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14/03/2001 | FRANCE | N°222859

France | France, Conseil d'État, 9 ss, 14 mars 2001, 222859


Vu la requête, enregistrée le 7 juillet 2000 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE ; le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 5 juin 2000 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté du 1er juin 2000 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme Khadidja Y... épouse X... et la décision du même jour fixant le pays à destination duquel elle doit être reconduite ;
2°) de rejeter la demande présentée par M

me Y... devant le tribunal administratif de Toulouse ;
Vu les autres pièces...

Vu la requête, enregistrée le 7 juillet 2000 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE ; le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 5 juin 2000 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté du 1er juin 2000 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme Khadidja Y... épouse X... et la décision du même jour fixant le pays à destination duquel elle doit être reconduite ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme Y... devant le tribunal administratif de Toulouse ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Mahé, Auditeur,
- les conclusions de M. Goulard, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ( ...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ( ...) " ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme Khadidja Y... épouse X..., de nationalité algérienne, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois à compter du 28 septembre 1999, date à laquelle elle a reçu notification de la décision du 16 avril 1999 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour au titre de l'asile territorial ; qu'elle se trouvait ainsi dans le cas où, en application du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant qu'à l'appui de sa demande d'annulation de l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière, Mme Y... a fait valoir qu'elle est entrée en France en 1998 car elle considérait que sa vie était en danger dans son pays, tant en raison de l'insécurité y régnant qu'à cause de menaces de mort personnelles la visant elle et son mari, M. Kadda X..., qui est retraité de l'armée algérienne et travaillait dans une société américaine ; que ce dernier l'a rejointe en France et a déposé le 23 février 2000 une demande visant à obtenir l'asile territorial, sur laquelle il n'avait pas encore été statué à la date de l'arrêté attaqué ; que si Mme Y... a également fait valoir que deux de ses enfants vivent avec elle en France et y sont scolarisés, cinq autres enfants du couple résident en Algérie ; que, dans ces circonstances et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, cet arrêté n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que c'est, dès lors, à tort que, pour annuler l'arrêté attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse s'est fondé sur ce qu'il méconnaissait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme Y... devant le tribunal administratif de Toulouse et devant le Conseil d'Etat ;
Considérant que, contrairement à ce que soutient la requérante, l'arrêté du 1er juin 2000, qui énonce les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision de reconduite à la frontière, est suffisamment motivé ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que si Mme Y... déclare être enceinte de deux mois à la date de la décision de reconduite à la frontière, aucune attestation médicale ne confirme cette déclaration et qu'elle ne soutient d'ailleurs pas qu'elle était hors d'état de supporter un voyage sans danger pour sa santé ; que quoique deux de ses soeurs et un frère séjournent en France, il n'est pas établi, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, qu'elle ait cessé d'avoir des attaches familiales en Algérie ; qu'alors que sa demande d'asile territorial a été rejetée, le seul document produit attestant qu'elle serait menacée n'est pas de nature à établir les risques qu'elle allègue en cas de retour dans son pays ; qu'ainsi, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences que l'arrêté de reconduite à la frontière du 1er juin 2000 pouvait avoir sur la situation personnelle de Mme Y... ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 5 juin 2000, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté du 1er juin 2000 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme Y..., ainsi que la décision de la même date fixant le pays à destination duquel elle doit être reconduite ;
Sur les conclusions de Mme Y... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à Mme Y... la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du 5 juin 2000 du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse est annulé.
Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Toulouse par Mme Y... est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de Mme Y... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE LA HAUTE-GARONNE, à Mme Khadidja Y... épouse X... et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 9 ss
Numéro d'arrêt : 222859
Date de la décision : 14/03/2001
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 ETRANGERS - RECONDUITE A LA FRONTIERE.


Références :

Arrêté du 01 juin 2000
Code de justice administrative L761-1
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 8
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 22


Publications
Proposition de citation : CE, 14 mar. 2001, n° 222859
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Mahé
Rapporteur public ?: M. Goulard

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2001:222859.20010314
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