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29/12/2000 | FRANCE | N°177858

France | France, Conseil d'État, 8 / 3 ssr, 29 décembre 2000, 177858


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 14 février et 14 juin 1996 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par la SARL COME, dont le siège est ... prise dans la personne de son gérant en exercice, domicilié en cette qualité audit siège ; la SARL COME demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 30 novembre 1995 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation du jugement du 1er juin 1994 du tribunal administratif de Montpellier rejetant sa demande en décharge de l'imposition forfai

taire annuelle et des cotisations supplémentaires à l'impôt sur ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 14 février et 14 juin 1996 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par la SARL COME, dont le siège est ... prise dans la personne de son gérant en exercice, domicilié en cette qualité audit siège ; la SARL COME demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 30 novembre 1995 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation du jugement du 1er juin 1994 du tribunal administratif de Montpellier rejetant sa demande en décharge de l'imposition forfaitaire annuelle et des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés ainsi que des pénalités y afférentes auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1987 à 1989 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 29 juillet 1881 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Sauron, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Nicolay, de Lanouvelle, avocat de la SARL COME,
- les conclusions de Mme Mignon, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que l'administration fiscale n'a pas reconnu le bénéfice du régime d'exonération d'impôt sur les sociétés prévu par les dispositions des articles 44 bis III et 44 quater du code général des impôts à la SARL COME, qui prétendait se placer sous ce régime pour l'imposition de ses résultats des exercices clos en 1987, 1988 et 1989 ; que, par l'arrêt attaqué, la cour administrative d'appel de Bordeaux a jugé que la SARL COME n'était pas fondée à contester le jugement en date du 1er juin 1994, par lequel le tribunal administratif de Montpellier confirmait le rejet de sa demande par l'administration ;
Considérant qu'aux termes de l'article 44 quater du code général des impôts : "Les entreprises créées du 1er janvier 1983 au 31 décembre 1986, soumises de plein droit ou sur option à un régime réel d'imposition de leurs résultats et répondant aux conditions prévues à l'article 44 bis II, 2° et 3°, et III, sont exonérées d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices industriels et commerciaux qu'elles réalisent à compter de la date de leur création jusqu'au terme du trente-cinquième mois suivant celui au cours duquel cette création est intervenue. Les bénéfices réalisés au cours des vingt-quatre mois suivant la période d'exonération précitée ne sont retenus dans les bases de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés que pour la moitié de leur montant ..." ; qu'aux termes du III de l'article 44 bis : "les entreprises créées dans le cadre d'une concentration ou d'une restructuration d'activités préexistantes, ou pour la reprise de telles activités, ne peuvent bénéficier de l'abattement ci-dessus. Toutefois, cette disposition ne s'applique pas aux entreprises créées pour la reprise d'établissement en difficulté" ;
Considérant que, pour l'application des dispositions précitées des articles 44 quater et 44 bis III du code général des impôts, la date à laquelle une entreprise a été créée, s'entend de celle à laquelle elle a effectivement commencé à exercer son activité, la nature de celle-ci s'appréciant notamment par rapport à l'objet social et à la clientèle de l'entreprise ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SARL COME a suspendu son activité commerciale, en mars 1976 ; que la reprise par cette société d'une activité commerciale n'est intervenue qu'au printemps 1986, soit dix ans plus tard et s'est accompagnée, d'une part, de plusieurs modifications qui ont affecté son objet social, la répartition et le montant de son capital social et aussi l'identité de sa clientèle, d'autre part, de la mise en oeuvre de nouveaux moyens, tant humains que matériels, d'exploitation ; qu'en estimant, nonobstant l'importance tant de ces changements que du délai les séparant de l'interruption d'activité intervenue en 1976, que la société devait être regardée comme ayant été créée en 1970 et ayant repris en 1986 une activité préexistante, la cour a donné aux faits soumis à son examen une inexacte qualification juridique ; que la SARL COME est fondée à demander, pour ce motif, l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond, par application de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1987 ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SARL COME créée en 1970 avait, dans le cadre de son objet social initial de transport de vins et spiritueux par camions-citernes, uneseule entreprise cliente dont le dirigeant était également l'un de ses actionnaires ; que le 30 mars 1976, son assemblée générale décidait de suspendre toute activité ; que près de 10 années plus tard, en mars 1986, alors qu'aucune activité n'avait été exercée dans l'intervalle et que son unique client d'origine avait cessé la sienne, la SARL COME a modifié tant le montant et la composition de son capital social, que son objet social désormais relatif à la location de véhicules de transport routier de marchandises toutes zones ; qu'elle a, pour faire face à ses nouveaux besoins, embauché neuf salariés et acquis de nouveaux moyens matériels d'exploitation, parmi lesquels neuf camions ; que, dès lors, la SARL COME, qui n'a ni la même activité économique, ni la même clientèle et n'a pu, après dix ans d'interruption, reprendre une activité pré-existante, doit être regardée comme ayant effectivement commencé une nouvelle activité et donc comme ayant été créée, au sens des dispositions précitées de l'article 44 quater du code général des impôts en mars 1986 ; que, par suite, elle entre dans le champ d'application des dispositions précitées de l'article 44 quater du code général des impôts ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de la SARL COME tendant à la décharge de l'imposition forfaitaire annuelle et des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et pénalités y afférentes auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1987 à 1989 ;
Sur les conclusions de la SARL COME tendant à l'application de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 :
Considérant que le passage du mémoire en défense critiqué par la société ne présente pas un caractère diffamatoire ; qu'il n'y a pas lieu, dès lors, d'en ordonner la suppression par application des dispositions de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 ;
Sur les conclusions de la SARL COME tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 et de condamner l'Etat à payer à la SARL COME la somme de 15 000 F qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'arrêt en date du 30 novembre 1995 de la cour administrative d'appel de Bordeaux et le jugement en date du 1er juin 1994 du tribunal administratif de Montpellier sont annulés.
Article 2 : La SARL COME est déchargée de l'imposition forfaitaire annuelle et des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés ainsi que des pénalités y afférentes auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1987, 1988 et 1989.
Article 3 : L'Etat versera à la SARL COME une somme de 15 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SARL COME est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SARL COME et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Formation : 8 / 3 ssr
Numéro d'arrêt : 177858
Date de la décision : 29/12/2000
Sens de l'arrêt : Annulation décharge
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-02-01-01-03 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - BENEFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX - PERSONNES ET ACTIVITES IMPOSABLES - EXONERATION DE CERTAINES ENTREPRISES NOUVELLES (ART. 44 BIS ET SUIVANTS DU CGI) -CAEntreprise nouvelle - Notion - Existence - Entreprise reprenant une activité après une longue interruption et à l'issue d'importants changements dans son objet social et sa clientèle.

19-04-02-01-01-03 Pour l'application de l'article 44 quater et 44 bis III du code général des impôts, la date à laquelle une entreprise a été créée s'entend de celle à laquelle elle a effectivement commencé à exercer son activité, la nature de celle-ci s'appréciant notamment par rapport à l'objet social et à la clientèle de l'entreprise. Ne peut être regardée comme ayant été créée en 1970 et ayant repris en 1986 une activité préexistante une société qui après avoir suspendu son activité commerciale en mars 1976, n'a repris une activité qu'au printemps 1986, soit dix ans plus tard, cette reprise d'activité s'étant accompagnée, d'une part, de plusieurs modifications qui ont affecté son objet social, la répartition et le montant de son capital social et aussi l'identité de sa clientèle, d'autre part, de la mise en oeuvre de nouveaux moyens, tant humains que matériels, d'exploitation.


Références :

CGI 44 bis, 44 quater
Loi du 29 juillet 1881 art. 41
Loi 87-1127 du 31 décembre 1987 art. 11
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75


Publications
Proposition de citation : CE, 29 déc. 2000, n° 177858
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Genevois
Rapporteur ?: M. Sauron
Rapporteur public ?: Mme Mignon

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2000:177858.20001229
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