Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 décembre 1999 et 5 janvier 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Verginica Y..., demeurant ... ; Mme Y... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 2 novembre 1999 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 27 octobre 1999 par lequel le préfet du Val-d'Oise a ordonné sa reconduite à la frontière ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Lafouge, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Choucroy, avocat de Mme Y...,
- les conclusions de Mme Boissard, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner sur les autres moyens de la requête ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police, peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ( ...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire français au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ( ...)" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme Y..., de nationalité roumaine, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 5 février 1999, de la décision du 2 février 1999 du préfet du Val-d'Oise lui refusant un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'elle était ainsi dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant toutefois qu'il ressort des pièces du dossier que Mme Y..., qui est entrée en France en 1991, est mère de quatre enfants, qui résident régulièrement en France ; que son dernier fils y est né en 1994 ; qu'elle est, en outre, grand-mère d'un petit-fils né également en France en 1998 ; qu'elle est mariée depuis 1992 avec M. Y..., titulaire d'une carte de résident ; qu'elle n'a plus d'attaches familiales dans son pays d'origine ; qu'ainsi, compte tenu des circonstances de l'espèce, et nonobstant la circonstance qu'elle a fait l'objet d'une condamnation prononcée le 12 octobre 1995 par la 6ème chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Pontoise, l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière porte à son droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette mesure a été prise ; que la requérante est, dès lors, fondée à soutenir qu'il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme Y... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 27 octobre 1999 par lequel le préfet du Val-d'Oise a ordonné sa reconduite à la frontière ;
Article 1er : Le jugement du 2 novembre 1999 du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Versailles et l'arrêté du 27 octobre 1999 du préfet du Val-d'Oise ordonnant la reconduite à la frontière de Mme X... sont annulés.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme Verginica X..., au préfet du Val-d'Oise et au ministre de l'intérieur.