Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 30 décembre 1999 et 17 janvier 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par le PREFET DE L'ISERE ; le PREFET DE L'ISERE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 3 décembre 1999 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté du 18 novembre 1999 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Djelloul X... et l'arrêté du même jour fixant le pays à destination duquel il doit être reconduit ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Grenoble ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Laigneau, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Touvet, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ( ...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire français au-delà du délai d'un mois à compter de sa date de notification du refus ou du retrait ( ...)" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Djelloul X..., de nationalité algérienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois à compter de la notification, le 5 juillet 1999, de l'arrêté du même jour par lequel le préfet de l'Isère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ; qu'il se trouvait ainsi dans le cas où, en application du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant que par le jugement attaqué le conseiller délégué par le président du tribunal de Grenoble a annulé pour excès de pouvoir les arrêtés du préfet de l'Isère du 18 novembre 1999 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X... et fixant le pays à destination duquel il doit être reconduit, en se fondant que sur l'illégalité de l'arrêté du préfet de l'Isère du 5 juillet 1999 rejetant sa demande de carte de séjour ;
Considérant que lorsqu'un arrêté de reconduite à la frontière a pour fondement la circonstance qu'un étranger s'est maintenu sur le territoire plus d'un mois après la notification d'une décision de refus de délivrance ou de renouvellement d'un titre de séjour, l'intéressé peut, si cette décision de refus n'est pas devenue définitive, exciper de son illégalité à l'encontre de la mesure de reconduite ; que, de même, si un refus de titre de séjour a pour fondement le rejet de la demande d'asile territorial présentée par l'intéressé, la légalité de la décision opposant un refus de ce chef peut également être invoquée par la voie de l'exception si ce refus n'est pas lui-même devenu définitif ; qu'il suit de là que M. X... était recevable à mettre en cause, par la voie de l'exception, les décisions de refus susanalysées ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et notamment de celles fournies par M. X... relatives à la destruction de ses biens par un groupe terroriste qui l'avait précédemment menacé personnellement, que la vie de l'intéressé serait menacée en cas de retour en Algérie ; que dans ces conditions, le ministre de l'intérieur a commis une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de M. X... au regard des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE L'ISERE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé ses arrêtés du 18 novembre 1999 ;
Sur les conclusions de M. X... tendant à la condamnation de l'Etat au paiementdes frais exposés par lui et non compris dans les dépens :
Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 de condamner l'Etat à verser à M. X... la somme de 5 000 F au titre des frais irrépétibles ;
Article 1er : La requête du PREFET DE L'ISERE est rejetée.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. X... la somme de 5 000 F au titre des frais irrépétibles.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE L'ISERE, à M. Djelloul X... et au ministre de l'intérieur.