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16/03/2001 | FRANCE | N°198050

France | France, Conseil d'État, 9 / 10 ssr, 16 mars 2001, 198050


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 15 juillet 1998 et 16 novembre 1998 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. X... LE PEN, demeurant 8, Parc de Montretout à Saint-Cloud (92210) ; M. LE PEN demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 12 mai 1998 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête aux fins de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il est resté assujetti au titre de chacune des années 1978 à 1981 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le

code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le c...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 15 juillet 1998 et 16 novembre 1998 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. X... LE PEN, demeurant 8, Parc de Montretout à Saint-Cloud (92210) ; M. LE PEN demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 12 mai 1998 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête aux fins de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il est resté assujetti au titre de chacune des années 1978 à 1981 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Fabre, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Peignot, Garreau, avocat de M. LE PEN,
- les conclusions de M. Goulard, Commissaire du gouvernement ;

En ce qui concerne les produits d'opérations en bourse de commerce imposés dans la catégorie des bénéfices non commerciaux et par voie d'évaluation d'office au titre des années 1979 et 1980 :
Considérant, en premier lieu, que la cour administrative d'appel, après avoir relevé que, dans la notification adressée à M. LE PEN le 19 décembre 1983, le vérificateur avait indiqué s'être fondé sur l'examen des opérations retracées par le compte ouvert à son nom auprès de la société commissionnaire en bourse de commerce Huet S.A. pour évaluer, en déduisant des gains les frais et charges portés sur ce compte, les produits nets imposables résultés desdites opérations au cours de chacune des années 1979 et 1980, a, sans commettre d'erreur de droit, jugé que le contribuable avait été, ainsi, régulièrement informé de l'origine et de la teneur des renseignements recueillis auprès d'un tiers et utilisés par l'administration, et n'était pas fondé à soutenir qu'en outre, celle-ci aurait dû préciser dans la notification les modalités suivant lesquelles elle avait usé de son droit de communication ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales : "Les bases ou les éléments servant au calcul des impositions d'office sont portés à la connaissance du contribuable ... au moyen d'une notification qui précise les modalités de leur détermination ..." ; que, d'une part, la cour administrative d'appel n'a, contrairement à ce que soutient M. LE PEN, pas méconnu ces dispositions en jugeant régulière la notification qui lui a été adressée le 19 décembre 1983, alors même que le vérificateur n'y exposait pas les motifs de droit et de fait pour lesquels il estimait que les profits réalisés entraient dans le champ d'application des dispositions des articles 92-2 et 92 A du code général des impôts ; que, d'autre part, en estimant que le vérificateur avait suffisamment explicité les bases retenues pour le calcul des impositions, la Cour a émis une appréciation souveraine insusceptible d'être contestée, en l'absence de dénaturation de la notification, devant le juge de cassation ;
En ce qui concerne la somme de 591 500 F taxée d'office au titre de l'année 1981 en tant que revenu d'origine indéterminée :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis à la cour administrative d'appel que, par application des dispositions de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, l'administration a demandé à M. LE PEN de justifier de l'origine des sommes en espèces dont il avait disposé au cours de l'année 1981, tant pour effectuer sur ses comptes bancaires des dépôts dont le montant total s'est élevé à 587 500 F, que pour le règlement des dépenses courantes d'une famille de cinq personnes, forfaitairement évaluées à 60 000 F, dans la mesure où ces emplois faisaient apparaître sur les retraits d'espèces, un excédent de 591 500 F ; qu'à défaut de justifications probantes fournies par M. LE PEN, l'administration a taxé d'office, en application des dispositions de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, ladite somme ;

Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce que soutient M. LE PEN, la circonstance que la base d'imposition qui lui a ainsi été notifiée comporte une évaluation forfaitaire des dépenses courantes réglées en espèces par un contribuable dont le foyer compte cinq personnes n'entraîne pas qu'au regard des dispositions de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales, les "modalités de détermination" de ladite base lui aient été insuffisamment précisées ; que la régularité de la procédure d'imposition sur ce point a, par suite, été, sans erreur de droit, admise par la cour administrative d'appel ;
Considérant, en second lieu, qu'en estimant non apportée par M. LE PEN la preuve de l'origine et du caractère non imposable des sommes en espèces dont il avait disposé, la cour administrative d'appel a, sans dénaturer les pièces versées au dossier par le requérant, émis une appréciation souveraine qui ne peut être contestée devant le juge de cassation ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. LE PEN n'est pas fondé à demander, sur les points ci-dessus examinés, l'annulation de l'arrêt attaqué ;
En ce qui concerne les revenus fonciers réintégrés au titre de chacune des années 1978 à 1981 :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis à la cour administrative d'appel que les déficits fonciers déclarés par M. LE PEN au titre de chacune des années 1978 à 1981 ont été redressés par l'administration, jusqu'à laisser place, au titre de l'année 1981, à un revenu imposable de 58 000 F, en conséquence de la prise en compte de l'avantage consenti au contribuable par la société civile immobilière dont, avec son épouse, il détenait la quasi-totalité des parts, et de laquelle il tenait en location son habitation principale, moyennant un loyer selon elle anormalement bas ; que, pour déterminer la valeur de cet avantage, le vérificateur, ainsi qu'il ressort de la notification de redressement du 19 décembre 1983, s'est principalement fondé sur la valeur locative cadastrale de l'immeuble en cause, à laquelle il a, toutefois, appliqué, selon les années, une majoration ou une atténuation résultant de l'établissement d'une moyenne entre cette valeur et les loyers pratiqués pour trois autres maisons du même secteur d'habitation ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : "L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ..." ; qu'en jugeant que, bien qu'elle ne comportât pas la désignation ni la description précise des maisons aux loyers desquelles se référait notamment le vérificateur, la notification de redressement du 19 décembre 1983 était, sur ce point, régulièrement motivée, alors que ces lacunes étaient de nature à priver le contribuable de la possibilité de formuler ses observations de façon entièrement utile, la cour administrative d'appel a, comme le soutient M. LE PEN, commis une erreur de droit ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner sur ce point les autres moyens de la requête, M. LE PEN est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant que la Cour a statué sur les revenus fonciers inclus dans les bases du supplément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1981 ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application de l'article L. 821-2, premier alinéa, du code de justice administrative, de régler sur ce point l'affaire au fond ;
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la notification de redressements du 19 décembre 1983 n'a pas été régulièrement motivée en ce qu'elle avait trait aux revenus fonciers ; que la fraction du supplément d'impôt sur le revenu auquel M. LE PEN a été assujetti au titre de l'année 1981 résultée des redressements apportés aux déficits fonciers déclarés par lui au titre de chacune des années 1978 à 1981 a, par suite, été établie à l'issue d'une procédure irrégulière ; que, dès lors, M. LE PEN est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement dont il fait appel, le tribunal administratif a refusé de lui accorder la réduction, à due concurrence, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu dont s'agit ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 12 mai 1998 est annulé en tant que la Cour a statué sur les droits procédant de l'imposition de revenus fonciers s'élevant à 58 000 F compris dans le supplément d'impôt sur le revenu auquel M. LE PEN a été assujetti au titre de l'année 1981.
Article 2 : Il est accordé à M. LE PEN une réduction du supplément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1981, à concurrence des droits et pénalités procédant de l'imposition d'un revenu foncier de 58 000 F.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 27 juin 1995 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 2 ci-dessus.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. LE PEN est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. X... LE PEN et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Formation : 9 / 10 ssr
Numéro d'arrêt : 198050
Date de la décision : 16/03/2001
Sens de l'arrêt : Annulation partielle réduction
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-01-03-02-02 CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - REGLES GENERALES D'ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - REDRESSEMENT - NOTIFICATION DE REDRESSEMENT -Revenus fonciers - Obligation pour l'administration de faire mention explicite des locaux de référence retenus pour le calcul de la valeur cadastrale - Existence.

19-01-03-02-02 Ne satisfait pas aux exigences de motivations prévues par l'article L. 57 du livre des procédures fiscales une notification de redressement qui, ne comportant ni la désignation ni la description précise des maisons aux loyers desquels s'est référé le vérificateur pour le calcul de la valeur locative cadastrale d'un immeuble, n'est pas de nature à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile sur le redressement envisagé.


Références :

CGI 92-2, 92 A
CGI Livre des procédures fiscales L76, L16, L69, L57
Code de justice administrative L821-2


Publications
Proposition de citation : CE, 16 mar. 2001, n° 198050
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Fouquet
Rapporteur ?: M. Fabre
Rapporteur public ?: M. Goulard

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2001:198050.20010316
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