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23/02/2001 | FRANCE | N°215917

France | France, Conseil d'État, 1 ss, 23 février 2001, 215917


Vu la requête, enregistrée le 31 décembre 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 9 septembre 1999 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 27 octobre 1998 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X... Nouri en tant qu'il fixait le pays de destination ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. Y... devant le tribunal administratif de Paris ;
Vu les autres pièces du d

ossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et...

Vu la requête, enregistrée le 31 décembre 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 9 septembre 1999 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 27 octobre 1998 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X... Nouri en tant qu'il fixait le pays de destination ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. Y... devant le tribunal administratif de Paris ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mlle Landais, Auditeur,
- les conclusions de Mme Boissard, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que le PREFET DE POLICE fait appel du jugement du 9 septembre 1999 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris en tant qu'il annule sa décision fixant le pays dont M. Y... a la nationalité comme pays de destination de la mesure de reconduite à la frontière prise à son encontre ; que M. Y... demande au Conseil d'Etat, par la voie de l'appel incident, l'annulation du jugement en tant qu'il rejette ses conclusions dirigées contre l'arrêté en date du 27 octobre 1998 décidant sa reconduite à la frontière ;
Sur l'appel principal présenté par le PREFET DE POLICE :
Considérant, contrairement à ce que soutient le PREFET DE POLICE, qu'il résulte des mentions portées sur l'arrêté, que le PREFET DE POLICE a entendu désigner l'Iran comme pays de destination de la mesure de reconduite ; que l'autorité administrative n'est pas liée par l'appréciation portée par l'office français de protection des réfugiés et apatrides ou la commission des recours des réfugiés sur les faits allégués par un demandeur d'asile et reste tenue de vérifier que les mesures qu'elle prend ne méconnaissent pas les dispositions de l'article 27 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée qui interdisent qu'un étranger soit reconduit à destination d'un pays dans lequel il serait exposé à des risques sérieux pour sa liberté ou son intégrité physique ; qu'il ressort des pièces du dossier, notamment de diverses attestations produites par M. Y... dont celle en date du 5 mars 1994 émanant de l'ancien Premier ministre d'Iran, M. Bani Z..., que M. Y... pourrait être l'objet, en cas de retour en Iran, de poursuites fondées sur son opposition au régime politique actuel de ce pays ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE POLICE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a, par le jugement attaqué, annulé l'arrêté du 27 octobre 1998 en tant qu'il fixe l'Iran comme pays de destination de la mesure de reconduite ;
Sur l'appel incident présenté par M. Y... :
Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière du 27 octobre 1998 :
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police, peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ( ...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ( ...)" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Y..., de nationalité iranienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 4 juin 1998, de la décision du PREFET DE POLICE lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il se trouvait ainsi dans le cas où, en application du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Considérant que M. Y... ne justifie d'aucune vie familiale en France et ne conteste pas avoir conservé des attaches familiales en Iran où résident notamment ses parents ; que, dès lors, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, cet arrêté ait porté une atteinte disproportionnée au respect de sa vie privée et familiale en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant que si M. Y... fait valoir qu'il vit en France depuis plus de sept ans et justifie d'une bonne insertion dans la société française, ces circonstances ne suffisent pas à établir que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure sur la situation personnelle de l'intéressé ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. Y... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté les conclusions de sa demande dirigées contre l'arrêté en date du 27 octobre 1998 ordonnant sa reconduite à la frontière ;
Sur les conclusions tendant à ce que l'Etat soit condamné à payer à M. Y... la somme de 5 000 F au titre des frais engagés par lui et non compris dans les dépens :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l'Etat à verser à M. Y... la somme de 5 000 F au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête du PREFET DE POLICE est rejetée.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. Y... la somme de 5 000 F au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de l'appel de M. Y... est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à M. X... Nouri et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 1 ss
Numéro d'arrêt : 215917
Date de la décision : 23/02/2001
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 ETRANGERS - RECONDUITE A LA FRONTIERE.


Références :

Arrêté du 27 octobre 1998
Code de justice administrative L761-1
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 8
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 27, art. 22


Publications
Proposition de citation : CE, 23 fév. 2001, n° 215917
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mlle Landais
Rapporteur public ?: Mme Boissard

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2001:215917.20010223
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