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10/11/2000 | FRANCE | N°197903

France | France, Conseil d'État, 9 / 10 ssr, 10 novembre 2000, 197903


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 juillet et 9 novembre 1998 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Michel X..., demeurant Ploubazlanec, à Kerven-Kergadou (22620) ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 7 avril 1998 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 2 mars 1995 du tribunal administratif de Rennes rejetant sa demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti

au titre des années 1983 et 1984 ;
2°) de lui accorder la décharge...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 juillet et 9 novembre 1998 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Michel X..., demeurant Ploubazlanec, à Kerven-Kergadou (22620) ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 7 avril 1998 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 2 mars 1995 du tribunal administratif de Rennes rejetant sa demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1983 et 1984 ;
2°) de lui accorder la décharge de ces impositions ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 62-917 du 8 août 1962 ;
Vu la loi n° 84-1208 du 29 décembre 1984 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le décret n° 63-766 du 30 juillet 1963 modifié par le décret n° 88-905 du 2 septembre 1988 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Mahé, Auditeur,
- les observations de la SCP Peignot, Garreau, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Goulard, Commissaire du gouvernement ;

Sur l'étendue du litige :
Considérant que, par décision du 20 avril 2000, postérieure à l'introduction du pourvoi de M. X..., le directeur des services fiscaux des Côtes d'Armor a, en application des dispositions de l'article 38 sexdecies J de l'annexe III au code général des impôts, accordé à l'intéressé le dégrèvement en droits et pénalités, à concurrence de 16 626 F, de cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 1984 ; que les conclusions de la requête de M. X... sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;
Sur le bien-fondé des impositions :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 69 A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux bénéfices réalisés en 1983 : "I. Lorsque les recettes d'un exploitant agricole, pour l'ensemble de ses exploitations, dépassent une moyenne de 500 000 F mesurée sur deux années consécutives, l'intéressé est obligatoirement imposé d'après son bénéfice réel, à compter de la deuxième de ces années ..." ; qu'aux termes de l'article 69 du même code dans sa rédaction applicable aux bénéfices réalisés en 1984 : "I. Lorsque les recettes d'un exploitant agricole, pour l'ensemble de ses exploitations, dépassent une moyenne de 500 000 F mesurée sur deux années consécutives, l'intéressé est obligatoirement imposé d'après son bénéfice réel à compter de la première année suivant la période biennale considérée ..." ; qu'aux termes de l'article 38 sexdecies A de l'annexe III à ce code : "Les recettes à retenir pour l'appréciation de la limite de 500 000 F ... s'entendent de toutes les sommes encaissées au cours de l'année civile" ; que, pour l'application de ces dispositions, doivent être regardées comme encaissées au cours d'une année toutes les sommes mises à la disposition du contribuable soit par voie de paiement, soit par voie d'inscription au crédit d'un compte courant sur lequel l'intéressé a opéré ou aurait pu, en fait ou en droit, opérer un prélèvement au plus tard le 31 décembre de ladite année ;
Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions du code général des impôts avec les articles 1er et 7 de la loi susvisée du 8 août 1962 instituant les groupements agricoles d'exploitation en commun et, en ce qui concerne les bénéfices réalisés en 1984, avec le II de l'article 3 de la loi susvisée du 29 décembre 1984 portant loi de finances pour 1985 que, pour déterminer le régime d'imposition applicable aux associés d'un groupement agricole d'exploitation en commun (G.A.E.C.), il convient de comparer, pour chacun d'eux, la part des recettes dudit groupement qui correspond à ses droits dans ce groupement au plafond de recettes fixées par les dispositions précitées du code général des impôts ;

Considérant que la cour administrative d'appel a fait une exacte application des dispositions précitées du code général des impôts en jugeant, pour rejeter la requête de M. X..., qu'une somme de 41 233 F perçue par le G.A.E.C. de Kergadou, dont M. X... détenait un tiers des parts, devait être rattachée aux recettes de l'année 1982 dès lors qu'elle a été effectivement encaissée en 1982 et nonobstant la circonstance qu'elle a été versée au titre de livraisons effectuées en 1981 ; que le moyen tiré de ce que c'est à tort que l'administration a intégré à l'année 1983 une somme de 45 935 F encaissée en 1984, dès lors que cet encaissement ne pouvait être regardé comme volontairement différé, est nouveau en cassation ; que, par suite, M. X... n'est pas fondé à soutenir que la Cour aurait insuffisamment motivé sa décision ou commis une erreur de droit en jugeant que les recettes perçues par l'intéressé au titre des années en cause excédaient la limite de 500 000 F fixée par les dispositions précitées du code général des impôts ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 39-1 du code général des impôts, rendu applicable pour la détermination du bénéfice réel de l'exploitation agricole par l'article 72 du même code : "Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant notamment ... 2°) ... les amortissements réellement effectués par l'entreprise ..." ; qu'il résulte de ces dispositions que ne peuvent être déduits du bénéfice imposable que les amortissements qui ont été effectivement inscrits dans les écritures comptables à la clôture de chacun des exercices concernés ; qu'il appartient au contribuable de justifier que cette inscription a été effectuée avant l'expiration du délai imparti pour souscrire la déclaration des résultats annuels de l'entreprise ; qu'en jugeant que M. X..., qui n'avait pas souscrit de déclaration selon le régime des bénéfices réels, n'établissait pas, par la seule production d'écritures comptables dépourvues en l'espèce de date certaine, que ces inscriptions avaient été effectuées avant l'expiration du délai imparti pour souscrire la déclaration annuelle de résultats de l'entreprise, la Cour s'est livrée à une appréciation souveraine des faits qui lui étaient soumis, sans entacher son arrêt de contradiction de motifs et sans commettre d'erreur de droit ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 38 sexdecies J de l'annexe III au code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : "I. Lorsqu'un exploitant réalise un bénéfice supérieur à 50 000 F et excédant deux fois la moyenne des résultats des trois années précédentes, il peut demander que la fraction de ce bénéfice qui dépasse 50 000 F, ou cette moyenne si elle est supérieure, soit imposée selon les règles prévues à l'article 150 R du code général des impôts ; toutefois, le paiement de l'impôt ne peut être fractionné ... VI. Les dispositions du présent article ne sont pas applicables en cas de modification substantielle des conditions de l'exploitation pendant l'année de la réalisation du bénéfice et les trois années antérieures" ; que, pour refuser à M. X... le bénéfice du mécanisme de quotient prévu par ces dispositions, la cour administrative d'appel de Nantes s'est fondée sur le motif que le G.A.E.C. de Kergadou avait connu une modification substantielle des conditions de son exploitation au cours des trois années antérieures à 1983, en raison de la mise en service en 1981 d'une serre de 3 000 m chauffée en vue de la production de tomates ;
Considérant, toutefois, que la Cour ne pouvait, sans commettre d'erreur de droit, juger que la seule circonstance que les conditions d'exploitation avaient été substantiellement modifiées faisait obstacle à l'application des dispositions précitées, sans rechercher si les bénéfices exceptionnels des années 1983 et 1984 trouvaient leur origine dans cette modification ou au contraire dans les aléas inhérents à l'activité agricole que le législateur avait précisément entendu prendre en compte en prévoyant l'adaptation des principes généraux de détermination des bénéfices aux spécificités de cette activité ; que son arrêt doit donc être annulé en tant qu'il a, pour ce motif, refusé à M. X... le bénéfice des dispositions de l'article 38 sexdecies de l'annexe III au code général des impôts ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application del'article 11 de la loi du 31 décembre 1987, de régler sur ce point l'affaire au fond ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X..., qui n'avait pas à cette date adhéré au G.A.E.C. de Kergadou, n'exerçait pas en 1980 d'activité dont les revenus auraient été imposables dans la catégorie des bénéfices agricoles ; que, par suite, il ne pouvait se prévaloir, pour les impositions dues au titre de l'exercice 1983, des dispositions précitées de l'article 38 sexdecies J de l'annexe III au code général des impôts, dont le bénéfice est subordonné à la condition que l'intéressé ait exercé une activité d'exploitant agricole au cours des trois années précédant celle pour laquelle l'application du mécanisme de quotient est demandée ; que M. X... n'est donc pas fondé à se plaindre que, par le jugement du 2 mars 1995, le tribunal administratif de Rennes a rejeté ses conclusions tendant à ce qu'il lui soit fait application des dispositions de l'article 38 sexdecies J de l'annexe III au code général des impôts ;
Sur les conclusions de M. X... tendant à l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 et de condamner l'Etat à payer à M. X... une somme de 8 000 F au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. X... à concurrence du dégrèvement de 16 626 F prononcé le 20 avril 2000.
Article 2 : L'arrêt du 7 avril 1998 de la cour administrative d'appel de Nantes est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de M. X... tendant à ce qu'il lui soit fait application des dispositions de l'article 38 sexdecies J de l'annexe III au code général des impôts.
Article 3 : Les conclusions susanalysées présentées par M. X... devant la cour administrative d'appel de Nantes sont rejetées ainsi que le surplus de sa requête devant le Conseil d'Etat.
Article 4 : L'Etat est condamné à verser à M. X... la somme de 8 000 F au titre de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Michel X... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Formation : 9 / 10 ssr
Numéro d'arrêt : 197903
Date de la décision : 10/11/2000
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-01-02 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REGLES GENERALES - IMPOT SUR LE REVENU.


Références :

CGI 69 A, 69, 39-1, 72
CGIAN3 38 sexdecies J, 38 sexdecies
Loi 62-917 du 08 août 1962 art. 1, art. 7
Loi 84-1208 du 29 décembre 1984 art. 3 Finances pour 1985
Loi 87-1127 du 31 décembre 1987 art. 11
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75


Publications
Proposition de citation : CE, 10 nov. 2000, n° 197903
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Mahé
Rapporteur public ?: M. Goulard

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2000:197903.20001110
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