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20/12/2000 | FRANCE | N°206044

France | France, Conseil d'État, 20 décembre 2000, 206044


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 26 mars 1999 et 22 juillet 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Bertrand Z..., gérant du cabinet Z..., sis ..., ainsi que pour Mme Michèle X..., demeurant ... et pour M. Gérard Y..., demeurant ... ; les requérants demandent au Conseil d'Etat d'annuler la décision du 28 janvier 1999 par laquelle la chambre de discipline de la Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle a, d'une part, dit qu'en diffusant la lettre du 18 mars 1998 auprès des clients de l'Office Blé

try, ils ont commis un démarchage illicite et manqué aux devoir...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 26 mars 1999 et 22 juillet 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Bertrand Z..., gérant du cabinet Z..., sis ..., ainsi que pour Mme Michèle X..., demeurant ... et pour M. Gérard Y..., demeurant ... ; les requérants demandent au Conseil d'Etat d'annuler la décision du 28 janvier 1999 par laquelle la chambre de discipline de la Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle a, d'une part, dit qu'en diffusant la lettre du 18 mars 1998 auprès des clients de l'Office Blétry, ils ont commis un démarchage illicite et manqué aux devoirs de loyauté, et a, d'autre part prononcé à l'encontre de M. Z... un blâme et à l'encontre de Mme X... et de M. Y... un avertissement ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de la propriété intellectuelle ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Courson, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Thomas-Raquin, Bénabent, avocat de M. Z... et autres et de Me Guinard, avocat de l'Office Blétry,
- les conclusions de M. Seban, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort de la décision attaquée de la chambre de discipline de la Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle du 28 janvier 1999 que M. Z..., gérant du cabinet Z..., et Mme X... et M. Y..., conseils en propriété industrielle, ont été sanctionnés pour démarchage illicite et manquement au devoir de loyauté, pour avoir diffusé une lettre, le 18 mars 1998, auprès des clients de l'Office Blétry, ancien employeur de Mme X... et de M. Y..., les informant du fait que ces derniers avaient rejoint le cabinet Z... ; que la chambre de discipline a prononcé pour ces faits un blâme à l'encontre de M. Z..., et un avertissement à l'encontre de Mme X... et M. Y... ;
Sur la compétence de la chambre de discipline de la Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle en tant qu'elle sanctionne un acte de démarchage illicite :
Considérant que selon l'article R. 422-56 du code de la propriété intellectuelle, la chambre de discipline de la Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle connaît des manquements des conseils en propriété industrielle à leurs obligations ; que les obligations professionnelles de ces conseils sont énumérées par les articles R. 422-52 à R. 422-54 du code de la propriété intellectuelle ; qu'aux termes de l'article R. 422-53 de ce code : "Le conseil en propriété intellectuelle s'abstient de tout démarchage et de toute publicité non autorisée dans les conditions fixées à l'article R. 423-2" ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que la chambre de discipline n'est pas compétente pour sanctionner un démarchage non autorisé doit être écarté ;
Sur la régularité de la procédure suivie devant la chambre de discipline de la Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle :
Considérant que l'article R. 422-62 du code de la propriété intellectuelle prévoit dans son quatrième alinéa que : "le conseil poursuivi peut prendre connaissance auprès du secrétaire de la chambre du dossier de la poursuite, et notamment du rapport mentionné à l'article R. 422-60" ; que le rapport prévu à l'article R. 422-60 précise les faits dénoncés, les diligences accomplies ainsi que les conclusions motivées du rapporteur sur l'existence d'une faute disciplinaire ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose de notifier ce rapport aux parties qui peuvent, en vertu de l'article R. 422-62 précité, en prendre connaissance à leur demande ; qu'en tant qu'elles ne prévoient pas la communication d'office du dossier de la poursuite au conseil poursuivi, ces dispositions ne méconnaissent pas les stipulations de l'article 6 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis à la chambre de discipline que les parties n'ont pas été privées de la possibilité d'obtenir communication de ce rapport, et ont été mises à même de discuter préalablement à la sanction qui leur a été infligée des faits et griefs susceptibles d'être retenus à leur encontre ; que, par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure suivie à leur égard n'est pas fondé ;
Sur les autres moyens invoqués :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 423-1 du code de la propriété intellectuelle : "Il est interdit à toute personne physique ou morale de se livrer au démarchage en vue de représenter les intéressés, de donner des consultations ou de rédiger des actes en matière de droit de la propriété industrielle. Toutefois, cette interdiction ne s'étend pas aux offres de service à destination des professionnels ou d'entreprises effectuées par voie postale dans des conditions fixées par voie réglementaire. ( ...)" ; qu'aux termes de l'article R. 423-2 du même code, dans sa rédaction issue du décret n° 97-863 du 17 septembre 1997 : "L'interdiction du démarchage prévue à l'article L. 423-1 ne s'étend pas aux offres de services effectuées par voie postale, à destination de professionnels ou d'entreprises. Toutefois ces offres doivent se limiter à la communication d'informations générales sur le cabinet, son organisation, son personnel, ses prestations ainsi que sur le droit de la propriété industrielle. ( ...) Un arrêté du ministre chargé de la propriété industrielle, pris après avis de la Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle, peut prescrire une présentation normalisée des informations prévues au présent article" ;
Considérant que les requérants soutiennent que la décision attaquée est entachée d'un défaut de base légale, dès lors qu'elle est fondée sur la méconnaissance de l'article 19-6 du règlement intérieur de la Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle qui serait privé de base légale à la suite de l'abrogation de l'ancien article R. 422-55 du code de la propriété intellectuelle, sur le fondement duquel avait été pris un arrêté du 17 décembre 1993 relatif aux modalités de communication d'informations par les personnes offrant leurs services en matière de propriété industrielle, dont le contenu a été repris par l'article 19-6 précité ;
Considérant que, si l'arrêté du 17 décembre 1993, relatif aux modalités de communication d'informations par les personnes offrant leurs services en matière de propriété industrielle, avait été pris pour l'application de l'ancien article R. 422-55 du code de la propriété intellectuelle, cet article a été abrogé et remplacé à l'identique par un article R. 423-2 du même code, qui prévoit lui aussi qu'un arrêté du ministre chargé de la propriété industrielle, pris après avis de la Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle, peut prescrire une présentation normalisée des informations prévues à cet article ; que dans ces conditions et en l'absence d'intervention de l'arrêté prévue à l'article R. 423-2, l'arrêté du 17 décembre 1993 est demeuré en vigueur ;

Considérant qu'aux termes de l'alinéa 1er de l'article 1er de l'arrêté du 17 décembre 1993 : "La communication d'informations générales par voie postale, par toute personne morale ou physique offrant ses services à des professionnels ou à des entreprises autres que ses clients ( ...) doit s'effectuer dans des conditions normalisées de présentation et de formulation prévues par cet arrêté" ; que, dans son article 2, cet arrêté impose que ces informations soient présentées sous forme de plaquettes imprimées ; que, par suite, la chambre de discipline a pu légalement se fonder sur les dispositions de l'article 19-6 du règlement intérieur de la Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle, qui n'autorisent ces conseils à communiquer, par voie postale à des entreprises autres que leurs clients, que des informations générales sur le cabinet présentées sous forme d'une plaquette imprimée ;
Considérant que, si les requérants entendent se prévaloir de l'article 19-10 du règlement intérieur qui autorise le recours à des faire-parts et annonces, les dispositions de cet article 19-10 ne constituent pas une simple interprétation de la réglementation alors en vigueur ; que ni les articles L. 423-1 et R. 423-2 du code de la propriété intellectuelle, ni aucune autre disposition législative ou réglementaire, n'ont attribué à la Chambre nationale des conseils en propriété industrielle le pouvoir de fixer les conditions d'exercice de la profession de conseil en propriété industrielle ; que, par suite, les requérants ne peuvent en tout état de cause utilement soutenir que la chambre de discipline a commis une erreur de droit en fondant sa décision sur l'article 19-6 et non sur l'article 19-10 du règlement intérieur ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. Z..., Mme X... et M. Y... ne sont pas fondés à demander l'annulation de la décision attaquée ;
Sur les conclusions de M. Z..., Mme X... et M. Y..., d'une part, et du cabinet Blétry, d'autre part, tendant à l'application de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que le cabinet Blétry, qui n'est pas la partie perdante, soit condamné à verser aux requérants la somme qu'ils réclament au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner M. Z..., Mme X... et M. Y... à payer à l'office Blétry une somme de 10 000 F au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de M. Z..., de Mme X... et de M. Y... est rejetée.
Article 2 : M. Z..., Mme X... et M. Y... verseront au cabinet Blétry une somme de 10 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Bertrand Z..., à Mme Michèle X..., à M. Gérard Y..., au cabinet Blétry, à la Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle, au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et au garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 206044
Date de la décision : 20/12/2000
Type d'affaire : Administrative

Analyses

55-04 PROFESSIONS - CHARGES ET OFFICES - DISCIPLINE PROFESSIONNELLE


Références :

Arrêté du 17 décembre 1993 art. 1
Code de la propriété intellectuelle R422-56, R422-52 à R422-54, R422-53, R422-62, R422-60, L423-1, R423-2, R422-55
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 6
Décret 97-863 du 17 septembre 1997
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75


Publications
Proposition de citation : CE, 20 déc. 2000, n° 206044
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Courson
Rapporteur public ?: M. Seban

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2000:206044.20001220
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