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20/12/2000 | FRANCE | N°201607

France | France, Conseil d'État, 20 décembre 2000, 201607


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 9 novembre 1998 et 5 mars 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. Louis Y... demeurant les Jardins de Bellevue à Saint-Martin (97150), par M. Alain Z... demeurant X... Marcel à Saint-Martin (97150) et par l'ASSOCIATION POUR LA RECONNAISSANCE DU STATUT PARTICULIER DE SAINT-MARTIN, dont le siège est sis "les Ports de Saint-Martin-Bellevue" à Saint-Martin (97150) ; M. A... et autres demandent que le Conseil d'Etat :
1° annule pour excès de pouvoir le décret n° 98-802 du 3 septembr

e 1998 portant création de la réserve naturelle de Saint-Martin (...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 9 novembre 1998 et 5 mars 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. Louis Y... demeurant les Jardins de Bellevue à Saint-Martin (97150), par M. Alain Z... demeurant X... Marcel à Saint-Martin (97150) et par l'ASSOCIATION POUR LA RECONNAISSANCE DU STATUT PARTICULIER DE SAINT-MARTIN, dont le siège est sis "les Ports de Saint-Martin-Bellevue" à Saint-Martin (97150) ; M. A... et autres demandent que le Conseil d'Etat :
1° annule pour excès de pouvoir le décret n° 98-802 du 3 septembre 1998 portant création de la réserve naturelle de Saint-Martin (Guadeloupe) ;
2° condamne l'Etat à leur verser la somme de 30 000 F au titre des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code rural, notamment ses articles L. 242-1, L. 242-2 et L. 242-4 ;
Vu le code du domaine de l'Etat ;
Vu la loi n° 96-1241 du 31 décembre 1996 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Courson, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Seban, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement :
Sur la légalité externe du décret attaqué :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 242-1 du code rural : "Des parties du territoire d'une ou de plusieurs communes peuvent être classées en réserve naturelle lorsque la conservation de la faune, de la flore, des eaux, des gisements de minéraux ou de fossiles et, en général, du milieu naturel présente une importance particulière ou qu'il convient de les soustraire à toute intervention artificielle susceptible de les dégrader. Le classement peut affecter le domaine public maritime et les eaux territoriales françaises." ; qu'en vertu de l'article L. 242-2 du même code, le classement est prononcé par décret après consultation de toutes les collectivités locales intéressées ; que, toutefois, il est prononcé par décret en conseil d'Etat lorsque le ou les propriétaires n'ont pas donné leur consentement ; qu'aux termes de l'article R. 242-10 du même code : "Lorsque le projet de classement a reçu l'accord écrit du ou des propriétaires et titulaires de droits réels intéressés ou de leurs ayants droit éventuels, le préfet peut recourir à une procédure simplifiée" ; que, dans ce cas, une enquête publique n'est pas nécessaire ;
Considérant que M. A..., M. Z... et l'ASSOCIATION POUR LA RECONNAISSANCE DU STATUT PARTICULIER DE SAINT-MARTIN soutiennent, en premier lieu, que le classement en réserve naturelle aurait dû être prononcé par décret en Conseil d'Etat après enquête publique, dès lors que des propriétaires de parcelles incluses dans l'aire de la réserve n'avaient pas donné leur consentement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 87 du code du domaine de l'Etat, dans la rédaction que lui a donnée l'article 37 de la loi du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral : "la zone comprise entre la limite du rivage de la mer et la limite supérieure de la zone dite des cinquante pas géométriques définie à l'article L. 86 du présent code fait partie du domaine public maritime" ; que, toutefois, le même texte réserve "le cas des parcelles appartenant en propriété à des personnes publiques ou privées qui peuvent justifier de leur droit", alors que l'article L. 88 du code du domaine de l'Etat, dans sa rédaction issue de l'article 38 de la même loi réserve : "les droits des tiers résultant soit de titres validés en vertu des dispositions de l'article 10 du décret n° 55-885 du 30 juin 1955 ..., soit de promesses de vente consenties ultérieurement par l'Etat" ;

Considérant que, si les requérants allèguent disposer de titres de propriété dans la zone dite des cinquante pas géométriques, il ressort des pièces du dossier, soit que ces titres sont postérieurs à l'ordonnance royale du 9 février 1827, qui proscrivait l'aliénation de portions de ce domaine, et antérieurs au décret du 21 mars 1882 qui a prévu que, dans certaines conditions, des parcelles situées dans cette zone pouvaient être cédées par l'Etat, soit que, s'ils sont postérieurs à cette dernière date, ils n'ont pas été conférés directement ou indirectement par l'Etat ; qu'ils ne sont donc pas fondés à se prévaloir de l'article L. 87 du code du domaine de l'Etat ;
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier et que les requérants n'allèguent d'ailleurs pas avoir acquis les parcelles de l'Etat après le 30 juin 1955 ou que leurs titres auraient été validés par la commission instituée par l'article 10-2 du décret du 30 juin 1955, applicables dans l'île de Saint-Martin dès lors qu'il a été publié au Journal officiel de la République Française ; qu'à supposer même qu'ils aient saisi la commission instituée par l'article L. 89-2 introduit dans le code du domaine de l'Etat par la loi n° 96-1241 du 30 décembre 1996, relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur de la zone dite des cinquante pas géométriques dans les départements d'outre-mer, cette circonstance n'affecterait pas la légalité du décret attaqué ;
Considérant qu'en vertu de l'article R. 242-10 du code rural, le préfet, dans le cadre de la procédure simplifiée, doit recueillir l'avis "du conseil municipal de la ou des communes intéressées ..." ; qu'aux termes de l'article R. 242-11 du même code : "le projet de classement, modifié s'il y a lieu pour tenir compte des résultats de l'enquête et des avis émis par les collectivités locales et les services consultés, est transmis pour avis, par le ministre chargé de la protection de la nature aux ministres chargés de l'intérieur, de l'agriculture, de la défense, de l'économie, des finances et du budget, de l'urbanisme, des transports, de l'industrie et des mines ainsi qu'aux autres ministres éventuellement intéressés." ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le projet de décret portant création d'une réserve naturelle à Saint-Martin a été soumis au conseil général de Guadeloupe ; que si le décret attaqué comporte des modifications par rapport au projet qui avait été présenté pour avis au conseil général de Guadeloupe, il ne traite d'aucune question nouvelle ; que le projet de décret a également été transmis pour avis aux différents ministres intéressés ; que, par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le décret attaqué aurait été pris à la suite d'une procédure irrégulière ;
Sur la légalité interne du décret attaqué :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le territoire de la réserve naturelle de Saint-Martin, créée par le décret attaqué du 3 septembre 1998, constitue un milieu naturel abritant une flore et une faune tropicale d'une grande richesse ; que, par suite, son classement a pu légalement être décidé en application des dispositions mentionnées précédemment de l'article L. 242-1 du code rural ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que MM. A..., Z... et l'ASSOCIATION POUR LA RECONNAISSANCE DU STATUT PARTICULIER DE SAINT-MARTIN ne sont pas fondés à demander l'annulation du décret attaqué du 3 septembre 1998 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer à MM. A..., Z... et à l'ASSOCIATION POUR LA RECONNAISSANCE DU STATUT PARTICULIER DE SAINT-MARTIN la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de M. A..., de M. Z... et de l'ASSOCIATION POUR LA RECONNAISSANCE DU STATUT PARTICULIER DE SAINT-MARTIN est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée aux ayants droit de M. A..., à M. Z..., à l'ASSOCIATION POUR LA RECONNAISSANCE DU STATUT PARTICULIER DE SAINT-MARTIN, au Premier ministre et au ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 201607
Date de la décision : 20/12/2000
Type d'affaire : Administrative

Analyses

44-01-005 NATURE ET ENVIRONNEMENT - PROTECTION DE LA NATURE - RESERVES NATURELLES


Références :

Code du domaine de l'Etat L87, L88
Code rural L242-1, L242-2, R242-10, R242-11
Décret du 21 mars 1882
Décret du 30 juin 1955 art. 10-2
Décret 98-802 du 03 septembre 1998 décision attaquée confirmation
Loi 86-2 du 03 janvier 1986 art. 37, art. 38
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75
Loi 96-1241 du 30 décembre 1996
Ordonnance du 09 février 1827


Publications
Proposition de citation : CE, 20 déc. 2000, n° 201607
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Courson
Rapporteur public ?: M. Seban

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2000:201607.20001220
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