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14/03/2001 | FRANCE | N°213774

France | France, Conseil d'État, 1 ss, 14 mars 2001, 213774


Vu la requête, enregistrée le 25 octobre 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 7 juillet 1999 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé pour excès de pouvoir l'arrêté en date du 21 octobre 1998 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Clément X... ;
2°) de rejeter les conclusions de la demande présentée par M. X... devant ledit tribunal ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l

a convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fond...

Vu la requête, enregistrée le 25 octobre 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 7 juillet 1999 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé pour excès de pouvoir l'arrêté en date du 21 octobre 1998 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Clément X... ;
2°) de rejeter les conclusions de la demande présentée par M. X... devant ledit tribunal ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n°45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Logak, Auditeur,
- les conclusions de M. Olson, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police, peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ( ...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ( ...) " ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X..., de nationalité congolaise, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 2 juin 1998, de la décision du PREFET DE POLICE en date du 27 mai 1998 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il était ainsi dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui" ;
Considérant que, si M. X... fait valoir qu'il est entré en France en 1986 et qu'il est sans nouvelles de sa famille restée au Congo en raison de la situation de guerre civile qui prévaut dans ce pays, il ressort des pièces du dossier que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de l'absence d'attaches familiales en France, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté du PREFET DE POLICE en date du 21 octobre 1998 n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels a été pris ledit arrêté ; qu'il n'a donc pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X... a été admis en France pour y suivre des études qu'il a terminées par un doctorat ès sciences économiques ; que, eu égard aux circonstances de l'espèce, le PREFET DE POLICE n'a pas, en ordonnant la reconduite à la frontière de M. X..., commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé ; qu'ainsi le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris s'est fondé sur le double motif d'une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée de M. X... et d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé pour annuler son arrêté du 21 octobre 1998 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X... ;
Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X... devant le tribunal administratif de Paris ;
Considérant qu'à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière, M. X... excipe de l'illégalité de la décision du 27 mai 1998 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ; qu'il n'est pas contesté que M. X... est entré régulièrement en France en 1986 et qu'il a demandé et obtenu une carte de séjour temporaire en qualité d'étudiant de 1986 à 1995 ; qu'ainsi la décision du 27 mai 1998 par laquelle le PREFET DE POLICE a refusé de délivrer un titre de séjour à M. X... au motif que celui-ci s'est maintenu en France depuis 1986 "en situation irrégulière, sans jamais avoir sollicité et a fortiori obtenu de titre de séjour" repose sur un motif matériellement inexact ; que M. X... est par suite fondé à soutenir que cette décision est entachée d'illégalité et à demander pour ce motif l'annulation de l'arrêt du 21 octobre 1998 décidant sa reconduite à la frontière ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE POLICE n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté en date du 21 octobre 1998 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X... ;
Article 1er : La requête du PREFET DE POLICE est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à M. Clément X... et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 1 ss
Numéro d'arrêt : 213774
Date de la décision : 14/03/2001
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 ETRANGERS - RECONDUITE A LA FRONTIERE.


Références :

Arrêté du 27 mai 1998
Arrêté du 21 octobre 1998
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 8
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 22


Publications
Proposition de citation : CE, 14 mar. 2001, n° 213774
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Logak
Rapporteur public ?: M. Olson

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2001:213774.20010314
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