommagement des frais de déménagement et des frais de voyage ainsi exposés ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice invoqué par M. X... en condamnant l'Etat à lui verser à ce titre la somme de 35 000 F ;
En ce qui concerne les autres chefs de préjudice allégués :
Considérant que l'annulation de la décision du 18 octobre 1993 mettant fin au détachement de M. X... et à ses fonctions en qualité d'adjoint au conseiller commercial, ne saurait en tout état de cause ouvrir droit au rappel des traitements et indemnités accessoires subordonnés à l'exercice effectif par un agent des responsabilités de ce poste ;
Considérant que la présente décision annule le retrait des fonctions décidé à l'encontre de M. X...; que compte-tenu des circonstances de l'affaire et notamment du comportement professionnel de M. X... qui avait justifié ledit retrait de fonctions, le requérant n'est pas fondé à demander une indemnité au titre des troubles dans les conditions d'existence ; que les conclusions susanalysées ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'aux termes de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés" ; que l'article 43 de la même loi autorise le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle à demander au juge de condamner, dans les conditions prévues à l'article 75 précité, la partie perdante "au paiement d'une somme au titre des frais qu'il a exposés" ; que l'article 37 de la même loi dispose que "( ...) l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner, dans les conditions prévues à l'article 75, la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à une somme au titre des frais que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Il peut, en cas de condamnation, renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat et poursuivre le recouvrement à son profit de la somme allouée par le juge" ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle ne peut demander au juge de condamner à son profit la partie perdante qu'au paiement des seuls frais qu'il a personnellement exposés, à l'exclusion de la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle confiée à son avocat ; mais que l'avocat de ce bénéficiaire peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement à son profit de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;
Considérant, d'une part, que M. X..., pour le compte de qui les conclusions de la requête relatives à l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 doivent être réputées présentées, n'allègue pas avoir exposé de frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été allouée ; que, d'autre part, l'avocat de M. X... n'a pas demandé la condamnation de l'Etat à lui verser la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamée à son client si ce dernier n'avait bénéficié d'une aide juridictionnelle totale ; que, dans ces conditions, les conclusions de la requête tendant à la condamnation de l'Etat sur le fondement de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent être accueillies ;
Article 1er : La décision du 18 octobre 1993 du ministre de l'économie et des finances ensemble l'arrêté du 9 septembre 1993 nommant Mme Gina Y... en remplacement de M. X... est annulée.
Article 2 : La décision du 30 octobre 1993 du ministre de l'économie et des finances portant réintégration de M. X... dans le corps des administrateurs de l'INSEE à compter du 15 octobre 1993 est annulée.
Article 3 : L'Etat est condamné à verser à M. X... la somme de 35 000 F au titre des préjudices subis.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Pascal X..., à Mme Gina Y... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 157039
Date de la décision : 04/10/2000
Type d'affaire : Administrative

Analyses

36-06 FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - NOTATION ET AVANCEMENT.


Références :

Arrêté du 09 septembre 1993 art. 6-1, art. 75 décision attaquée annulation
Arrêté du 30 novembre 1993 décision attaquée annulation
Décret 84-416 du 12 mars 1986 art. 5
Loi 80-539 du 16 juillet 1980
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75, art. 43, art. 37
Loi 95-125 du 08 février 1995


Publications
Proposition de citation : CE, 04 oct. 2000, n° 157039
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Spitz
Rapporteur public ?: M. Seban

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2000:157039.20001004
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